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LA VILLE ET SES TEMPLES
La source constituait l’élément le plus important du site. Cette grotte aux pieds de
la colline Gebel Muntar déverse un flot perpétuel qui donne vie à l’oasis. La plaine dé-
sertique, barrée à l’ouest par une chaîne d’éminences (Gebel Muntar, Umm Belqîs, Gubwel
el-Husayniyet, Gebel Qala'at ibn Ma "an) est ainsi devenue fertile dans sa partie immé-
diatement à l’est de la source, jusqu’à deux kilomètres ou presque de celle-ci. Le wadi,
qui passe par le défilé de la Vallée des Tombeaux entre Umm Belqîs et Gubwel el-Husay-
niyet, traverse la plaine du nord-ouest au sud-est ; il coupait en deux le site antique : au
nord, il n’y avait plus de jardins, mais le quartier monumental. C’est là que c’était cantonnée
la ville de Dioclétien. Un puits peut-être antique, qui existait certainement au Moyen-
Age, s’y trouve au flanc du Gubwel el-Husayniyet14. Vers l’est, le terrain est plat, le
seul accident étant formé par le tell du temple de Bel.
C’est dans ce cadre que s’est développée l’agglomération primitive. Palmyre avait
déjà une population sédentaire au début du deuxième millénaire, comme le prouvent
les textes cunéiformes 15 et les travaux récents de R. du Mesnil du Buisson. Ce fouilleur
a pu trouver dans un sondage profond creusé sous la cour du temple de Bel une céramique
proche de celle de la Syrie occidentale vers la fin du troisième millénaire. Il faut très
probablement la rattacher aux tribus amorites, dominant à cette époque la Syrie et la
Mésopotamie 16. Nous verrons que leur langue a laissé des traces dans l’araméen de Pal-
myre et que des tribus historiques pourraient bien remonter par leurs origines à ce peuple
qui précéda les Araméens dans l’oasis 17. Le grand sanctuaire est donc fondé sur un tell
dont les couches profondes gardent certainement d’autres vestiges de l’établissement
du deuxième millénaire. Une idole extrêmement rustique retrouvée lors du déblaiement
de la cour est à coup sûr antérieure à l’hellénisme, mais une datation plus précise me
semble difficile 18.
R. du Mesnil du Buisson a prospecté en outre les abords de la source Efqâ qu’il con-
sidère à juste titre comme le point d’attraction des premiers sédentaires de Palmyre 19.
Rien pourtant dans le grotte ni aux environs ne suggère une date particulièrement reculée.
L’endroit se passait sans doute d’installations durables, et même si elles avaient existé,
l’aménagement de la source aux Ier-IIIe siècles et l’usage continu depuis en auraient
détruit les traces.
Dans son étude sur le développement urbain de Palmyre 20, D. Schlumberger a pro-
posé de reconnaître dans les sites du temple de Bel et du Camp de Dioclétien les deux
pôles déterminant la croissance de la ville. Pour le tell, cette hypothèse se trouve confirmée,
mais on se gardera d’oublier que le futur Camp de Dioclétien restait en dehors du pre-
mier rempart, comme D. Schlumberger l’a lui-même remarqué. De ce fait, il me semble
improbable qu’il ait joué un rôle notable aux temps antérieurs à la construction des murs.
14 Pour ce puits et la foggara qui conduit l’eau sous le champ de ruines, cf. D. Schlumberger,
Berytus 2, 1935, p. 156.
15 E. D h o r m e, RB 33, 1924, pp. 106-108 ; G. D o s s i n, Archives Royales de Mari V, Paris 1952,
p. 40, n° 23 ; cf. J. B o 11 é r o — A. F i n e t, Archives Royales de Mari XV, Paris 1954, p. 135; D. Lucken-
bill, Ancient Records of Assyria and Babylonia I, pp. 287, 292, 308, 330; J. S t a r c k y, Palmyre, Paris
1952, p. 28.
16 R. du Mesnil du Buisson, CRAI 1966, pp. 181-186.
17 Ibidem, pp. 186-187, une liste des emprunts palmyréniens à l’amorite; on relevera une tentative d’ex-
pliquer le nom Tadmor par « le tell d’Amor » (c’est-à-dire d’Amurru), ce qui est à mon avis improbable.
18 Inédit. Cité par R. du Mesnil du Buisson, op. cit., p. 181, qui date le monument du milieu
du Ile millénaire.
19 Op. cit., pp. 160-162.
20 Cf. D. Schlumberger, Berytus 2, 1935, pp. 149-162.
LA VILLE ET SES TEMPLES
La source constituait l’élément le plus important du site. Cette grotte aux pieds de
la colline Gebel Muntar déverse un flot perpétuel qui donne vie à l’oasis. La plaine dé-
sertique, barrée à l’ouest par une chaîne d’éminences (Gebel Muntar, Umm Belqîs, Gubwel
el-Husayniyet, Gebel Qala'at ibn Ma "an) est ainsi devenue fertile dans sa partie immé-
diatement à l’est de la source, jusqu’à deux kilomètres ou presque de celle-ci. Le wadi,
qui passe par le défilé de la Vallée des Tombeaux entre Umm Belqîs et Gubwel el-Husay-
niyet, traverse la plaine du nord-ouest au sud-est ; il coupait en deux le site antique : au
nord, il n’y avait plus de jardins, mais le quartier monumental. C’est là que c’était cantonnée
la ville de Dioclétien. Un puits peut-être antique, qui existait certainement au Moyen-
Age, s’y trouve au flanc du Gubwel el-Husayniyet14. Vers l’est, le terrain est plat, le
seul accident étant formé par le tell du temple de Bel.
C’est dans ce cadre que s’est développée l’agglomération primitive. Palmyre avait
déjà une population sédentaire au début du deuxième millénaire, comme le prouvent
les textes cunéiformes 15 et les travaux récents de R. du Mesnil du Buisson. Ce fouilleur
a pu trouver dans un sondage profond creusé sous la cour du temple de Bel une céramique
proche de celle de la Syrie occidentale vers la fin du troisième millénaire. Il faut très
probablement la rattacher aux tribus amorites, dominant à cette époque la Syrie et la
Mésopotamie 16. Nous verrons que leur langue a laissé des traces dans l’araméen de Pal-
myre et que des tribus historiques pourraient bien remonter par leurs origines à ce peuple
qui précéda les Araméens dans l’oasis 17. Le grand sanctuaire est donc fondé sur un tell
dont les couches profondes gardent certainement d’autres vestiges de l’établissement
du deuxième millénaire. Une idole extrêmement rustique retrouvée lors du déblaiement
de la cour est à coup sûr antérieure à l’hellénisme, mais une datation plus précise me
semble difficile 18.
R. du Mesnil du Buisson a prospecté en outre les abords de la source Efqâ qu’il con-
sidère à juste titre comme le point d’attraction des premiers sédentaires de Palmyre 19.
Rien pourtant dans le grotte ni aux environs ne suggère une date particulièrement reculée.
L’endroit se passait sans doute d’installations durables, et même si elles avaient existé,
l’aménagement de la source aux Ier-IIIe siècles et l’usage continu depuis en auraient
détruit les traces.
Dans son étude sur le développement urbain de Palmyre 20, D. Schlumberger a pro-
posé de reconnaître dans les sites du temple de Bel et du Camp de Dioclétien les deux
pôles déterminant la croissance de la ville. Pour le tell, cette hypothèse se trouve confirmée,
mais on se gardera d’oublier que le futur Camp de Dioclétien restait en dehors du pre-
mier rempart, comme D. Schlumberger l’a lui-même remarqué. De ce fait, il me semble
improbable qu’il ait joué un rôle notable aux temps antérieurs à la construction des murs.
14 Pour ce puits et la foggara qui conduit l’eau sous le champ de ruines, cf. D. Schlumberger,
Berytus 2, 1935, p. 156.
15 E. D h o r m e, RB 33, 1924, pp. 106-108 ; G. D o s s i n, Archives Royales de Mari V, Paris 1952,
p. 40, n° 23 ; cf. J. B o 11 é r o — A. F i n e t, Archives Royales de Mari XV, Paris 1954, p. 135; D. Lucken-
bill, Ancient Records of Assyria and Babylonia I, pp. 287, 292, 308, 330; J. S t a r c k y, Palmyre, Paris
1952, p. 28.
16 R. du Mesnil du Buisson, CRAI 1966, pp. 181-186.
17 Ibidem, pp. 186-187, une liste des emprunts palmyréniens à l’amorite; on relevera une tentative d’ex-
pliquer le nom Tadmor par « le tell d’Amor » (c’est-à-dire d’Amurru), ce qui est à mon avis improbable.
18 Inédit. Cité par R. du Mesnil du Buisson, op. cit., p. 181, qui date le monument du milieu
du Ile millénaire.
19 Op. cit., pp. 160-162.
20 Cf. D. Schlumberger, Berytus 2, 1935, pp. 149-162.