LES DIVINITÉS LOCALES
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une victoire. Les cipayes, tout brahmanes qu'ils étaient,
ne regrettèrent plus leur pûjâ (culte) ; le Bouddha était
décidément un personnage d'importance.
Il serait aisé de multiplier les exemples de cette tendance
à l'adoration sans frein, libre de système et de théorie ; il
suffit d'en avoir averti avant de passer à l'examen des
cultes népalais. Une classification rigide qui répartirait les
divinités sous les rubriques simplistes de Bouddhisme, de
Çivaïsme, de Yichnouisme, serait un pur non-sens; les
mêmes dieux, à des titres et des rangs différents, appar-
tiennent la plupart en commun aux diverses églises: telle
cette idole, adorée dans un temple le long du Tundi
Khel, que les Gourkhas vénèrent comme Mahâkàla, tandis
que les Bouddhistes y saluent Padmapâni qui porte sur sa
tiare l'image d'Amitâbha1.
Cependant, sur le domaine religieux aussi, la conquête
gourkha tend à rompre au profit du brahmanisme l'équi-
libre longtemps maintenu. Les rois Névars, et même les
descendants de Harisimha deva, partageaient leurs faveurs
entre les temples, les dieux, les prêtres des Bouddhistes et
des Hindouistes. Les plus pieux, comme Siddhi Narasi-
mhadePatan, qui disparut mystérieusement en odeur de
sainteté brahmanique, confondaient dans un même zèle les
deux croyances. Le Gourkha, imbu des préjugés de la
plaine ou qui affecte de l'être, tient le bouddhisme à l'écart;
par prudence politique autant que par méfiance supersti-
tieuse, il se garde de violences et de brutalités. Il permet
à la dévotion des lamas d'entretenir et de restaurer les
vieux temples de Budhnath et de Syambunath ; mais il
réserve ses dons et ses subventions aux temples, aux céré-
monies, aux fêtes des brahmanes. Sous l'influence des
nouveaux maîtres, le vieil hindouisme népalais se sépare
1. Cf. Oldfield, I, 110 et II, 285; el voir ci-dessus, p. 305.
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une victoire. Les cipayes, tout brahmanes qu'ils étaient,
ne regrettèrent plus leur pûjâ (culte) ; le Bouddha était
décidément un personnage d'importance.
Il serait aisé de multiplier les exemples de cette tendance
à l'adoration sans frein, libre de système et de théorie ; il
suffit d'en avoir averti avant de passer à l'examen des
cultes népalais. Une classification rigide qui répartirait les
divinités sous les rubriques simplistes de Bouddhisme, de
Çivaïsme, de Yichnouisme, serait un pur non-sens; les
mêmes dieux, à des titres et des rangs différents, appar-
tiennent la plupart en commun aux diverses églises: telle
cette idole, adorée dans un temple le long du Tundi
Khel, que les Gourkhas vénèrent comme Mahâkàla, tandis
que les Bouddhistes y saluent Padmapâni qui porte sur sa
tiare l'image d'Amitâbha1.
Cependant, sur le domaine religieux aussi, la conquête
gourkha tend à rompre au profit du brahmanisme l'équi-
libre longtemps maintenu. Les rois Névars, et même les
descendants de Harisimha deva, partageaient leurs faveurs
entre les temples, les dieux, les prêtres des Bouddhistes et
des Hindouistes. Les plus pieux, comme Siddhi Narasi-
mhadePatan, qui disparut mystérieusement en odeur de
sainteté brahmanique, confondaient dans un même zèle les
deux croyances. Le Gourkha, imbu des préjugés de la
plaine ou qui affecte de l'être, tient le bouddhisme à l'écart;
par prudence politique autant que par méfiance supersti-
tieuse, il se garde de violences et de brutalités. Il permet
à la dévotion des lamas d'entretenir et de restaurer les
vieux temples de Budhnath et de Syambunath ; mais il
réserve ses dons et ses subventions aux temples, aux céré-
monies, aux fêtes des brahmanes. Sous l'influence des
nouveaux maîtres, le vieil hindouisme népalais se sépare
1. Cf. Oldfield, I, 110 et II, 285; el voir ci-dessus, p. 305.