Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Editor]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0132
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
— 66 —

moment même, nous sortons des sombres habitations du Hauran, et le contraste de ses tristes plaines
grises, noircies de place en place par des troupes innombrables de sauterelles, avec l'éclat de cette
jeune et brillante nature, nous charme et nous retient.

Nous renvoyons le soir même nos conducteurs dans leur pays, et notre kavas à son maître, le pacha
de Damas. Notre tente est dressée, nous dormons tranquillement sans nous apercevoir ou sans nous
plaindre d'une fraîcheur et d'une humidité toutes nouvelles pour nous.

Un bédouin de la tribu d'El-Hamedi, qui se trouve ici, nous raconte que son cheik a eu connais-
sance de notre projet d'aller avec lui à Djerasch, mais qu'il aurait refusé de se charger de nous parce
qu'il est en guerre avec les Seurhan, les Sardii et la moitié de sa propre tribu, entraînée dans le
parti de l'un de ses neveux. Nous nous applaudissons de plus en plus d'avoir renoncé à notre premiei
projet.

JOURDAIN (Planche LX, 128).

Vue prise dans la plaine à l'est du pont des Filles de Jacob.

du pont
des filles

Nous partons de bonne heure pour pouvoir aller chercher un gîte et quelque bien-être à Tibérias.
^tibérias Nous déjeunons au pont du Jourdain que l'on appelle pont des Filles de Jacob, parce que non loin
7heures de marche, de là est un tombeau que l'on dit être celui d'une des filles de ce patriarche. Le pont peut bien être
antique dans ses fondations, mais il a subi les transformations du couteau de Jeannot, et ce n'est plus
qu'une assez pauvre construction arabe ou turque. Tel qu'il est, il a le mérite d'être le seul pont pra-
ticable sur le Jourdain entre les lacs de Houlé et de Tibérias, et d'avoir eu ce rôle de tout temps, formant
ainsi le lien des communications entre les provinces des deux rives, le point de défense aussi, la limite
et l'entrée. Depuis les guerres que décrit la Bible jusqu'à la campagne de Bonaparte, c'est toujours le
même point stratégique.

En traversant ce pont nous regardons à notre droite, non sans regret, car nous passons à côté de
la source du Jourdain et des restes antiques signalés par les voyageurs Seetzen et Burckhardl. Que de
curieuses choses à explorer, que de beaux sites à dessiner dans cette pittoresque montagne! mais le
temps nous presse, et la fatigue de ce pénible voyage dans le Hauran nous excusera. Tout est épuisé
dans notre caravane, hommes, chevaux, provisions; le courage aussi est à bout. Qui n'a pas voyagé
sera implacable; qui a passé de longues journées à cheval par la pluie, le soleil et la poussière,
montrera plus d'indulgence. D'ailleurs les dires des Arabes, si discordants d'ordinaire, se rencontrent
sur un point : ils parlent tous de vieilles pierres répandues sur le sol comme la neige au temps d'hiver,
mais ils ne mentionnent aucun bâtiment où l'on puisse se mettre à l'abri, aucune colonne restée
debout. La géographie et l'archéologie pourraient réclamer contre cette défaillance à laquelle nous
succombons : l'art et nos crayons n'y perdront rien.

Nous quittons désormais le pachalik de Damas pour celui d'Acre, c'est-à-dire que nous entrons dans
la Galilée et dans les lieux sanctifiés par la venue du Christ. Notre route passe sur les collines de la
rive droite du Jourdain, en grande partie cultivées et couvertes d'une belle verdure. Nous suivons, sur
la hauteur, les bords du lac ; le temps est pluvieux; à chaque instant le ciel se charge de nuages
nouveaux qui disparaissent rapidement. L'aspect du lac se conforme aux variations de l'atmosphère :
tantôt il se couvre de brouillards, ses eaux s'agitent et prennent une couleur brunâtre; tantôt il se
découvre, et la scène, changée avec la rapidité de l'éclair, offre à l'œil, surpris de ce complet changement
de décoration, une eau limpide et une surface tranquille sur laquelle volent et s'enfuient les derniers
nuages de la bourrasque. Tous les charmants coteaux qui encadrent cette mer en miniature, voilés aussi
un instant, laissent reparaître une verdure toujours plus éclatante, et nous ne pouvons nous lasser
d'admirer ces riants paysages embellis par ces effets de lumière variés.

Le ciel enfin devient tout à fait pur, et nous jouissons d'un spectacle champêtre, tout nouveau pour
nous dans ces contrées. A chaque pas, sur ce tapis émaillé de fleurs, nous voyons partir des cailles
et des perdrix sous nos pieds. L'alouette, qui déjà a déposé ses oeufs, s'envole aussi; mais, gardienne
fidèle de son précieux dépôt, elle va se poser en sentinelle sur le rocher qui domine les hautes herbes,
et là, silencieuse, immobile, elle semble supplier le passant de respecter sa future famille. De toutes
parts s'échappent des oiseaux inconnus, d'un plumage varié et des plus vives couleurs. Sur les bords
du lac, les plongeons, les sarcelles, se promènent tranquillement, ou font gaiement dans l'eau mdle
 
Annotationen