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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Hrsg.]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0171
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ruine et d'encombrement, au sentiment qu'on y apporte. Il vaut mieux voir ce sanctuaire dans ses sou-
venirs et dans le texte des Évangiles, que d'aller les demander au cicérone de l'endroit. N'est-ce pas assez
émouvant de se savoir, avec certitude, sur le lieu même où Notre-Seigneur se trouva avec ses apôtres,
sans altérer cette impression par les mille incertitudes de preuves plus précises? L'archéologie profane doit
pousser jusqu'à l'extrême les exigences de la critique de détail, larchéologie biblique réclame l'autorité
qui constate le fait général : la foi et l'imagination font le reste. À partir de ce village, on descend dans une
gorge étroite que l'on suit longtemps, en partie sur le pavage antique, en partie sur le rocher mis à
nu, et au bas de la descente est la fontaine des Apôtres. C'est là que ces premiers chrétiens se reposaient
avec Jésus-Christ lorsqu'ils revenaient de Jéricho. Après avoir suivi, pendant une heure environ, cette
gorge profonde, on atteint un col ou ressaut dans la montagne, et, delà, on descend abruptement sur la
plaine qui s'étend au nord et au niveau de la mer Morte et du Jourdain. Les ruines d'un vieux khan se
montrent sur la hauteur, et, sur un mamelon plus élevé, on voit quelques restes de murailles. Toutes
ces montagnes, qui séparent Jérusalem de la mer Morte, ont l'air d'être frappées de la malédiction
céleste: elles sont absolument chauves et couleur de cendres, avec des pentes rapides, des précipices pro-
fonds et des arrachements bizarres formés capricieusement, dans ce terrain léger, par les pluies qui
l'entraînent, par le vent qui le soulève en légère poussière. Le soleil, en échauffant ce sol calciné, en le
colorant d'une teinte brûlée, lui donne un aspect volcanique qui doit être sa nature même, et qui expli-
que tout ce désordre. La destruction du jardin de Siltim, l'interruption du cours du Jourdain, la transfor-
mation, en une vaste mer, de celte plaine fertile, ne comportent qu'un commentaire, et c'est bien à tort
qu'on l'a cherché en dehors d'une explication conciliable avec la punition miraculeuse des cités maudites.
Quand nous atteindrons le rivage de la mer Morte, il sera temps d'aborder ce sujet. Ces ravines sont,
encore aujourd'hui, le repaire de brigands qui, cachés dans les grottes naturelles et protégés par la
désolation même et la dépopulation du pays, attaquent impunément le voyageur que ne défend pas une
escorte suffisante. C'est sur cette route, et un peu au-dessous du khan ruiné, que M. Henniker, voyageur
anglais, fut assailli dernièrement par les Arabes et blessé si grièvement à la tête qu'on fut obligé de le trans-
porter sur un chameau à Jérusalem. Ce fait n'est pas insolite, et l'on peut choisir indifféremment dans
cette contrée le lieu qui fut le théâtre de la douce parabole. Partout on trouvera le souvenir de
voyageurs détroussés et blessés; il ne manquera au tableau que le bon Samaritain. Une demi-heure
avant d'atteindre la fin de la descente, nous arrivons sur un dernier mamelon, d'où l'on découvre
toute la plaine, la mer Morte et Jéricho. La vue s'égare dans ce vaste panorama, mais l'imagination
est agréablement trompée. Ces champs réprouvés, cette mer qui engloutit autrefois tant de cou-
pables, n'ont point un aspect sombre et ne sont pas enveloppés de ténèbres sous un ciel attristé, bien
loin de là : on est charmé par un ciel pur, par une mer tranquille, par une campagne couverte d'arbustes
verts au milieu desquels se découpent des champs chargés de riches moissons; et le contraste de la sombre
couleur du mont de la Quarantaine, qui s'élève à notre gauche, avec le cours tortueux du Jourdain,
bordé d'arbres, et l'aspect riant des hautes montagnes de l'Arabie, augmente encore la beauté du
paysage.

Du moment où Jéricho se montre aux regards, l'aga et sa troupe s'animent, font caracoler leurs chevaux,
se livrent entre eux à desjoutes de lances et de djerid et tirent des coups de pistolet. C'est une manière de
manifester sa joie et de saluer le foyer natal. Une fois dans la plaine, nous ne tardons pas à apercevoir,
à un quart de lieue devant nous, à travers les arbres, d'autres cavaliers, faisant des signaux de coups de
fusil et escadronnant avec régularité. Nous nous avançons les uns vers les autres. L'aga court sur
la troupe qui vient à nous, et, tous réunis, nous formons une longue ligne au milieu de laquelle se
place notre chef ; puis la fantasia commence. Ils fondent successivement les uns sur les autres, ceux
de gauche contre ceux de droite, lâchant des coups de fusil et de pistolet entre les jambes de leurs
chevaux. Nous admirons leur adresse, la légèreté de leurs montures, la facilité brutale avec laquelle ils
obtiennent des voltes et des contre-voltes qui feraient culbuter, en Europe, les meilleurs de nos che-
vaux, et dont se tirent avec aisance toutes ces rosses remplies de lares, abîmées d'éparvins, et sillonnées
de traces de feu. Je l'ai déjà dit, un beau cheval est, en Orient, au désert même, une chose bien rare;
elle est inconnue sur la lisière, parmi ces pauvres Arabes. Mais dans toutes ces contrées, et particulière-
ment en Syrie, il n'y a pas de cheval qui, avec son œil éveillé, ses naseaux en feu, son harnachement
pitloresque, et avec les gambades qu'il accorde aux violences du mors aussi bien qu'à l'aspérité de l'angle
des étriers qui, en guise d'éperons, lui labourent les flancs, ne fasse illusion à quiconque n'a pas l'habi-
tude d'apprécier les vraies qualités du chevaL
 
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