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Perrot, Georges; Guillaume, Edmond; Delbet, Jules
Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont (Band 1) — Paris, 1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.4621#0061
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— 57 —

conservés par la tradition y rappellent pourtant le passé. Un district qui se trouve à l'ouest de
celui que nous traversons, et qui contient une trentaine de ces laïlas, porte le nom de Baulou ,
qui m'a l'air plutôt d'origine antique que d'origine turque. A dix minutes d'Aïman-ïaîlasi, où
nous couchâmes le premier soir après avoir quitté Bolu, sur une éminenec entre deux dépres-
sions du plateau, se reconnaissent les restes d'un village antique; un piédestal quadrangulaire
d'un assez bon style, gisant à terre, remonte à l'époque romaine. Les débris d'une église
chrétienne, avec son abside, indiquent que ce lieu a été habité jusqu'au moyen âge. Tout à
l'entour, de nombreuses traces de maisons de pierre sembleraient prouver qu'autrefois, au lieu
de ces campements d'été, il y aurait eu ici une population fixée au sol et qui passait aussi
l'hiver dans la montagne. L'église était construite en blocs de pierre d'assez grande dimension,
et une corniche ornait extérieurement le haut du mur. On appelle ce site Solakla-daghi.

Avant d'arriver au village où nous couchâmes le second soir, Alen-keui, on rencontre un
ravin que les paysans appellent Erëkli-Dérési ; Erékli, c'est l'altération ordinaire du nom ancien
d'Héraklès et des villes qui se croyaient fondées par le fils d'Alcmène ou qui l'avaient adopté
pour patron ; déré est un mot turc qui signifie gorge, défilé. Composée ainsi d'un mot grec et
d'un mot turc, cette dénomination nous a conservé sans doute, au milieu de ces montagnes
qui ne sont plus habitées depuis plusieurs siècles que par des pâtres de race tartare, le souve-
nir de quelque temple d'Hercule situé au cœur môme de la montagne, et peut-être d'une
bourgade voisine portant le nom d'Héraclée. Cette brèche qui s'ouvre brusquement sous les pas
du voyageur, à peu près à égale distance de Bolu et de Belbazar, sépare maintenant le territoire
de ces deux villes; j'imagine que dans l'antiquité elle formait peut-être la limite de la Bithynie
et de la Galatie. Il serait intéressant de suivre cette gorge dans toute sa longueur, de remonter
jusqu'à sa naissance le torrent qui la parcourt, et qui descend au Sakharia. D'après les rensei-
gnements que me donnent les paysans d'Alen-keui, dans le canton de Kerbusu, qui s'étend au
sud de cette vallée, entre elle et Beïbazar, et qui contient d'assez nombreux villages fixes,
il y aurait, sur plusieurs points, des débris antiques et des pierres portant des inscriptions.

Je connais peu de sites plus étranges que ce ravin, et qui m'aient laissé une plus profonde
impression. C'est une fente étroite et creuse qui coupe en deux la montagne; seulement, au lieu
de se prolonger en ligne droite, elle fait sans cesse des zigzags qui n'en changent point la
direction générale, mais qui donnent à la vallée un aspect plus original encore et plus saisissant.
Dans chacun des angles rentrants que forme en se dérobant brusquement une des falaises,
l'autre se précipite aussitôt comme pour remplir l'espace vide. C'est une série de caps aigus
et sombres, comme de prodigieuses deuts qui s'emboîtent les unes dans les autres. Ce qui ajoute
encore à l'effet, c'est le riz qu'on cultive au fond du ravin; cette bande étroite de claire et
brillante verdure fait paraître le ravin plus bizarre et la roche plus noire. Sur le torrent est
jeté un pont de planches tordu par le vent. On passe à pied le lit du torrent, qui n'a pen-
dant l'été que très-peu d'eau; l'hiver il doit être infranchissable. Si, une fois arrivé là, on se
retourne, on ne distingue plus, parmi les broussailles, le sentier en lacets par où l'on a mis plus
d'une heure à descendre, et l'on n'aperçoit pas celui par où l'on s'élèvera péniblement jusqu'au
bord opposé ; il semble impossible de sortir de cette espèce d'abîme (1).

(1) Je ne veux point négliger d'indiquer ici, pour les voyageurs futurs, les sites que je n'ai pu visiter moi-même,mais où
se trouveraient, d'après les renseignements que j'ai recueillis dans cette région auprès des paysans, « des pierres écrites,»
comme ils disent, «de vieilles pierres (iasili-tach, eski-taclï). » A. Bolu, on me cite, comme contenant des inscriptions,
vers l'ouest de la ville, dans la direction de Muderlu, Ienidjé(deux heures de Bolu), et Kepni(cinq heures); d'un autre
côté, vers l'est, sur la route de Reredi, Guneich et Ballallu (cinq heures). En nous rendant d'Uskub à Bolu, nous nous
étions arrêtés, trois heures avant d'arriver à cette dernière ville, à un corps de garde où des zaptiès nous parlèrent
d'une forteresse située à six heures de là, et qui s'appelle Marucha.

T. I.

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