du campement
des adouan
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pour nous; nos armes sont en bon état, courons porter secours à nos Arabes pour défendre leur camp en
cas d'attaque sérieuse. Nous prenons donc nos fusils et nous montons sur le sommet de la colline qui
couvre notre camp. Le spectacle qui s'offre à nos yeux peut faire croire qu'il ne s'agit plus d'une simple
escarmouche, mais d'une attaque d'autant mieux combinée que ce jour de fête, où tout le monde est
en mouvement, paraissait très-favorable à une surprise. D'ailleurs, je vois sur notre gauche un autre camp
tout entier en rumeur, les coups de fusil s'y succèdent rapidement sans que le grand éloignement me
permette de juger si les masses qui se croisent et se heurtent sont des cavaliers ennemis ou des trou-
peaux de chameaux chassés par la razzia. Dans les deux cas, je ne doute pas que le camp ne soit réel-
lement envahi et mis en fuite, et je pensais alors que les assaillants, contre lesquels couraient nos Arabes,
ne faisaient qu'une fausse attaque sur la droite, pour détourner l'attention du véritable point menacé.
J'attribue une lactique trop savante à ces enfants du désert; mais aussi comment admettre qu'une sembla-
ble terreur panique soit causée par quelques cavaliers dont on n'a aperçu que l'ombre? Tout le monde
revient sans avoir rien vu, et, lorsque je parle du camp que je croyais déjà bouleversé et pillé, on me
répond tranquillement, et sans se plaindre de cette vie agitée par des alertes continuelles : que ce n'est
rien, qu'on a ramassé les troupeaux trop avancés, et que les coups de fusil ont été tirés par les,gens mêmes
du camp, pour effrayer l'ennemi et se montrer prêts à le recevoir. Notre cheik, pour nous remercier de
notre concours et nous dédommager de la peine que nous avons prise, nous fait un beau compliment, et,
entre autres choses flatteuses, il nous dit que s'il avait sous ses ordres deux cents cavaliers d'aussi bonne
volonté, il ne craindrait pas tous les Anezeh du désert.
adjerash Nous partons à trois heures un quart de l'après-midi, et nous passons sur l'autre versant de la mon-
11 heures de marche. . , , . «T 1 • • i > i
tagne. A chaque pas, ce sont de nouveaux camps tres-etendus. Nous marchons ainsi, pendant près de
huit heures, par une nuit claire, montant, descendant, à travers un pays délicieux , couvert par de
gras pâturages et ombragé de place en place par de grands arbres. Notre direction est au nord, un peu
à l'est. A onze heures, une halle nous est accordée. Nous en avons besoin. Les étapes de nuit sont un
supplice pour le cavalier comme pour le cheval. Le sommeil gagne l'un et l'autre, et la direction manque
à tous deux; on ne se reprend que par soubresauts fatigants. Nous repartons à quatre heures du ma-
tin, et, en deux heures, nous descendons dans Ouadi el Zarca, l'ancien Jabok, vallée profonde et très-
resserrée, creusant son lit dans la direction de l'est à l'ouest. Un petit ruisseau coule au fond, et est
ombragé sur ses deux rives par des lauriers-roses, divers arbrisseaux et des joncs qui deviennent des
arbres, tant ils sont hauts et forts. Après avoir traversé ce cours d'eau, nous entrons dans une gorge, où
coule un autre ruisseau. Il vient de Djerash, et se jette clans Ouadi el Zarca. En le remontant, nous attei-
gnons les ruines de l'ancienne Gerasa, à sept heures et un quart du matin.
DJERASH (Planche LXXVIII, 168).
T^ue générale de la ville ancienne.
Djerash, l'ancienne Gerasa, comme le prouvent surabondamment la similitude des noms et les rapports
de position, est situé à une assez grande hauteur, puisque, pour y parvenir, nous avons monté constam-
ment et assez rapidement, pendant une heure et demie, à partir de Ouadi el Zarca. Cette antique cité a
été bâtie sur les rives d'un petit cours d'eau, qui forme l'intersection des deux pentes, descendant toutes
deux d'un cercle de hauteurs qui dominent de tous côtés la ville, et occasionnent plusieurs ressauts
au milieu même des édifices en ruine. La pente de la rive gauche descend insensiblement jusqu'au ruis-
seau, tandis que la rive opposée est plus élevée et s'étend en plate-forme, sur une longueur de plus d'un
quart de lieue, entre le bas des dernières pentes et un ressaut qui tombe perpendiculairement sur le
cours d'eau. Mais, avant de sortir des murs de la ville, le ruisseau se trouve resserré dans une gorge ex-
trêmement étroite, où il tombe en cascade, au milieu d'une touffe épaisse d'arbres et d'arbustes. Les
Arabes nous montrent, dans cette masse de verdure, un jeune peuplier qui s'élève, fier d'être le seul de
son espèce dans toute cette contrée. Eux-mêmes, accoutumés à ne voir que leurs chênes rabougris, regar-
dent cet arbre et nous le signalent comme une merveille. En se plaçant à mi-côte de la pente de ce ravin,
on jouit d'une vue de paysage aussi pittoresque qu'un Claude Lorrain pourrait l'imaginer. Cette eau,
tombant au milieu d'une verdure riche et variée, forme un premier plan d'une fraîcheur admirable.
Au-dessus de son cours, les ruines de divers édifices couronnent de petits mamelons, et de longues files
de colonnes, prolongeant la perspective au loin, contrastent avec la masse compacte du premier plan.
des adouan
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pour nous; nos armes sont en bon état, courons porter secours à nos Arabes pour défendre leur camp en
cas d'attaque sérieuse. Nous prenons donc nos fusils et nous montons sur le sommet de la colline qui
couvre notre camp. Le spectacle qui s'offre à nos yeux peut faire croire qu'il ne s'agit plus d'une simple
escarmouche, mais d'une attaque d'autant mieux combinée que ce jour de fête, où tout le monde est
en mouvement, paraissait très-favorable à une surprise. D'ailleurs, je vois sur notre gauche un autre camp
tout entier en rumeur, les coups de fusil s'y succèdent rapidement sans que le grand éloignement me
permette de juger si les masses qui se croisent et se heurtent sont des cavaliers ennemis ou des trou-
peaux de chameaux chassés par la razzia. Dans les deux cas, je ne doute pas que le camp ne soit réel-
lement envahi et mis en fuite, et je pensais alors que les assaillants, contre lesquels couraient nos Arabes,
ne faisaient qu'une fausse attaque sur la droite, pour détourner l'attention du véritable point menacé.
J'attribue une lactique trop savante à ces enfants du désert; mais aussi comment admettre qu'une sembla-
ble terreur panique soit causée par quelques cavaliers dont on n'a aperçu que l'ombre? Tout le monde
revient sans avoir rien vu, et, lorsque je parle du camp que je croyais déjà bouleversé et pillé, on me
répond tranquillement, et sans se plaindre de cette vie agitée par des alertes continuelles : que ce n'est
rien, qu'on a ramassé les troupeaux trop avancés, et que les coups de fusil ont été tirés par les,gens mêmes
du camp, pour effrayer l'ennemi et se montrer prêts à le recevoir. Notre cheik, pour nous remercier de
notre concours et nous dédommager de la peine que nous avons prise, nous fait un beau compliment, et,
entre autres choses flatteuses, il nous dit que s'il avait sous ses ordres deux cents cavaliers d'aussi bonne
volonté, il ne craindrait pas tous les Anezeh du désert.
adjerash Nous partons à trois heures un quart de l'après-midi, et nous passons sur l'autre versant de la mon-
11 heures de marche. . , , . «T 1 • • i > i
tagne. A chaque pas, ce sont de nouveaux camps tres-etendus. Nous marchons ainsi, pendant près de
huit heures, par une nuit claire, montant, descendant, à travers un pays délicieux , couvert par de
gras pâturages et ombragé de place en place par de grands arbres. Notre direction est au nord, un peu
à l'est. A onze heures, une halle nous est accordée. Nous en avons besoin. Les étapes de nuit sont un
supplice pour le cavalier comme pour le cheval. Le sommeil gagne l'un et l'autre, et la direction manque
à tous deux; on ne se reprend que par soubresauts fatigants. Nous repartons à quatre heures du ma-
tin, et, en deux heures, nous descendons dans Ouadi el Zarca, l'ancien Jabok, vallée profonde et très-
resserrée, creusant son lit dans la direction de l'est à l'ouest. Un petit ruisseau coule au fond, et est
ombragé sur ses deux rives par des lauriers-roses, divers arbrisseaux et des joncs qui deviennent des
arbres, tant ils sont hauts et forts. Après avoir traversé ce cours d'eau, nous entrons dans une gorge, où
coule un autre ruisseau. Il vient de Djerash, et se jette clans Ouadi el Zarca. En le remontant, nous attei-
gnons les ruines de l'ancienne Gerasa, à sept heures et un quart du matin.
DJERASH (Planche LXXVIII, 168).
T^ue générale de la ville ancienne.
Djerash, l'ancienne Gerasa, comme le prouvent surabondamment la similitude des noms et les rapports
de position, est situé à une assez grande hauteur, puisque, pour y parvenir, nous avons monté constam-
ment et assez rapidement, pendant une heure et demie, à partir de Ouadi el Zarca. Cette antique cité a
été bâtie sur les rives d'un petit cours d'eau, qui forme l'intersection des deux pentes, descendant toutes
deux d'un cercle de hauteurs qui dominent de tous côtés la ville, et occasionnent plusieurs ressauts
au milieu même des édifices en ruine. La pente de la rive gauche descend insensiblement jusqu'au ruis-
seau, tandis que la rive opposée est plus élevée et s'étend en plate-forme, sur une longueur de plus d'un
quart de lieue, entre le bas des dernières pentes et un ressaut qui tombe perpendiculairement sur le
cours d'eau. Mais, avant de sortir des murs de la ville, le ruisseau se trouve resserré dans une gorge ex-
trêmement étroite, où il tombe en cascade, au milieu d'une touffe épaisse d'arbres et d'arbustes. Les
Arabes nous montrent, dans cette masse de verdure, un jeune peuplier qui s'élève, fier d'être le seul de
son espèce dans toute cette contrée. Eux-mêmes, accoutumés à ne voir que leurs chênes rabougris, regar-
dent cet arbre et nous le signalent comme une merveille. En se plaçant à mi-côte de la pente de ce ravin,
on jouit d'une vue de paysage aussi pittoresque qu'un Claude Lorrain pourrait l'imaginer. Cette eau,
tombant au milieu d'une verdure riche et variée, forme un premier plan d'une fraîcheur admirable.
Au-dessus de son cours, les ruines de divers édifices couronnent de petits mamelons, et de longues files
de colonnes, prolongeant la perspective au loin, contrastent avec la masse compacte du premier plan.