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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Editor]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0022
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— 10 —

HAMAH (Planche V, 9).

Vue de la ville et de la noriah qui élevé Veau.

DE

khan-cheick-heu

huit heures,

i FÉVRIER 1827.

Que dire de notre triste étape? Huit heures de marche sur la lisière du désert à travers un pays
a hamah, assez cultive pour trahir son aridité et sa misère, pas assez aride, pas assez denue, pour atteindre cette
grandeur de désolation qui fait le caractère et la beauté du désert. Nous arrivons ainsi à Hamah, jolie
ville assise sur les deux rives de l'Oronte. Elle est renommée dans toute la Syrie par la grandeur de
ces mêmes noriahs que nous avons déjà vues fonctionner à Antioche. Il y en a, en effet, qui ont 60 à
70 pieds de diamètre. La ville couvre les deux berges delà rivière, qui est fort encaissée en cet endroit.
Les maisons s'interrompent de distance en distance pour faire place aux jardins particuliers et publics,
promenades charmantes en été, et qui présentent, dans plusieurs endroits, des points de vue dignes du
pinceau le plus habile. Je m'y essayai; mais le temps, qui m'aurait manqué si j'avais pu l'utiliser tout
entier, m'était ravi plus qu'à moitié par l'importune curiosité des habitants. Je parvins cependant à saisir,
entre cinquante curieux plantés devant moi et me regardant en face, le barrage de la rivière au bas de
la ville. Quand la rivière est forte, ses eaux forment sur ce barrage une cascade de cinq à six pieds de
hauteur. Sur l'un des bords elles font tourner un moulin, et, plus bas, elles mettent en mouvement
la plus grande noriah de la ville. Cette machine hydraulique verse l'eau dans un aqueduc qui
traverse, sur plus de vingt arches, une jolie prairie pour gagner la ville en arrosant ses jardins. Au
milieu du cours des eaux est une petite île, toujours verte, où les Turcs viennent faire le kief à l'heure
de la promenade. La rivière, après avoir de nouveau rassemblé toutes ses eaux, s'enfuit et disparaît au
milieu des vergers. Au-dessus de cette végétation, la vue rencontre deux mamelons rocailleux sur les-
quels est une partie de la ville qui s'étend ensuite derrière la noriah et son aqueduc, lançant ses mi-
narets au-dessus des hauteurs qui la dominent. Deux autres sites m'avaient séduit, et je les recommande
aux paysagistes : l'un, au centre même de la ville, près du bazar, et sur le pont de TOronte; deux
noriahs et une jolie maison appartenant à Abdoull-Effendi, personnage considérable du pays, lui font
un encadrement charmant; Vautre se rencontre en sortant de Hamah, sur la route de Damas. Du
haut de la berge droite on voit au fond de la vallée la rivière serpentant dans les jardins; sur le premier
plan tournent deux noriahs qui versent l'eau à droite et à gauche dans de petits aqueducs, et, vers le
fond du tableau, la ville s'élève en amphithéâtre sur des mouvements de terrain au milieu desquels
l'Oronte circule, s'enfonce et disparaît.

Notre séjour à Hamah se prolonge au delà de notre attente. 11 s'agit de préparer un voyage à
Palmyre, entreprise assez simple il y a dix ou quinze ans, et qui est devenue, par la faiblesse des voya-
geurs et par les exigences des chefs arabes, une affaire difficile, dangereuse et coûteuse. Nous avons
été recommandés au secrétaire du musselim d'Hamah, un nommé Sélim, qui connaît et pratique jour-
nellement les principaux chefs arabes; il nous adresse à Cheick Talla, sorte d'entrepreneur à forfait de
la conduite des caravanes annuelles de la Mecque entre Hamah et Homs. Ces fonctions, ce protec-
torat, et la redevance qu'il distribue aux chefs arabes, le mettent en rapport avec leurs tribus; il sait
quel degré d'autorité possède, quelle confiance peut inspirer chacun d'eux. Cheick Talla nous de-
mande quatre jours pour faire les préparatifs nécessaires, c'est-à-dire pour envoyer chercher le chef
d'une tribu puissante qui s'étend entre Homs et Hamah, dans la direction de Palmyre, et qui se
chargera de nous conduire directement aux célèbres ruines et de nous ramener à Homs, moyennant
cinq cents piastres. Ce chef se nomme Nhaar-Eleu-Moïnet et sa tribu Sbaa, autrement dit les Lions.
C'est un rameau de la grande famille des Anézeh, déjà redoutable puisqu'il compte dix mille cava-
liers, et va chaque jour s'augmentant.

Comme nous devons rencontrer sur notre route la tribu de Mahanna, chef puissant et qui pré-
tend s'arroger le droit de conduire les voyageurs à Palmyre, il est convenu que, pour éviter toute
difficulté, cinq cents autres piastres lui seront réservées et qu'on les payera à Homs seulement, à un
de ses cousins qui nous accompagnera.

Sous la conduite d'un chef puissant et honoré dans tout le désert, protégés en outre par l'assenti-
ment de Mahanna, qui nous donne pour escorte l'un de ses parents, nous pensons avoir évité, non
pas seulement les dangers, mais même les désagréments dont se sont plaints amèrement les voya-
geurs, nos prédécesseurs.
 
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