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Perrot, Georges; Guillaume, Edmond; Delbet, Jules
Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont (Band 1) — Paris, 1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.4621#0171
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—- 167 —

fait nos falaises du bord de la mer entre le Havre et Dieppe. Au fond coule le fleuve jaune et terreux,
au milieu de larges pelouses qu'il couvre de sable dans ses débordements. Bientôt il s'éloigne vers
l'ouest, et nous suivons la rive gauche de son affluent, l'Indjé-sou. Quelque temps avant d'arriver à
Tchaïr-hané, nous rejoignons ce que l'on appelle la grande route de Constantinople à Bagdad, c'est-
à-dire le sentier que suivent courriers et caravanes, sentier un peu plus mauvais et plus pénible à suivre
que les chemins ordinaires, parce qu'il est plus défoncé par les pieds des chevaux et des chameaux.
Tout le long de cette route sont dressés les poteaux et courent les fils du télégraphe électrique.

Au sortir de Tchaïr-hané, après avoir franchi YIndjé-sou, « l'eau mince » (1), nous traversons un
pays qui présente un aspect des plus étranges ; c'est à n'en pouvoir donner une idée ; il y faudrait le des-
sin et la peinture, et encore ne réussirait-on pas à faire quelque chose qui pût paraître vraisemblable.
Ravinés en tout sens par les eaux, des bancs de craie qui alternent avec d'épaisses couches d'une
argile tantôt verte, tantôt rouge ou jaune, se sont taillés en pyramides émoussées au sommet, en
cônes tronqués, en croupes arrondies. On dirait les flots pétrifiés d'une immense mer multicolore.
J'emploierai une comparaison qui manque peut-être de noblesse, mais qui seule me paraît aider à se
faire quelque image de ce paysage bizarre ; ces terrains rappellent, pour la couleur, ces dépôts qui
se forment, dans une cour mal tenue, sous la gouttière d'une cuisine ou d'une buanderie, là où dégor-
gent toutes les eaux sales de la maison.

Une montée assez pénible nous conduit sur un plateau où domine la craie ; il est d'un blanc éblouis-
sant, qui fatigue la vue. Le pays redevient plus agréable quand nous approchons de Nali-khan, grand
village situé au fond d'un étroit et joli vallon. Tout autour des maisons, dispersées en trois ou quatre
groupes, s'étendent des plantations de mûriers, et des arbres élancés dressent au-dessus des vignes
leurs têtes chargées de fruits.

Ce ne sont plus ici, au-dessus des maisons, des toitsplats, des terrasses comme dans tous les villages au
sud du Sangarios, mais partout de vrais toits de tuiles. Dans toute cette zone boisée qui s'étend, sur
une profondeur de 20 à 30 lieues, tout le long de la mer Noire, de l'Ida phrygien aux montagnes du
Lazistan, ce ne sont pas seulement les aspects de la nature, le feuillage et les fruits des arbres, qui ont
quelque chose de tempéré et même de septentrional, c'est aussi la forme et la physionomie des habita-
tions qui se rapproche sensiblement de ce qu'on est accoutumé à voir dans nos climats. Transporté,
les yeux fermés, sur ces hauteurs, on pourrait, d'un peu loin, prendre Nali-khan pour un village des
Vosges ou du Jura. La veille, au contraire, il n'y avait pas à s'y méprendre, nous étions bien en
Orient, sous un ciel, dans un milieu tout différent du nôtre : à Quouïoun-aghla, de l'auvent sous lequel
nous étions établis, nous avions vu tous nos voisins souper, causer et s'endormir sur leurs
terrasses.

A partir de Nali-khan, nous quittons la route de poste, pour revenir à Constantinople par Muderlu,
l'ancienne Modrenœ. Au-delà de Nali-khan, le pays que nous traversons est montueux et boisé. Nous
couchons le 24 au petit village de Tchilleh, et le 25, après une marche matinale, nous découvrons à nos
pieds, serrée dans une gorge étroite, la petite ville de Muderlu. Nous avons décrit ailleurs cette ville,
rappelé son histoire, et indiqué les sites antiques qui, d'après les renseignements que nous avons re-
cueillis, se trouveraient dans le voisinage de Muderlu et dans la partie occidentale du pays d'Assi-
Malitch (pp. 58-60).

(1) L'Indjé-sou est la rivière qui figure sur la carte de Kiepert sous le nom d'' Ala-dagh-sou.
 
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