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Lortet, Louis; Gaillard, Claude
La faune momifiée de l'ancienne Égypte (Band 2) — Lyon, 1909

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https://doi.org/10.11588/diglit.5427#0083
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72 FAUNE DE L'ANCIENNE EGYPTE

qui renferme encore tant de monuments intéressants, étranges, et non encore étudiés sérieuse-
ment, n'a jamais été explorée au point de vue anthropologique. Ce qui nous a frappé, dans
un rapide voyage exécuté en 1904, c'est que les habitants de cette région semblent former
une transition presque insensible entre les négroïdes et le type égyptien. Actuellement, pen-
sons-nous, toute étude sérieuse sur ce sujet est presque impossible, la presqu'île de Meroé a
été si souvent ravagée, au siècle dernier, jusqu'aux guerres du Mahdi, par des soldatesques
effrénées, que les populations autochtones pourraient bien être entièrement détruites, ou le peu
qu'il en reste, être mélangé aux flots envahisseurs venus de nord ou du sud1.

Il est évident que dans une vallée aussi étroite, aussi resserrée que celle du Nil, peuplée d'un
nombre très restreint d'habitants, l'influence du sang venu d'en dehors a dû être considérable,
plus peut-être que partout ailleurs. Jadis, au moment de sa plus grande prospérité, elle avait, au
dire des historiens, sept millions d'habitants, ce qui n'est cependant guère admissible. A l'époque
de Jules César, pendant qu'écrivait Diodore, ce nombre était descendu à trois millions, et
en 1860, la population atteignait à peine un million et demi. Dans des conditions pareilles,
on comprend l'effet du métissage effréné qui se produisait partout, soit à la suite de nom-
breuses armées envahissantes, soit par l'introduction sans cesse répétée de femmes asiatiques
ou de négresses amenées chaque année en troupeaux considérables. C'est ce qui faisait dire à
mon vénéré maître Virchow : « Mensurer avec fruit les têtes des Egyptiens, c'est absolument
comme si on voulait s'amuser à mensurer les têtes de chiens errants de nos grandes villes. »
Nous croyons aujourd'hui qu'ilavait raison.

Aussi est-ce bien cette confusion des races à Thèbes, cette macédoine de types si divers
en basse Egypte, qui désolait si fort Virchow, que nous vîmes un jour jeter avec désespérance,
comme tout à fait inutiles, ses instruments de mensuration, au milieu d'une centaine de crânes
de momies qu'il examinait dans un des magasins de l'ancien musée de Gîzé.

Les Grecs surtout, bien avant l'arrivée d'Alexandre, ont certainement joué le plus grand
rôle dans une invasion pacifique qui s'est continuée, sans arrêt, depuis une époque très
reculée. Partout, à Assouan et même en Nubie, on en retrouve des traces certaines. Comme
nous l'avons déjà signalé plus haut, les rochers des déserts présentent souvent des inscriptions
grecques. Actuellement, la même activité coloniale se poursuit avec une intensité tous les jours
croissante, et partout, en Nubie, au Soudan et dans les régions tropicales de l'Afrique, ainsi
que nous avons pu le constater, à Khartoum et ailleurs, les Grecs se répandent de plus en plus
comme colons de premier ordre. Dans les villages les plus éloignés, il y a toujours un barkal,
c'est-à-dire un épicier de nationalité grecque, prêt à vendre les denrées européennes et à
exporter les produits de l'Afrique.

Dans la basse Egypte, nous ne pouvons actuellement rien savoir de précis sur les
nécropoles archaïques des anciens habitants du pays, ni sur les caractères de leur crâne. Toutes
les traces en sont cachées profondément, enfouies à une grande profondeur, peut-être à
20 ou 30 mètres, sous les dépôts que le Nil répand depuis des milliers d'années sur les plaines
du Delta. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à examiner l'emplacement de Memphis, à peu près

1 Pour se rendre compte de coque peuvent être ces massacres inouïs, ces exterminations voulues dépopulations
entières, on peut lire les descriptions prises sur le vif, par le célèbre voyageur zoologiste Riïppel. Dans un seul
district, il a vu massacrer cinquante mille personnes, vieillards, femmes, enfants, tandis qu'on en laissait mourir de
faim plus de dix mille, ne pouvant les emmener. (Ruppel, Revue Germanique, 1829, p. 58 et suivantes.)
 
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