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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Hrsg.]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0019
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— 8 —

léra-morbus, cette autre peste des Indes, qui, depuis une année, s'essayait au dehors de la ville, fit
irruption à l'intérieur. Jusqu'alors on avait cru que ce fléau terrible ne pouvait traverser les sables du
désert; mais il se joua de tout.

Après tant de calamités, essuyées coup sur coup, il était permis d'espérer des jours plus heureux; mais
la population chrétienne d'Halep devait souffrir encore. Ouaid-Pacha, le nouveau chef du pachalik, fut
lui-même un fléau, et ses vexations injustes dépassèrent si bien les bornes, pourtant assez étendues, de
l'arbitraire administratif, que la Porte le destitua. En perdant son gouvernement d'Halep, il fut exilé à
Konieh, où, après quelques mois de séjour, il reçut un hatischerif qui le condamnait à mort. Cette sen-
tence le trouva résigné; il demanda un quart d'heure pour mettre ordre à ses affaires, embrasser encore
sa famille et se recommander à Dieu. Le quart d'heure est accordé, et, pendant ce temps, un Tartare
accourt à toute bride, apportant sa grâce et sa nomination au pachalik de Brousse.

Halep, débarrassé de ce tyran, en subit d'autres; et cette ville est aujourd'hui plus à plaindre que
jamais. Elle est menacée de la peste, qui étend ses ravages jusqu'à ses portes; une famine affreuse lui
enlève chaque jour ses habitants; son commerce et ses fabriques sont anéantis, et, pour surcroit d'in-
fortune, elle voit chaque année les Arabes nomades faire de nouveaux progrès et envahir de nouvelles
contrées. D'immenses hordes, sorties du fond de leurs déserts, s'abattent sur les provinces cultivées. Des
tribus innombrables, comme celle des Anezeh, dont le nom n'était pas même connu, arrivent au prin-
temps dans les environs d'Halep, ainsi que sur toute la limite de la Syrie, et dès lors on n'est plus
en sûreté même dans les jardins de la ville.

HALEP (Planche IV, 7 et 8).

Gazelles du désert. — Gazelles du désert près d'une source.

D'après le tableau que je viens de tracer des vicissitudes passées et de l'état présent d'Halep, on pour-
rait se figurer cette grande population d'environ r00,000 âmes assombrie, désolée ; ce serait mal connaître
le caractère de nos Levantins. Nous sommes accueillis, il est vrai, dès l'abord avec crainte, parce que,
depuis trois mois, nous vivons en pays pestiféré, et l'on nous assigne comme gîte et comme lazaret d'ob-
servation les maisons de bois hors de la ville; mais bientôt on s'accoutume à notre présence, on se tran-
quillise à la vue de nos bonnes mines, on nous héberge dans la ville, nous sommes l'objet de toutes
les prévenances, et pendant trois semaines nous aurions pu nous croire en Europe, n'était celte cor-
diale hospitalité particulière à l'Orient. Inutile de décrire ces réceptions et ces fêtes, ces promenades
dans les jardins et ces soirées passées sur les terrasses. Je ne dirai même qu'un mot d'une partie de chasse
à courre qui mériterait une description. On s'avance à cheval dans le désert, le faucon sur le poing , et
suivi de fluets lévriers aux poils dorés et frisés. L'œil exercé du chasseur aperçoit dans l'immensité du
désert, comme un point dans l'espace, une troupe de gazelles; il lance son cheval dans leur direction,
et, en même temps, d'un coup brusque, il arrache le capuchon qui enveloppe la tête du faucon et lui
dérobe le jour. Avec la rapidité de l'éclair, la vue perçante de cet oiseau de proie se porte sur les
gazelles, et, d'un vol non moins rapide, il fond sur elles, en choisit une, se, perche sur sa tête, et
de son bec lui crève les yeux. La gazelle se débat en fuyant, mais son pas mal assuré ralentit sa
marche. Les chasseurs, au galop de leurs chevaux, se lancent sur la piste; les lévriers les suivent, ne
sachant d'abord où ils vont; bientôt ils aperçoivent la gazelle et atteignent facilement leur proie.
On fait l'hallali; le faucon reprend gravement sa place sur le poing du chasseur; les gens d'écurie
accouplent de nouveau les lévriers, et on se met en quête d'une autre troupe de gazelles. Noble exer-
cice, relevé par la majesté du lieu, par l'habileté de l'homme qui a pu contraindre un oiseau sauvage
à devenir l'instrument docile de ses plaisirs, et par l'élégant aspect des adversaires mis en présence dans
cette lutte, je veux dire les lévriers du désert et ces charmantes gazelles.

Nous sommes restés dix-sept jours à Halep, faisant trêve aux études, aux travaux, ne songeant qu'à
jouir de nos aises, qu'à nous refaire. Cette ville, aux mœurs sociables, est pour nous comme une étape
entre les deux grandes parties de notre voyage, entre l'Asie Mineure et la Syrie. Nous avons, il est vrai,
visité le château, mais nous nous sommes abstenus de rien mesurer, de rien dessiner, nous bornant à
constater, non sans plaisir, que ce berceau d'Halep ne contient rien de franchement antique, de pure-
ment sarrazin, d'exclusivement arabe; c'est un mélange et une superposition de hâtifs travaux de
défense faits à différentes époques : tout a été bon pour élever les murs, pierres taillées trouvées dans
 
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