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cieuses ressources comme bois de construction et de chauffage. Du haut de cette colline où il
semble que la nature même ait invité l'homme à s'établir, le coup d'oeil est admirable. C'est à
peu près la vue de Brousse, mais en sens inverse. Je comprends qu'on ait donné aux deux
villes et aux deux montagnes le même nom. Ce sont les mômes aspects, les mêmes formes de
montagnes. Ici comme là-bas, le territoire propre de la ville, le domaine qu'embrassent ses re-
gards, c'est une plaine féconde, qui sépare un des grands massifs intérieurs de la chaîne moins
élevée qui forme le bord de la mer. Ici comme là-bas, ce sont, entre la ville et la plage, des
pentes assez douces pour que les communications avec le port d'embarquement soient rapides
et faciles. Enfin, les forêts de l'Olympe de Bithynie égalent en étendue, si elles ne les dé-
passent, celles de l'Olympe de Mysie. La différence, c'est que Prusa ad Hypium est au nord,
tandis que Prusa ad Olympum est au sud de la plaine; c'est que cette dernière s'appuie aux
racines de la grande montagne, en occupe la première terrasse, tandis que l'autre la regarde
en face, par-dessus les tètes des gigantesques noyers épars dans ses campagnes.
L'antiquité nous a laissé très-peu de renseignements sur Prusa ou Prusias ad Hypium. Strabon
ne la cite même pas; il ne mentionne, dans toute cette région, que les cités de la côte. Pline
et Ptolémée, qui ne font que la nommer, l'appellent, l'un et l'autre, Prusa : Prusa item altéra
sub Hypio monte (1), dit Pline, tandis que Ptolômée la désigne d'après le petit fleuve qui coule
dans la plaine : IIpoDo-a irpoç tw Ytuko koto,;j.co (2). Le seul renseignement qui s'y rapporte se trouve
dans Memnon(3) : «Le roi Prusias, » dit-il en parlant de Prusias Ier, «enleva aux Héracléotes la
ville de Kieros qui leur appartenait, la réunit à ses domaines, et lui fit changer son nom de
Kieros contre celui de Prusias. » C'est bien de cette même ville qu'il est question au fragment
47, où Meninon nous apprend qu'elle devait son nom au fleuve Kiepoç qui coulait auprès d'elle ;
plusieurs courants d'eau traversent la plaine, et il est difficile de dire auquel s'appliquait plus
particulièrement ce nom. Étymologiquement, il a l'aspect d'un ancien adjectif tiré d'une racine
exprimant l'idée de mouvement, qui se trouve dans le grec xiw, aller, et dans le latin cieo,
mouvoir : il signifierait donc mobile, rapide, épithète qui convient très-bien à un fleuve. Dans
un autre fragment où est citée Prusias (frag. 41) avec la mention : u celle qui s'appelait autrefois
Kieros », il y a évidemment une erreur de copiste, et il faut lire, sans aucun doute, << qui
s'appelait autrefois Kious. » Memnon ajoute en effet ici au nom de Prusias cette qualification,
Prusias sur mer, npo'ja'.aSo. xr,v ImOa^ào-atov, et dans le récit de la marche victorieuse de Tria-
rius combattant Mithridate VII Eupator, il place la prise de cette ville par ce général entre celle
de Prusa ad Olympum et celle de Nicée. Cette épithète de maritime et l'indication fort précise
du territoire où agit Triarius, et de la route qu'il suit, prouvent surabondamment l'erreur que
contient ici le texte de Memnon, erreur déjà relevée par le savant éditeur. Ce qui l'explique,
c'est la ressemblance des deux noms primitifs de ces deux villes, commençant par la même
lettre, et tirés peut-être de la même racine; c'est ce fait qu'elles perdirent en même temps cha-
cune son nom pour prendre toutes deux le même, celui de Prusias. De toutes ces coïncidences
put facilement naître la confusion sous la main du copiste.
C'est surtout à l'époque romaine que cette ville, sous ce nom de Prusias, qu'elle garda tou-
jours depuis, parait avoir acquis une assez grande importance; c'est ce que suffiraient à prouver,
à défaut d'autres témoignages, les inscriptions de Prusias déjà connues et celles que nous
avons eu le bonheur de découvrir. L'aspect des ruines conduit au même résultat. L'enceinte,
d'une belle construction hellénique, existe encore au sud, du côté de la plaine, sur une longueur
de plusieurs centaines de mètres, et l'on peut suivre aussi tout le mur occidental; celui-ci a
(1) Hist. nat., V, 43.
(2) Geogr.,\, i, i3.
(3) Frag. hist. G rase, (collection Didot), t. III, Memnon., fr. 27.
T. I.
cieuses ressources comme bois de construction et de chauffage. Du haut de cette colline où il
semble que la nature même ait invité l'homme à s'établir, le coup d'oeil est admirable. C'est à
peu près la vue de Brousse, mais en sens inverse. Je comprends qu'on ait donné aux deux
villes et aux deux montagnes le même nom. Ce sont les mômes aspects, les mêmes formes de
montagnes. Ici comme là-bas, le territoire propre de la ville, le domaine qu'embrassent ses re-
gards, c'est une plaine féconde, qui sépare un des grands massifs intérieurs de la chaîne moins
élevée qui forme le bord de la mer. Ici comme là-bas, ce sont, entre la ville et la plage, des
pentes assez douces pour que les communications avec le port d'embarquement soient rapides
et faciles. Enfin, les forêts de l'Olympe de Bithynie égalent en étendue, si elles ne les dé-
passent, celles de l'Olympe de Mysie. La différence, c'est que Prusa ad Hypium est au nord,
tandis que Prusa ad Olympum est au sud de la plaine; c'est que cette dernière s'appuie aux
racines de la grande montagne, en occupe la première terrasse, tandis que l'autre la regarde
en face, par-dessus les tètes des gigantesques noyers épars dans ses campagnes.
L'antiquité nous a laissé très-peu de renseignements sur Prusa ou Prusias ad Hypium. Strabon
ne la cite même pas; il ne mentionne, dans toute cette région, que les cités de la côte. Pline
et Ptolémée, qui ne font que la nommer, l'appellent, l'un et l'autre, Prusa : Prusa item altéra
sub Hypio monte (1), dit Pline, tandis que Ptolômée la désigne d'après le petit fleuve qui coule
dans la plaine : IIpoDo-a irpoç tw Ytuko koto,;j.co (2). Le seul renseignement qui s'y rapporte se trouve
dans Memnon(3) : «Le roi Prusias, » dit-il en parlant de Prusias Ier, «enleva aux Héracléotes la
ville de Kieros qui leur appartenait, la réunit à ses domaines, et lui fit changer son nom de
Kieros contre celui de Prusias. » C'est bien de cette même ville qu'il est question au fragment
47, où Meninon nous apprend qu'elle devait son nom au fleuve Kiepoç qui coulait auprès d'elle ;
plusieurs courants d'eau traversent la plaine, et il est difficile de dire auquel s'appliquait plus
particulièrement ce nom. Étymologiquement, il a l'aspect d'un ancien adjectif tiré d'une racine
exprimant l'idée de mouvement, qui se trouve dans le grec xiw, aller, et dans le latin cieo,
mouvoir : il signifierait donc mobile, rapide, épithète qui convient très-bien à un fleuve. Dans
un autre fragment où est citée Prusias (frag. 41) avec la mention : u celle qui s'appelait autrefois
Kieros », il y a évidemment une erreur de copiste, et il faut lire, sans aucun doute, << qui
s'appelait autrefois Kious. » Memnon ajoute en effet ici au nom de Prusias cette qualification,
Prusias sur mer, npo'ja'.aSo. xr,v ImOa^ào-atov, et dans le récit de la marche victorieuse de Tria-
rius combattant Mithridate VII Eupator, il place la prise de cette ville par ce général entre celle
de Prusa ad Olympum et celle de Nicée. Cette épithète de maritime et l'indication fort précise
du territoire où agit Triarius, et de la route qu'il suit, prouvent surabondamment l'erreur que
contient ici le texte de Memnon, erreur déjà relevée par le savant éditeur. Ce qui l'explique,
c'est la ressemblance des deux noms primitifs de ces deux villes, commençant par la même
lettre, et tirés peut-être de la même racine; c'est ce fait qu'elles perdirent en même temps cha-
cune son nom pour prendre toutes deux le même, celui de Prusias. De toutes ces coïncidences
put facilement naître la confusion sous la main du copiste.
C'est surtout à l'époque romaine que cette ville, sous ce nom de Prusias, qu'elle garda tou-
jours depuis, parait avoir acquis une assez grande importance; c'est ce que suffiraient à prouver,
à défaut d'autres témoignages, les inscriptions de Prusias déjà connues et celles que nous
avons eu le bonheur de découvrir. L'aspect des ruines conduit au même résultat. L'enceinte,
d'une belle construction hellénique, existe encore au sud, du côté de la plaine, sur une longueur
de plusieurs centaines de mètres, et l'on peut suivre aussi tout le mur occidental; celui-ci a
(1) Hist. nat., V, 43.
(2) Geogr.,\, i, i3.
(3) Frag. hist. G rase, (collection Didot), t. III, Memnon., fr. 27.
T. I.