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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Hrsg.]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0037
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D'UNE STATION
ANS LE DÉSER1
A UNE AUTRE
STATION.

17 FKVR1F.R.

— 21 —

part, une part d'aumône, à grands cris. Arrivés hors de l'enceinte du lemple du Soleil, je
distribue à celte multitude une cinquantaine de piastres, et nous gagnons la source pour remplir nos
outres; mais, au milieu de ce tumulte et de celte presse, deux choses importantes ont été oubliées
dans le village : le pain et le drogman qui présidait à sa confection. Son cheval, qu'un Arabe tenait devant
la porte, a été pris et ramené dans la maison de l'aga par les domestiques, qui réclament immédiatement
5o piastres sur les deux cents qu'on a promis de leur envoyer de Homs. Nos chefs sont obligés de
retourner au château de Tadmor avec la mission conciliatrice de ramener, en échange de 5o piastres,
le pain, l'homme et le cheval. Enfin, tous réunis, secouant la poussière de nos sandales sur cette ville
de mendiants, nous jetons un dernier regard sur le tableau qui nous en a si vivement frappés à notre
arrivée, et nous associons, aux impressions produites par ce grand néant des efforts humains, le singulier
contraste d'une ville créée par des hommes d'argent, qui gagnent avec habileté pour dépenser avec
noblesse, et de cette même ville, habitée par d'autres hommes tout aussi avides d'argent, mais qui,
impuissants à en gagner, le mendient avec bassesse et le volent avec astuce. A ces misérables descendants
des anciens habitants, il sera juste de reconnaître un mérite, c'est d'avoir oublié et toujours méconnu le
nom de Palmyre pour rester fidèles au nom biblique et primitif de Tadmor.

Nous reprenons nos traces à peine effacées dans le sable de la grande plaine que nous avons tra-
versée en arrivant. Au coucher du soleil, nous nous arrêtons pour manger. Pendant la route Cheik
Salé a demandé qu'on lui remît les 100 piastres promises dès le premier arrangement. On satisfait à
son désir pendant cette halte, et dès lors, certain que nous tiendrons avec lui tous nos engagements,
il devient autant notre ami qu'il avait été notre tyran. Nous nous remettons en route et nous marchons
jusqu'à une heure du matin dans le grand silence de la nuit et du désert, détournés d'impressions pit-
toresques et de réflexions philosophiques par les préoccupations du cavalier et une profonde lassitude.
On lait halte au point du jour; quelques heures de repos nous sont accordées. Le voyage se poursuit
dans la plaine. A midi nous passons près d'une petite tour qui se trouve, disent les Arabes, à moitié ^u^aiS*
chemin de Palmyre à Homs. Le désert prend ici un caractère de sauvagerie en rapport avec son éten-
due et son aridité. Aussi, coup sur coup, sommes-nous avertis par la présence de ses hôtes que l'homme
est absent ou au moins bien rare : c'est une autruche qui s'échappe d'un côté en s'aidant de ses ailes
dans sa course rapide, c'est un loup qui s'enfuit d'un autre côté en montrant les dents, ce sont les
gazelles qui passent par troupes, les gerboises qui sautent par centaines sur leurs pieds de derrière et
disparaissent dans leurs trous à notre approche.

Nous avons renoncé à aller à Curiétaine pour ne pas retarder notre marche. C'est un village où il
y a beaucoup de chrétiens, de l'eau en abondance, des terrains cultivés, et même de vieilles pierres,
selon l'expression des Arabes. 11 n'y a rien d'étonnant dans ce dire. Les conditions d'existence ont du être
appréciées de tout temps dans ces solitudes, et, lorsque le commerce de transit prospéra, Curiétaine
dut être une station importante. Nous inclinons sur la droite dans la direction de Homs, vers une
colline blanche que nous apercevons à l'horizon. Nous envoyons un homme à cheval reconnaître dans
cette direction à qui appartient une troupe de chameaux répandue dans le désert; il revient nous dire
que la tribu de notre vieux Nhaar est là, que sa tente elle-même se dresse à quelques heures plus
loin. On résolut alors d'aller dans un des petits camps les plus voisins pour y passer la nuit. Dès
que nous sommes descendus de nos montures sous la tente du cheik, chacun s'approche de Nhaar et
l'embrasse. C'est l'usage chez les Arabes.

Nos pauvres chevaux, qui marchent presque sans relâche et sans avoir bu depuis trente-six heures,
sont obligés d'aller encore à deux lieues plus loin pour trouver de l'eau. Nous achetons un mouton
pour régaler la troupe. On le partage, et des deux côtés on fait cuisine à part. Les Arabes n'y mettent
ni cérémonie ni assaisonnement compliqué. Ils allument un grand feu, jettent les morceaux de viande
sur la braise ou les enfoncent sous la cendre, et ils mangent cette chair, à moitié crue, comme de
véritables cannibales, ne laissant pas même les parties d'entrailles que nos chiens refusent.

Avant de nous livrer au sommeil, que sollicitent nos membres harassés, nous avons une alerte, et
nous sommes tentés de nous croire retombés dans les difficultés de Palmyre. Nhaar lui-même, l'homme
impassible, vient cette fois, avec beaucoup de mystère, nous dire qu'il a appris que Marhanna veut
absolument nous arrêter pour nous faire payer chacun iooo piastres, et il propose, afin d'assurer
notre retour à Homs, de gagner le lendemain sa propre tente, éloignée seulement de deux heures de
marche, d'y passer la journée entière, et de la quitter le soir pour marcher toute la nuit, en nous fai-
sant escorter par des hommes armés de sa tribu. L'expérience de ces jours passés ne nous a pas

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