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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Editor]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0081
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— 42 —

confiance de pouvoir explorer, mieux qu'on ne Va fail avant nous, ce pays si imparfaitement connu.

ÎNous quittons Beyrout pour aller coucher, à moitié chemin de Seide, à un khan du nom de
Nebbi-Jounis.

NEBBI-JOUNIS (Planche XXXV, 75).
Lieu où Jonas fut. jeté sur le rivage (tradition).

De Beyrout à Seide, on suit l'ancienne voie romaine qui est devenue la grande roule de tous les
voyageurs, et dont les sites, les antiquités et les souvenirs sont autant rebaltus par les récits des
touristes que le sol par les pieds des passants. Nos chevaux marquent l'empreinte de leurs sabots sur le
sable, la vague le nivelle, et tout est dit du passage de cet étranger. La vie a là son image. Nous traver-
sons à gué le Nahar-El-Damour, l'ancien Tamyras. Les piles ruinées d'un pont romain nous regardent
passer d'un air narquois. L'antique civilisation se rit de la moderne décadence de ces belles contrées,
mais les Européens sont seuls sensibles à ce contraste. Le Syrien regarde cet abaissement comme un
effet de force majeure, et sa foi en la volonté de Dieu lui épargne de tristes réflexions sur l'absence de
la volonté des hommes.

La Baleine biblique eut l'aimable attention de rejeter Jonas sur le point le plus charmant de cette
longue plage, et les musulmans, qui lisent cette histoire dans le Coran, comme nous la lisons dans la
Bible, ont érigé, en son souvenir, une petite chapelle, ou wely, devenue un lieu de pèlerinage; un khan
s'est élevé à coté de cette chapelle, et comme l'archéologue, sans fouiller le sol, trouve de tous côtés les
restes d'une ancienne ville, on peut dire que ce point réunit tous les genres d'intérêt.

L'émir Béchir, prince de la montagne, qui commande à la fois les Maronites et les Druses, est venu
chasser dans ces parages, et il fait sa résidence d'un modeste village situé à une lieue de notre campement
dans la montagne. Il a auprès de lui un médecin français du nom d'Aubin, qui, apprenant notre désir
d'offrir nos hommages au prince, vient nous chercher le lendemain et se charge de nous présenter.
L'émir nous accueille très-bien et nous donne pour ses États un boujourdy ou passe-port, des plus si-
gnificatifs. Après être restés là quelques heures, nous reprenons la route de Seide, où nous sommes
reçus par le consul de France, M. Regnault. Ce singulier homme représente les Bourbons à sa manière;
il ne jure que par Napoléon, et, ne pouvant plus arborer sur sa terrasse le drapeau tricolore, il a fait
peindre sur un grand paravent une vue microscopique de Seide sur laquelle se développe un drapeau
aux trois couleurs de grandeur naturelle. D'ailleurs un caractère décidé, un esprit fin et un hôte
modèle.

SEIDE (Planche XXXV, 76).
Vue générale de la ville.

Accompagnés par le cavas du consul, nous allons voir les curiosités de Seide; elles sont de mé-
diocre intérêt. Je conçois les grandes chutes pour les grandes situations; je n'admets pas pour elles
les lents affaiblissements. Palmyre tombe dans sa splendeur. Tyr ne conserve ni une pierre ni un
habitant; mais la grande Sidon finit en petit comptoir. Ici est l'infortune. Depuis 15oo ans c'est un
abaissement continu. Aujourd'hui Seide a un petit port qui n'est pas fortifié, bien qu'il ait une enceinte,
un château bâti du temps des croisades, sur l'ancienne acropole, et un petit fort élevé sur un rocher
dans la mer et relié à la ville par un pont. Cette petite ville est environnée de jolis jardins où l'on découvre
tous les jours des restes de constructions et des débris de monuments funéraires. Nous voyons un
magnifique sarcophage, qui a été déterré il y a peu de temps. L'antiquité se tient si ferme debout dans
tant d'endroits de la Palestine, qu'on est disposé à dédaigner les plus beaux souvenirs quand il faut
les chercher au fond de la terre. Le proverbe : «Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré, » ne
sera jamais mieux appliqué qu'aux ruines des monuments de la Syrie.

Tels sont donc les restes de l'antique Sidon : des substructions enfouies, des monuments qu'on sort
de terre, et le môle qui fermait l'ancien port. C'est bien peu pour une si célèbre ville, qui na pas
eu pour la ruiner une grande cité moderne attachée à ses flancs.
 
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