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laquelle viennent se rattacher plusieurs autres portiques dans diverses directions. Les ruines de Pal-
myre, qui s'étaient présentées la première fois si petites à nos yeux, lorsque notre vue se perdait par-
dessus leurs débris dans l'immensité du désert , nous apparaissent au contraire colossales lorsque, du
milieu de ces longues files de hautes colonnes, nous embrassons l'ensemble des divers monuments, et
que nos regards, après avoir parcouru la plaine, peuvent s'arrêter sur les montagnes couronnées de
tombeaux et d'une antique forteresse qui domine au loin le pays. Nous admirons alors ces portiques
couverts d'ornements, ces colonnes de belles proportions faites en beaux matériaux si habilement appa-
reillés que les tremblements de terre n'ont pu ébranler le plus grand nombre, et ont respecté, dans
celles qu'ils ont renversées, la pureté des arêtes et la netteté des sculptures. Nous ne sommes pas les
premiers à remarquer que chaque colonne a sa console pour soutenir un buste, et au-dessous une ins-
cription bilingue. Si le temps ne nous avait manqué, nous aurions pris un estampage de ces inscriptions;
cette opération aurait profité à la science, et elle reste à faire. L'abbé Barthélémy n'a eu a sa disposi-
tion qu'une partie des inscriptions de Palmyre, et ses copies n'ont pas toute l'exactitude désirable.
Arrivés aux quatre énormes piliers, centre des diverses colonnades et peut-être aussi de la ville, nous
apercevons «à notre gauche deux petits temples demi-circulaires qui y touchent presque, et une rangée de
colonnes appartenant à un portique oblique au premier, se dirigeant vers les tombeaux que l'on ren-
contre en entrant à Palmyre; de l'autre coté de ces colonnes, toujours à notre gauche et au pied de
la montagne, on voit les ruines d'un temple, le plus grand de la ville après celui du Soleil. Une ins-
cription romaine gravée sur le soffite de la porte, et très-bien conservée, annonce qu'il fui construit
sous Dioclélien. Transformé en église au début du christianisme, il est aujourd'hui en mines. Au terme
de cette magnifique colonnade, on avait élevé un temple plus petit que celui dont il vient d'être
parlé, mais chargé d'ornements, de bas-reliefs et de statues dont on voit à terre les débris amoncelés. 11
ne reste plus debout que la première rangée de colonnes du frontispice.
PALMYRE (Planche VItl, 16).
Vue prise au milieu des tombeaux.
A notre droite nous distinguons les vestiges des anciens murs de la ville qui descendaient de la mon-
tagne, traversaient la plaine et laissaient, en dehors de leur enceinte, plusieurs tombeaux encore debout.
Je dessine une vue que j'ai déjà esquissée comme fond dans mon dessin du temple ruiné.
Dans l'intérieur de la ville ancienne, on ne remarque plus de ce côté qu'une petite colonnade dispo-
sée en carré qui devait former le portique delà cour intérieure d'une maison particulière, et un petit
temple très-bien conservé, mais lourd et trapu, avec des colonnes massives et une porte d'une grandeur
démesurée.
Habitué à rencontrer dans chaque ville antique un ou plusieurs théâtres et quelquefois des stades,
je cherche partout ici ces lieux de plaisir, m'attendant à les trouver proportionnés en nombre à la
grandeur de la population et en magnificence monumentale à tout ce que je vois autour de moi. La
montagne au pied de laquelle s'est formée la nécropole était admirablement disposée pour recevoir
les gradins et donner aux spectateurs, par-dessus la scène, une vue comme Palmyre seule pouvait
l'offrir. E t cependant je cherche vainement les théâtres, leur absence est pour moi inexplicable. Les
gens d'affaires ont toujours eu le goût de s'amuser, et ce ne sont pas les plaisirs des champs, les dis-
tractions de la villégiature qui pouvaient rendre les Palmyréens insensibles aux jeux scéniques : je lègue
cette énigme à mes successeurs.
Maintenant, si je voulais résumer mon impression après l'examen des ruines de cette immense cité,
elle se partagerait ainsi : au premier abord, une admiration sans réserve pour tant de grandeur, de
profusion et desoins d'exécution dans cette profusion; après examen attentif, le regret de ne rien
trouver d'original, de vraiment distingué, de parfaitement pur, et ce regret s'augmentant à la vue d'un
excès d'ornementation, d'un abus de sculptures, la plupart vulgaires jusqu'à l'ignoble, jusqu'au dif-
forme et au grotesque. On sent bientôt que la puissance de l'argent, le besoin de paraître et l'absence de
goût ont dirigé les Mécènes de Palmyre dans la construction hâtive de leurs somptueux édifices. Moins
de deux siècles, du deuxième au troisième de l'ère chrétienne, ont suffi pour créer cette ville monumen-
tale pour effacer aussi tout ce qui avait été construit de plus original, sinon de plus grandiose, avant
laquelle viennent se rattacher plusieurs autres portiques dans diverses directions. Les ruines de Pal-
myre, qui s'étaient présentées la première fois si petites à nos yeux, lorsque notre vue se perdait par-
dessus leurs débris dans l'immensité du désert , nous apparaissent au contraire colossales lorsque, du
milieu de ces longues files de hautes colonnes, nous embrassons l'ensemble des divers monuments, et
que nos regards, après avoir parcouru la plaine, peuvent s'arrêter sur les montagnes couronnées de
tombeaux et d'une antique forteresse qui domine au loin le pays. Nous admirons alors ces portiques
couverts d'ornements, ces colonnes de belles proportions faites en beaux matériaux si habilement appa-
reillés que les tremblements de terre n'ont pu ébranler le plus grand nombre, et ont respecté, dans
celles qu'ils ont renversées, la pureté des arêtes et la netteté des sculptures. Nous ne sommes pas les
premiers à remarquer que chaque colonne a sa console pour soutenir un buste, et au-dessous une ins-
cription bilingue. Si le temps ne nous avait manqué, nous aurions pris un estampage de ces inscriptions;
cette opération aurait profité à la science, et elle reste à faire. L'abbé Barthélémy n'a eu a sa disposi-
tion qu'une partie des inscriptions de Palmyre, et ses copies n'ont pas toute l'exactitude désirable.
Arrivés aux quatre énormes piliers, centre des diverses colonnades et peut-être aussi de la ville, nous
apercevons «à notre gauche deux petits temples demi-circulaires qui y touchent presque, et une rangée de
colonnes appartenant à un portique oblique au premier, se dirigeant vers les tombeaux que l'on ren-
contre en entrant à Palmyre; de l'autre coté de ces colonnes, toujours à notre gauche et au pied de
la montagne, on voit les ruines d'un temple, le plus grand de la ville après celui du Soleil. Une ins-
cription romaine gravée sur le soffite de la porte, et très-bien conservée, annonce qu'il fui construit
sous Dioclélien. Transformé en église au début du christianisme, il est aujourd'hui en mines. Au terme
de cette magnifique colonnade, on avait élevé un temple plus petit que celui dont il vient d'être
parlé, mais chargé d'ornements, de bas-reliefs et de statues dont on voit à terre les débris amoncelés. 11
ne reste plus debout que la première rangée de colonnes du frontispice.
PALMYRE (Planche VItl, 16).
Vue prise au milieu des tombeaux.
A notre droite nous distinguons les vestiges des anciens murs de la ville qui descendaient de la mon-
tagne, traversaient la plaine et laissaient, en dehors de leur enceinte, plusieurs tombeaux encore debout.
Je dessine une vue que j'ai déjà esquissée comme fond dans mon dessin du temple ruiné.
Dans l'intérieur de la ville ancienne, on ne remarque plus de ce côté qu'une petite colonnade dispo-
sée en carré qui devait former le portique delà cour intérieure d'une maison particulière, et un petit
temple très-bien conservé, mais lourd et trapu, avec des colonnes massives et une porte d'une grandeur
démesurée.
Habitué à rencontrer dans chaque ville antique un ou plusieurs théâtres et quelquefois des stades,
je cherche partout ici ces lieux de plaisir, m'attendant à les trouver proportionnés en nombre à la
grandeur de la population et en magnificence monumentale à tout ce que je vois autour de moi. La
montagne au pied de laquelle s'est formée la nécropole était admirablement disposée pour recevoir
les gradins et donner aux spectateurs, par-dessus la scène, une vue comme Palmyre seule pouvait
l'offrir. E t cependant je cherche vainement les théâtres, leur absence est pour moi inexplicable. Les
gens d'affaires ont toujours eu le goût de s'amuser, et ce ne sont pas les plaisirs des champs, les dis-
tractions de la villégiature qui pouvaient rendre les Palmyréens insensibles aux jeux scéniques : je lègue
cette énigme à mes successeurs.
Maintenant, si je voulais résumer mon impression après l'examen des ruines de cette immense cité,
elle se partagerait ainsi : au premier abord, une admiration sans réserve pour tant de grandeur, de
profusion et desoins d'exécution dans cette profusion; après examen attentif, le regret de ne rien
trouver d'original, de vraiment distingué, de parfaitement pur, et ce regret s'augmentant à la vue d'un
excès d'ornementation, d'un abus de sculptures, la plupart vulgaires jusqu'à l'ignoble, jusqu'au dif-
forme et au grotesque. On sent bientôt que la puissance de l'argent, le besoin de paraître et l'absence de
goût ont dirigé les Mécènes de Palmyre dans la construction hâtive de leurs somptueux édifices. Moins
de deux siècles, du deuxième au troisième de l'ère chrétienne, ont suffi pour créer cette ville monumen-
tale pour effacer aussi tout ce qui avait été construit de plus original, sinon de plus grandiose, avant