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tristes, monotones et décolorées de la population ascétique qui, pendant plusieurs siècles, remplit, plus
qu'elle n'anima, cette autre Arabie Pétrée.
Près d'un petit lac, nous trouvons d'abord beaucoup de débris, parmi lesquels nous reconnaissons les
soubassements d'une église assez grande; plus loin, à notre droite, nous voyons sur une élévation une
église ruinée, des couvents et d'autres édifices aussi en ruines, ruines assez considérables pour composer
une ville entière. Plus loin, et toujours à notre droite, mais dans un fond, sont les restes d'une autre
église. Nous marchons une heure encore, et nous nous arrêtons alors près d'un joli tombeau élevé sur
le bord du chemin. Nous montons à pied sur la hauteur pour examiner de près une grande étendue de
ruines, et ce qui nous paraît être une colonnade. La déception est complète. Beaucoup de bâtiments
ont des piliers pour soutenir et séparer les portes et les fenêtres : nous les avons pris pour des colonnes.
Sur une hauteur, à quelque distance, nous passons près d'une église ayant des fenêtres soutenues par
trois colonnes d'ordre ionique; à côté se dresse encore une grande nrcade, et non loin de là s'élève un
petit tombeau. Nous avons repris notre marche depuis un quart d'heure à peine, et ce sont toujours de
nouvelles ruines. Elles forment ici une quantité de voûtes basses dont il ne reste plus que les arceaux
- principaux, bâtis en grosses pierres et maintenus en place d'une manière étonnante. C'étaient proba-
blement des citernes où s'accumulait, au temps des pluies, l'approvisionnement d'eau de l'année. Le
caractère de l'architecture de toutes ces ruines, et, mieux que cela, le mode de leur construction, doit
servir de guide, faute d'inscription et en l'absence de monuments écrits, pour assigner une date à ces
débris. Rien d'antique dans le caractère et dans l'appareil de ces constructions, qui appartiennent évi-
demment à la décadence du cinquième au neuvième siècle, avec des additions postérieures, principale-
ment de l'époque des croisades. Quelques réminiscences charmantes de l'art antique ne changent rien à
cette appréciation; elles peuvent dérouter l'archéologue, elles ne feront point hésiter l'architecte.
On quitte cette solitude rocheuse et ces ruines pour passer sur un plateau bien cultivé. A droite, à une
demi-lieue, on aperçoit un grand pilier, et, à gauche, sur un petit mamelon, le village de Dana, où nous
passons la nuit. De ce lieu on nous montra quelques débris sur une montagne assez élevée qui domine
tous les environs : c'est le mont Saint-Simon, au pied duquel on trouve des ruines considérables. A Dana
même nous voyons avec plaisir un tombeauplaeé sur un rocher et soutenu par quatre colonnes ioniques.
Quoiqu'il ne soit pas d'un très-bon travail, il est fait sur un modèle charmant. Tous les rochers d'alentour
ont été excavés pour des sépultures; la partie supérieure du minaret de la mosquée est elle-même formée
avec un petit tombeau à quatre colonnettes.
de dana Notre drogman part de très-bonne heure pour aller à Halep prévenir le consul de France de notre ar-
a halep, rivée et le prier de nous donner une maison. Nous montons à cheval quelques heures après, et, marchant
8 heures 1/2. 1 _ _ . .
12janvier 1827 toujours à travers ces terribles rochers, nous arrivons enfin à Halep, quatre mois depuis notre départ
de Constantinople et précisément le jour anniversaire de notre départ de Paris.
Une demi-heure avant d'entrer à Halep, et après avoir marché sur un plateau, on descend d'une petite
hauteur qui permet à la vue d'embrasser la ville et ses environs. On croirait d'abord que le château, qui
du haut d'un mamelon isolé domine Halep, est situé au milieu de la ville; mais il en cache une bonne
partie. A gauche, sur une hauteur, et à un quart d'heure des murs, est le palais du pacha, entouré de
canons pointés sur la ville. Cette résidence s'appelle Cheick Abou Bekr, parce qu'un saint musulman de
ce nom y avait établi sa demeure. Tout autour d'Halep s'étendent de vastes vergers et quelques faubourgs
composés de maisons basses. La ville est enceinte de murailles; il n'y a pas de village aux environs. Une
ligne de verdure étroite, mais longue de deux lieues, borde des deux cotés le petit ruisseau qui lui
fournil l'eau. Hors de cette ligne règne un désert aride abandonné aux Kurdes, aux Bédouins, aux
charmantes gazelles, aux hyçnes aussi et auxchakals. Ces voisins, hommes et animaux, ne laissent pas que
d'être incommodes, et, lors de la dernière émeute, ils se sont donné le mot pour dévaliser les jardins.
Halep est parfaitement bâtie, en belles pierres de taille, avec une simplicité grandiose, exigée au dehors
par les mœurs orientales, et qui produit sur le passant un effet imposant. Les rues, pavées avec ces mêmes
pierres de taille, sont beaucoup plus propres que dans les autres villes de l'empire ottoman. Un service
de l'enlèvement des boues est organisé et se compose de pauvres gens qui ramassent les ordures dans des
paniers portés par des ânes. Dans une partie de la ville, dans le quartier franc surtout, centre des af-
faires, qui est habité par les négociants, les rues sont couvertes, et des deux côtés s'ouvrent des boutiques.
Avec ces bazars communiquent de vastes khans, autour desquels s'élèvent des édifices hauts et solides,
contenant, à leurs divers étages, des appartements occupés par les familles de chrétiens, de Juifs, de
Turcs même, qui s'occupent de commerce. Chaque khan a ainsi une rue adjacente voûtée qui forme son
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tristes, monotones et décolorées de la population ascétique qui, pendant plusieurs siècles, remplit, plus
qu'elle n'anima, cette autre Arabie Pétrée.
Près d'un petit lac, nous trouvons d'abord beaucoup de débris, parmi lesquels nous reconnaissons les
soubassements d'une église assez grande; plus loin, à notre droite, nous voyons sur une élévation une
église ruinée, des couvents et d'autres édifices aussi en ruines, ruines assez considérables pour composer
une ville entière. Plus loin, et toujours à notre droite, mais dans un fond, sont les restes d'une autre
église. Nous marchons une heure encore, et nous nous arrêtons alors près d'un joli tombeau élevé sur
le bord du chemin. Nous montons à pied sur la hauteur pour examiner de près une grande étendue de
ruines, et ce qui nous paraît être une colonnade. La déception est complète. Beaucoup de bâtiments
ont des piliers pour soutenir et séparer les portes et les fenêtres : nous les avons pris pour des colonnes.
Sur une hauteur, à quelque distance, nous passons près d'une église ayant des fenêtres soutenues par
trois colonnes d'ordre ionique; à côté se dresse encore une grande nrcade, et non loin de là s'élève un
petit tombeau. Nous avons repris notre marche depuis un quart d'heure à peine, et ce sont toujours de
nouvelles ruines. Elles forment ici une quantité de voûtes basses dont il ne reste plus que les arceaux
- principaux, bâtis en grosses pierres et maintenus en place d'une manière étonnante. C'étaient proba-
blement des citernes où s'accumulait, au temps des pluies, l'approvisionnement d'eau de l'année. Le
caractère de l'architecture de toutes ces ruines, et, mieux que cela, le mode de leur construction, doit
servir de guide, faute d'inscription et en l'absence de monuments écrits, pour assigner une date à ces
débris. Rien d'antique dans le caractère et dans l'appareil de ces constructions, qui appartiennent évi-
demment à la décadence du cinquième au neuvième siècle, avec des additions postérieures, principale-
ment de l'époque des croisades. Quelques réminiscences charmantes de l'art antique ne changent rien à
cette appréciation; elles peuvent dérouter l'archéologue, elles ne feront point hésiter l'architecte.
On quitte cette solitude rocheuse et ces ruines pour passer sur un plateau bien cultivé. A droite, à une
demi-lieue, on aperçoit un grand pilier, et, à gauche, sur un petit mamelon, le village de Dana, où nous
passons la nuit. De ce lieu on nous montra quelques débris sur une montagne assez élevée qui domine
tous les environs : c'est le mont Saint-Simon, au pied duquel on trouve des ruines considérables. A Dana
même nous voyons avec plaisir un tombeauplaeé sur un rocher et soutenu par quatre colonnes ioniques.
Quoiqu'il ne soit pas d'un très-bon travail, il est fait sur un modèle charmant. Tous les rochers d'alentour
ont été excavés pour des sépultures; la partie supérieure du minaret de la mosquée est elle-même formée
avec un petit tombeau à quatre colonnettes.
de dana Notre drogman part de très-bonne heure pour aller à Halep prévenir le consul de France de notre ar-
a halep, rivée et le prier de nous donner une maison. Nous montons à cheval quelques heures après, et, marchant
8 heures 1/2. 1 _ _ . .
12janvier 1827 toujours à travers ces terribles rochers, nous arrivons enfin à Halep, quatre mois depuis notre départ
de Constantinople et précisément le jour anniversaire de notre départ de Paris.
Une demi-heure avant d'entrer à Halep, et après avoir marché sur un plateau, on descend d'une petite
hauteur qui permet à la vue d'embrasser la ville et ses environs. On croirait d'abord que le château, qui
du haut d'un mamelon isolé domine Halep, est situé au milieu de la ville; mais il en cache une bonne
partie. A gauche, sur une hauteur, et à un quart d'heure des murs, est le palais du pacha, entouré de
canons pointés sur la ville. Cette résidence s'appelle Cheick Abou Bekr, parce qu'un saint musulman de
ce nom y avait établi sa demeure. Tout autour d'Halep s'étendent de vastes vergers et quelques faubourgs
composés de maisons basses. La ville est enceinte de murailles; il n'y a pas de village aux environs. Une
ligne de verdure étroite, mais longue de deux lieues, borde des deux cotés le petit ruisseau qui lui
fournil l'eau. Hors de cette ligne règne un désert aride abandonné aux Kurdes, aux Bédouins, aux
charmantes gazelles, aux hyçnes aussi et auxchakals. Ces voisins, hommes et animaux, ne laissent pas que
d'être incommodes, et, lors de la dernière émeute, ils se sont donné le mot pour dévaliser les jardins.
Halep est parfaitement bâtie, en belles pierres de taille, avec une simplicité grandiose, exigée au dehors
par les mœurs orientales, et qui produit sur le passant un effet imposant. Les rues, pavées avec ces mêmes
pierres de taille, sont beaucoup plus propres que dans les autres villes de l'empire ottoman. Un service
de l'enlèvement des boues est organisé et se compose de pauvres gens qui ramassent les ordures dans des
paniers portés par des ânes. Dans une partie de la ville, dans le quartier franc surtout, centre des af-
faires, qui est habité par les négociants, les rues sont couvertes, et des deux côtés s'ouvrent des boutiques.
Avec ces bazars communiquent de vastes khans, autour desquels s'élèvent des édifices hauts et solides,
contenant, à leurs divers étages, des appartements occupés par les familles de chrétiens, de Juifs, de
Turcs même, qui s'occupent de commerce. Chaque khan a ainsi une rue adjacente voûtée qui forme son
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