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— 26 —

lès mélancolique accoudé sur un toit et qui
regarde en tirant la langue la ville étendue à
ses pieds. Quelques-unes sont des chefs-d'œu-
vre, où une sorte de poésie fantastique s'allie
au sentiment le plus exact de la réalité, et
toute la liberté, toute l'allure Hère et vivante
de l'eau-forte, avec la précision la plus abso-
lue. Je signalerai particulièrement les vues du
Pont-Neufetdu Pont-au-Change(une merveille j
de hardiesse, de perspective, et de sentiment)
la Pompe Notre-Dame, deux vues de la ca-
thédrale, la Tour de l'Horloge au Palais de
Justice, etc. : elles sont dignes des plus grands
maîtres, par le style, la tournure et l'accent.

Le pauvre Méryon est mort fou à Charen-
tou. Depuis longtemps, à la suite des mal-
heurs et des souffrances de sa vie, sa cervelle
s'était détraquée. En 1860, j'avais rendu
compte dans un journal de son œuvre, et il
m'écrivit à ce propos une longue et curieuse
lettre, où le dérangement de ses facultés men-
tales était déjà très-sensible. Tout eu me re-
merciant avec chaleur, il se défendait énergi-
quement contre la qualification d'Anglais que
je lui avais donnée, à cause de la nationalité
de son père, et me racontait toute sa vie, en
appuyant, dans les termes les plus mystérieux
et les plus pressants, sur les graves raisons
qu'il avait pour revendiquer son titre de
Français :

« Des hommes chez lesquels l'entendement
ne paraît pas précisément très-développé,
tantôt ne m'accordant que la plus inlime va-
leur; tantôt, par une singulière contraction,
m'attribuant une influence considérable, s'ob-
stinant à me traiter d'étranger, je ne sais dans
quel but ni pour quelle cause, voudraient
s'opposer à ce que je vive, non-seulement
ici, mais même en quelque lieu que ce soit.
En effet, n'est-il pas clair que si ici on me
dit Anglais, en Angleterre on aurait bien plus
de motifs encore pour me dire Français? Et
alors, à plus forte raison, me verrais-je re-
poussé de tel autre lieu où je tenterais de
m'établir. De là les conclusions les plus dro-
latiques, — l'impossible, eu un mot. »

Et il développait très-longuement cette théo-
rie, puis terminait sa lettre en disant :

« Vos éloges, Monsieur, sont bien de nature
à raviver mon courage, depuis longtemps
comme étouffé sous un amas de laves et de
cendres, »

Méryon s'est laissé périr de faim, à cause
de la disette actuelle, persuadé qu'il ne pour-
rait manger un morceau de pain sans faire
tort d'autant aux misérables , et résolu à leur
abandonner sa part. 11 est mort persuadé
qu'il sauvait ainsi la vie à l'un de ses frères.

ÉTUDES SUR L'ART A L'ÉTRANGER.

LE MUSÉE PITTI. (Suite)

SALLE 0'APOLLON.

Au plafond, Côme 1er reparaît. Il a quitté
Minerve; la gloire et la vertu le conduisent
maintenant à Apollon. « Apollon semble lui
! indiquer du doigt le zodiaque tracé sur le
globe célestequ'Allas soutientsurses épaules.
Le zodiaque marque la route invariable que
doit suivre le soleil s'il ne veut dévier de son
cours; de même le jeune homme qui lui est
présenté, doit suivre la route de la vertu et de
la science indiquée par de nombreux groupes
de nymphes. » (Guide Fantozzi).

Dans la salle, les Vénitiens dominent.
Palme le vieux. Les pèlerins d'Emails. —
D'un très beau ton; toutefois cela reste loin
du grand tableau du Titien, qu'on voit au
Louvre, sur le même sujet; le style surtout
! est d'un ordre inférieur. — Une très-jolie li-
gure d'adolescent en veste brune rayée de
de jaune , qui sert les Apôtres..

Le Porde.no.m:. — Sainte Conversation. C'est
une Sainte famille visitée par deux saintes.
Voici des figures que Titien signerait; la
forme est aussi noble que le ton est splendide,
et les têtes se font remarquer par celte régu-
larité grecque qu'affectionne, dans ses fem-
mes , le peintre de Cadore.

Titien. Portrait de VArêlin. — Un des
chefs-d'œuvre du maître. Son Arétin vit, il
parle, il menace, il est pris au vol, peint en
flagrant délit. Vu de face, il regarde de côté
en levant la tête, comme s'il descendait un
escalier en causant avec quelqu'un qui le sui-
vrait. Son front un peu chauve et sa barbe de
satyre s'accordent bien avec sa réputation obs-
cène; ses sourcils noirs ont le froncement de
de la bravade; sa bouche, largement fendue,
ricane; sa robe, d'un satin rouge tirant sur le
violet sous lequel on voit passer une énorme
chaîne d'or, est d'un luxe sénatorial; tout rap-
pelle les audaces et les prospérités de celui
qu'on surnommait le fléau des "princes, et qui
sut effectivement, dans une époque de des-
potisme, mettre à rançon des rois comme de
simples particuliers. Du reste un front puis-
saut et intelligent, des yeux d'une pénétra-
tion redoutable, et, sur tout ce visage, à la
fois plein et fatigué, visage de viveur et de
penseur, une grande expression de souplesse
et de finesse; il en a fallu à PArétin pour jouer
le pape Jules III qui songea un moment à le
faire cardinal, et pour rester, dans son in-
famie, l'ami des hommes les plus distingués
et même des plus grands caractères de son
temps, à commencer par Michel-Ange lui-
même. Rien n'était impossible à ce roi des
drôles; à côté de ses pages ordurières, n'a-t-il

pas laissé une admirable paraphrase des sept
psaumes de la pénitence, qui a mérité l'hon-
neur d'être deux fois traduite en français?

Raphaël. Trois portraits, A ngiolo et Madeleine
Doni; et le célèbre portrait de Léon X. Les
deux figures d'Angiolo Doni et de sa femme
sont plus remarquables que séduisantes; phy-
sionomies bourgeoises, froides et pincées,
qui feraient bien derrière un comptoir; beau-
coup de caractère, c'est dessiné et modelé à
la façon d'Holbein; mais une couleur glaciale
et une facture de la précision la plus sèche;
on dit que Madeleine Doni a servi de lype aux
Madones de Raphaël ; qui s'en douterait, en
la voyant? — Le portrait de Léon X assis à une
table, avec les cardinaux Jules de Médicis et
et deRossi à ses côtés, a été trop souvent gravé
pour qu'on le décrive. Il a cela d'admirable
qu'il forme, comme tous les grands portraits
de Raphaël , toute une composition poétique.
Rien que les figures soient représentées dans
le calme d'attilude qui sied au portrait, leurs
caractères sont rendus avec une telle intimité
qu'on croit les voir en action. On assiste aux
conseils du Vatican, on contemple le pape-
roi dans l'exercice de sa souveraineté. Le
modelé a cette largeur, ce relief et cette sou-
plesse qui suffisent à la vie des portraits de
Raphaël et qui suppléent si bien chez lui à
l'absence d'une coloration prestigieuse. Car
ce n'est pas le ton qui éblouit, dans cette ad-
mirable figure de LéonX, quoi qu'en dise
Quatremère de Quincy (»)•'; c'est de l'harmo-
nie plutôt que de la couleur. Les deux cardi-
naux, notamment, sont peints dans une demi-
teinte mince et déplaisante.

Paul Véron'èse. Portrait de sa femme. Ce
n'est pas le portrait le moins curieux ni le

(i) Quatremère tic Quincy loue d'ailleurs 1res justement
« la profondeur de vérité et de caractère de la tète du
pape, la noble simplicité de sa pose, la justesse de
l'ensemble, le relief de la peinture, l'exécution large
et précieuse de tous les accessoires. — Vasari,ajoute-t-il,
s'est beaucoup arrêté à vanter les détails de ce tableau.
Outre ce qui regarde les deux portraits des cardinaux,
principaux accessoires de son ensemble, il s'est plu à y
relever l'illusion de tous les détails dans la manière dont
sont traités l'or, la soie, les bordures du vêtement du
pape, le lustre des étoffes. Leurs plis brisés, dit-il, sem-
blent faire entendre le bruit de leur froissement entre
eux. 11 n'oublie ni le livre relié en vélin, ni les luisants
de la boule d'or du fauteuil où siège le pape. Ces men-
tions, dira-t-on, sont minutieuses et ce n'est pas là que
résident soit le talent du peintre, soit le mérite de son
œuvre. Non sans doute, et Vasari le savait peut-être
mieux que bien d'autres ; mais c'est qu'obligé, comme
écrivain, de donner au lecteur une idée de ces beautés,
dont les paroles, écrites surtout, ne sauraient transmet-
tre l'image à l'esprit, il se rejette sur la description
d'objets dont l'idée s'adresse au sens extérieur. C'est une
manière de faire entendre ce que doit cire l'original,
quand les légers accessoires ont été traités avec une telle
perfection. » (Histoire de Raphaël et de ses ouvrages,
p. 187).
 
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