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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Editor]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0036
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— 20 —

cette époque de décadence. Pour tout dire, la première impression discutée et détruite, on conclut que
le tableau doit tout son mérite à la grandeur et à la beauté du cadre.

Après avoir ainsi visité en détail toutes les ruines, fatigués de cette longue course, obsédés par les
gens qui nous accompagnent, nous rentrons au temple du Soleil, c'est-à-dire au château deTadmor, pour
nous reposer; mais, sous ce toit prétendu hospitalier, nous trouvons de nouveaux sujets de tracasserie
et d'ennui. Cheik Salé, après avoir rempli son engagement de nous laisser visiter en pleine liberté les
vieilles pierres, a réfléchi qu'il ne devait pas nous accorder sa protection à si peu de frais, et qu'il pou-
vait encore profiter de l'occasion pour nous rançonner. Il nous fait dire que, pour nous accompagner
jusqu'à Homs, il demande au moins 200 piastres pour 1 ni ; et, non content des 5oo piastres promises à
son oncle Marhanna, il exige 1000 piastres par personne. Ainsi l'avait établi, disait-il, la Malaka pour
tons les Francs qui viendraient après elle à Palmyre. Malaka veut dire reine, et ce titre a été donné à
lady Esther Stanhope par les valets de place du désert, j'entends par cette race d'Arabes, méchante et
bâtarde, qui conduit les étrangers à Palmyre. Les Bédouins sous la tente ne savent rien de cette illustration
étrangère, et, comme on voit, son passage en ces lieux n'a eu d'autre résultat que d'imposer indéfiniment
à tous les voyageurs les mêmes prix qu'elle s'est laissé extorquer. Gheik Salé ajoute d'ailleurs, pour
appuyer sa demande, que, si l'on n'y souscrit pas, non-seulement il ne nous sera plus permis de rien
voir, mais encore qu'il nous empêchera de sortir du château. On peut juger de notre surprise et de notre
embarras. Avant d'entrer dans ces grands pourparlers qui sont dans les habitudes et du goût des Arabes,
nous prenons conseil de notre Gheik Nhaar, sorte d'oracle dont rien ne peut troubler le calme invariable.
« Ne craignez rien » fut sa seule réponse; et, en nous montrant sa barbe par laquelle il avait juré, il
répète que nous sortirons du château de Tadmor quand nous voudrons, et que nous arriverons tranquil-
lement à Homs. Il tire à part notre nouveau persécuteur, le chapitre un instant; et celui-ci, ramené
sur-le-champ à la raison, promet qu'il nous accompagnera jusqu'à Homs sans rien exiger. Nous profi-
tons de cette nouvelle victoire pour visiter le temple du Soleil, qui a une ressemblance avec l'acropole
d'Athènes; comme elle il est encombré par les masures des habitants. On passe par l'une de ces misé-
rables demeures pour entrer dans l'intérieur, ou la cella du temple, dont il est difficile, à la suite de
celte transformation pitoyable, de comprendre les dispositions. On distingue bien la porte d'entrée, d'une
grandeur prodigieuse, et couverte d'ornements. Des deux côtés sont des niches très-ornées, placées l'une
au-dessus de l'autre. On monte par un petit escalier sur le haut du monument, et de là on embrasse
tout le village de Tadmor, c'est-à-dire l'ensemble du temple du Soleil. Je reconnais alors la double ga-
lerie, soutenue par des colonnes, qui règne autour de l'enceinte. Le temple était au milieu, élevé sur
plusieurs assises de pierres.

Après avoir regardé attentivement chaque chose et fait le tour du village, nous rentrons. Notre explo-
ration n'a pas duré trois heures, et déjà Cheik Salé, changeant de résolution, est revenu à ses premières
exigences. La soirée se passe en pourparlers, c'est-à-dire en cris et en hurlements, car on ne peut pas
dépeindre autrement les négociations arabes. D'après les conseils de Nhaar nous offrons cent piastres au
démon qui nous persécute; nous convenons, avec les gens du village que quatre d'entre eux, armés de
fusils et bons marcheurs, nous escorteront jusqu'à Homs; en outre, qu'on nous prêtera des armes pour nous
défendre nous-mêmes et qu'on nous fournira des provisions à prix débattu. Tout étant ainsi convenu,
et voyant nos chefs tranquilles, nous passons une assez bonne nuit dans l'espérance que le lendemain
nous pourrons reprendre la route de Syrie qui est devenue, dans notre imagination, la terre protectrice.
Loin de là : à notre réveil, les choses sont plus embrouillées que jamais; Cheik Salé refuse les 100 pias-
tres; et, non-seulement il défend aux gens du village de nous escorter, mais il leur distribue des armes,
prend des dispositions martiales, et fait mine de vouloir aller cette fois jusqu'aux extrémités. L'affaire
se complique. Désormais nous ne pouvons sortir qu'en employant la force; mais comment en user?
sans même un bâton, n'ayant pour nous aider que trois hommes à peine armés. Nous faisons cependant
bonne contenance, et, l'autorité de notre vieux cheik imposant à l'ennemi, nous entrons dans un der-
nier et définitif accommodement. 11 est convenu qu'on donnera à Gheik Salé les 5oo piastres de son
oncle Marhanna; plus, 25o piastres de bakchis et un vêtement pour lui; et, qu'à ces conditions, il nous
accompagnera jusqu'aux portes de Homs, où on lui remettra le tout. On stipule, en outre, que nous ne
passerons pas chez Marhanna, que, si nous sommes rencontrés par quelques-uns des siens, on leur remet-
de palmyre tra ^es P'astres promises, et que Cheik Salé se contentera alors des 25o piastres et du vêtement.
a une station Une fois cette affaire terminée, tout fut prêt en un instant pour partir. On se hâte, on charge les

)ans le désert. , . * . . 1 L , i ,

i6 février 1827. chameaux, on monte a cheval et on sort de la ville suivi dune foule de gens qui tous demandent leur
 
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