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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et le rocher moussu qu’on aperçoit ne sont autre chose que les
insignes distinctifs que traînent les démons de la montagne et les
démons forestiers dont les membres, recouverts d’écorces, se ter-
minent en branchages.
Le maître a emprunté à l’iconographie bouddhique de nom-
breux éléments. M. de Milloué signale certains détails inspirés par
la <( Tentation du Bouddha ». Les traits décochés s’épanouissent
en lotus, et toute cette armée de monstres semble se porter à l’assaut
d’une forteresse imprenable, comme sur les images qui mettent en
présence le puissant tentateur Màra et l’Illuminé. Gomment ne
pas reconnaître aussi, çà et là, des rappels de ces « Jugements infer-
naux », accompagnés de supplices et de tortures, que l’on voyait
jadis peints sur les murs des monastères bouddhiques, et dont les
missions envoyées dans le Turkestan chinois nous ont rapporté
d’impressionnants vestiges ?
Enfin, M. Chavanneseut l’heureuse pensée d’identifier les démons-
souverains d’après une sculpture chinoise de l’année 543, dédiée à
Çàkya-Mouni et ses disciples L
Quant au groupe de femmes qui s’agitent autour de la mère
inconsolable, sous de grands éventails inclinés, le peintre a dû, en
traçant leurs silhouettes gracieuses, penser aux princesses menues
et fines de Kou K’ai-tche. Et, dans son ensemble, le rouleau rappelle
certaines dalles gravées de l’époque Han, où l’artiste, renonçant à
aligner en ordre correct des chars et des chevaux, s’est complu à
disperser sur la surface de la pierre, dans un désordre plaisant,
des génies fantastiques, des envolées d’oiseaux, des fleurs, des
personnages et des arbres.
*
5k 5k
Le T’oung Pao publia en 1907 une belle peinture sur soie
dont l’étude est indispensable pour la connaissance de Li Long-
mien 1 2. Gomme celle du Musée Guimet, elle se déroule horizontale-
ment. Le sujet : « divinités, génies errants et arhats », est empreint de
gravité religieuse. Le cortège par lequel débute le rouleau évoque la
somptueuse procession du roi de Wei, sculptée dans une grotte de
Long-men. Les arhats sont de la même famille que ceux de la col-
1. Cf. Ars Asiatica, II, p. 15.
2. Une description détaillée, avec quatre planches, se trouve dans le T’oung
Pao, mars 1907. Le rouleau a 7m82 de long sur 32 centimètres de hauteur. 11
porte deux cachets du maître.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et le rocher moussu qu’on aperçoit ne sont autre chose que les
insignes distinctifs que traînent les démons de la montagne et les
démons forestiers dont les membres, recouverts d’écorces, se ter-
minent en branchages.
Le maître a emprunté à l’iconographie bouddhique de nom-
breux éléments. M. de Milloué signale certains détails inspirés par
la <( Tentation du Bouddha ». Les traits décochés s’épanouissent
en lotus, et toute cette armée de monstres semble se porter à l’assaut
d’une forteresse imprenable, comme sur les images qui mettent en
présence le puissant tentateur Màra et l’Illuminé. Gomment ne
pas reconnaître aussi, çà et là, des rappels de ces « Jugements infer-
naux », accompagnés de supplices et de tortures, que l’on voyait
jadis peints sur les murs des monastères bouddhiques, et dont les
missions envoyées dans le Turkestan chinois nous ont rapporté
d’impressionnants vestiges ?
Enfin, M. Chavanneseut l’heureuse pensée d’identifier les démons-
souverains d’après une sculpture chinoise de l’année 543, dédiée à
Çàkya-Mouni et ses disciples L
Quant au groupe de femmes qui s’agitent autour de la mère
inconsolable, sous de grands éventails inclinés, le peintre a dû, en
traçant leurs silhouettes gracieuses, penser aux princesses menues
et fines de Kou K’ai-tche. Et, dans son ensemble, le rouleau rappelle
certaines dalles gravées de l’époque Han, où l’artiste, renonçant à
aligner en ordre correct des chars et des chevaux, s’est complu à
disperser sur la surface de la pierre, dans un désordre plaisant,
des génies fantastiques, des envolées d’oiseaux, des fleurs, des
personnages et des arbres.
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Le T’oung Pao publia en 1907 une belle peinture sur soie
dont l’étude est indispensable pour la connaissance de Li Long-
mien 1 2. Gomme celle du Musée Guimet, elle se déroule horizontale-
ment. Le sujet : « divinités, génies errants et arhats », est empreint de
gravité religieuse. Le cortège par lequel débute le rouleau évoque la
somptueuse procession du roi de Wei, sculptée dans une grotte de
Long-men. Les arhats sont de la même famille que ceux de la col-
1. Cf. Ars Asiatica, II, p. 15.
2. Une description détaillée, avec quatre planches, se trouve dans le T’oung
Pao, mars 1907. Le rouleau a 7m82 de long sur 32 centimètres de hauteur. 11
porte deux cachets du maître.