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expressions du jury), et dans ses conclusions
il déclare comme ci-dessus que nous n'avons
pas de prosateur.

Puis viennent MM. Albert Lacroix , le sa-
gace investigateur, puis M. F. Hennebert
dont le coup d'essai est un coup de maître,
ce qui n'empêche pas le jury de déclarer, tou-
jours comme ci-dessus, que nous n'avons
pas de prosateur.

Mais ce n'est pas tout. Le jury d'alors avait
réservé tous ses dédains pour une de nos
individualités littéraires à coup sûr les plus
remarquables et vis-à-vis de laquelle il eût
été convenable de s'arrêter quelques in-
stants, ne fut-ce que pour faire comme la
France qui, un moment émue et troublée, se
demanda à son apparition, d'où lui venait
maintenant la lumière.

Cet homme est un simple et modeste pro-
fesseur d'athénée à Tournai; il s'appelle
Ferdinand Loise. Voilà près de vingt ans,
croyons-nous, qu'il travaille à un monument
colossal dont les quatre premières colonnes
sont aujourd'hui plantées, c'est Y Histoire de
la poésie dans le monde entier. 11 a déjà pu-
blié l'Orient, la Grèce, Rome, L'Italie, la
France.. Hier paraissait VEspagne. Demain
paraîtra VAngleterre, puis L'Allemagne. 11
y a quelques années, l'académie royale de
Belgique le couronnait et Paul Devaux di-
sait à cette occasion : « Puisque le concours,
» malgré ce qu'il a de nouveau dans nos
» usages, répond si pleinement à nos inten-
» tions et nous offre une œuvre remarquable,

» empressons-nous de la couronner____ »

Quand le livre parut en France, la savante
nation chargea deux des siens, Alexis
Pierron et Geruzez, d'examiner les papiers
de ce jeune flamand qui venait chasser sur
ses terres. Pierron répondit qu'il était né un
rival à Ginguenné et Geruzez apprit au public
étonné que Sismondi avait un successeur.

A cette même époque, le jury quinquennal
belge détachait à M. Loise une ruade du plus
mauvais goût et du plus mauvais style, sans
doute pour arriver à cette conclusion que
nous n'avions pas de prosateur.

L'heureux vaincu d'alors rentra dans sa
laborieuse solitude, toute rayonnante, du
reste, de la glorieuse clarté jetée par la
grande nation littéraire à son nom. Décou-
ragé du côté d'où lui devaient venir la force
et la justice, mais soutenu par l'approbation
étrangère des maîtres dans l'art du bien-dire,
il continua son oeuvre grandiose, et, dans
la nouvelle période quinquennale qui vient
de finir, il publia VHistoire de la poésie
espagnole. (î)

(i) Nous apprenons que ce livre va être traduit en es-
pagnol.

Le jury de 1868, composé, pour la moitié
moins un , des mêmes membres que celui de
1865, a imité, comme nous l'avons dit, son
prédécesseur. Il déclare, celui-là, que c'est la
prose qui chaque jour attire un plus grand
nombre d'écrivains. Il consacre à l'influence de
cette forme littéraire sur les mœurs, quelques
pages d'une réelle beauté de style et d'une
puissance de pensée digne des meilleurs
plumes, mais digne aussi d'une conclusion
moins illogique ; il cite les nomsde MM. Loise,
Al vin, Ed. Fétis, Fr. Fétis, Couvez, DeCoster,
Leclercq, E. Greyson, Mme Popp, Mme Lan-
glet, Lebrocquy et Keiffer (Pourquoi pas MM.
J. Van Praet et J. Rousseau?) Puis après
les avoir vantés dans une mesure qui n'est
pas toujours celle qu'il faudrait, selon nous,
le rapport conclut à donner le prix à un
poète, oubliant qu'il vient de faire à la prose
une part bien plus largo et bien plus brillante
qu'à la poésie. Explique qui pourra celte chute
ou plutôt ce naufrage de la raison (i).

M. Ferd. Loise qui s'imposait d'une façon
si naturelle au choix du jury, est, dans ce
rapport, l'objet d'une assez longue étude,
tourmentée, capricieuse, nuageuse, contra-
dictoire et à laquelle manquent, de la manière
la plus évidente, les allures de la sincérité.
Le rapporteur substitue sa manière de voir à
celle de l'auteur et il l'ait ainsi montre de sa
théorie au lieu d'examiner celle qu'il a sous
les yeux. C'est toujours l'entraînement naturel
à M. Stécher qui ne voit dans les littératures
que le côté savant au lieu d'y rencontrer la
chose elle-même, son expression et ses in-
fluences. L'érudit est impitoyable, il demande
à M. Loise un livre que celui-ci ne s'est pas
engagé à faire et l'auteur se trouve jugé, non
danssonœuvre, mais dans celle que M. Stécher
eût voulu qu'il fit. On comprend que ce pro-
cédé met tout hors de question et l'on doit
regretter qu'aucun membre du jury n'ait jugé
à propos d'en faire l'observation, du moins
nous n'en voyons pas trace dans le rapport.

Nous aurions fort à faire s'il fallait suivre
le rapporteurdans la partiecritiqueconsacrée
à notre auteur. Il nous suflit d'avoir donné
sommairement les opinions émises à ce sujet,
ce que nous aurons accompli quand nous
aurons dit, qu'en ce qui concerne le style et
le patriotisme de l'auteur de VHistoire de la
poésie espagnole, il est rendu justice à celui-ci
dans une proportion dont les termes forment,
encore une fois, une de ces contradictions

(i) Contrairement à tous les usages reçus, les docu-
ments de l'espèce ne sont plus lus en public. On se
borne, lors d'une séance publique de l'académie, à lire
le dispositif royal qui accorde le prix.

Pourrait-on nous donner les véritables motifs de
cette manière insolite de procéder?

pénibles à constater et sur lesquelles nous
avons spécialement insisté.

Nous irons jusqu'au bout dans la recherche
des causes qui ont si cruellement enlevé au
prosateur dont il s'agit les bénéfices du prix
quinquennal, mais nous croyons utile de jeter
un regard d'ensemble sur la nouvelle œuvre
du professeur de l'athénée de Tournai, et,
comme notre jugement pourrait être taxé
d'exagération ou de camaraderie patriotique,
nous donnerons la parole d'abord à la France,
pays, comme le dit le rapporteur, peu enclin
à s'éprendre de notre génie, puis à l'Espagne ,
la grande intéressée dans la question.

M.Eugène Baret, celui qui avec MM. De
Puibusque, De Vieil-Caste!, Philarète Chas-
les, et de Circourt, a le plus popularisé la
poésie espagnole en France, a consacré à
l'œuvre nouvelle une analyse sérieuse dans
la Revue de Vinstruction publique, recueil qui
sera peu suspecté par la majorité du Jury.

M. Baret trouve que l'ouvrage de M. Loise
est un livre agréable et instructif, bien divisé,
qui se lit avec plaisir, à quelques locutions
près qui sentent le terroir belge (?)

La critique de l'auteur est élevée et pure
dit-il; s'il se montre extrêmement sensible à
l'expression du beau , il sait blâmer à propos
le talent qui, dans YàCèlestine, par exemple,
sous prétexte de morale, ne sert qu'à dissi-
muler le danger de certaines peintures et à
rendre la prétendue leçon d'autant plus dan-
gereuse. Ce genre de courage est rare aujour-
d'hui où la forme exerce tant d'empire et il
faut en savoir gré à l'auteur.

Descendant sur le terrain de l'érudition,
M. Baret reproche, il est vrai, à M. Loise
d'avoir négligé certaines sources où il aurait
pu s'instruire avec avantage. Ici se révèlent
les sympathies personnelles du savant auteur
de VHistoire de la littérature espagnole et le
reproche, si reproche il y a, constitue tout
au plus une remarque dont ilfauttenircompte
pour une autre édition. Le même critique
s'attache avec une obstination peut-être puérile
et certes tout à fait inattendue, (les savants
sont sans pitié!) aux brillantes qualités du
style de M. Loise. Il trouve ces qualités trop
lyriques, trop enthousiastes et il les réprouve
dans un traité de cette nature. Comme s'il
s'agissait d'un palimpseste à interpréter, et
encore l'interprétation perdrait-elle de son
mérite parcequ'elle serait élégamment écrite?
Bref, ces formes, ajoute M. Baret, n'altèrent
au fond ni la valeur ni la solidité du livre.

L'importance du nom de M. Baret, auquel
s'attache dans le monde littéraire une légitime
vénération, inspirera peut-être aux membres
du Jury quelques regrets : en effet, n'ont-ils
pas agi sans s'être rendu un compte exact
des exigences de la situation au point de vue
 
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