l'une et l'autre d'un air dédaigneux. Il n'y a donc pas lieu à une
nouvelle triade. On le regrette; car, quoiqu'elle dût être en contra-
diction avec les données antiques, elle serait restée du moins digne
de la vénération des hommes. Il y a de la matière, il est vrai, dans la
poésie, lorsque de l'art elle passe à l'artifice et supplée à l'inspira-
tion parles règles; dans l'éloquence, lorsqu'elle ne s'exerce que sur
les lieux communs de l'école; dans la sagesse, lorsqu'elle substitue
une logique infructueuse à la profonde observation de l'homme. Mais
il y a aussi une part de l'esprit, et cette part, si faible qu'elle soit,
fait respecter le reste.
4. Mais la dégradation des Charités est rapide quand elles ne re-
présentent plus que la jeunesse et la beauté, en dehors des dons de
l'âme.
Je croirais volontiers que le culte des Charités précéda celui
d'Aphrodite : j'en vois une preuve dans l'hymne homérique où cette
divinité est reçue à sa naissance par les Charités qui lui font cortège
jusqu'à l'Olympe; j'en vois une preuve surtout dans l'expression /api-
twv à-Ko xaXXaç êywqa, tenir sa beauté des Charités, employée par
Hésiode et par Homère (1), et qui semble un adage aussi bien que
cette autre de Strabon : /apt^v è'pya, œuvres des Charités; car ces
deux expressions montrent qu'à l'origine les Charités, et non Aphro-
dite, étaient les dispensatrices de la beauté. Mais avec le temps
Aphrodite prend si bien le dessus qu'on la voit dans Hésiode lui-
même verser la grâce (2) sur Pandore, par ordre de Zeus, et les
Charités se rattacher à son culte, non comme des égales, mais comme
des ministres très-subalternes. Elles sont chargées de la baigner, de
la parfumer, de tisser ses voiles divins. En définitive, elles ne sont
autres que des femmes de chambre. « Cupidon, dit Vénus dans
Apulée, auraii-il épousé quelqu'une des Grâces qui me servent (meo
de ministerio) ? » Chez Virgile, les Grâces sont complètement absorbées
dans Vénus par le nom Acidalia, qui appartient au culte et à la
légende des Charités orchoméniennes. « Les Charités sont surtout à
Vénus, » disent Servius et Pausanias (3). « Il n'y a rien d'amoureux
qui ne soit des Charités, » ajoute le Scholiaste d'Aristophane (4).
Les poètes de la décadence sont à juste portée pour comprendre
(1) Hésiode, dans le schol. de Pindare. Pyth.,IX, 6. Homère, Odyss., VI, 8.
(2) ïr. et j., 65.
(3) Pausan., VI, 24, 6 ; à^pootxri (j-aXtara etvoci 6ewv. Servius, I, 720 : Quas veneri
constat esse sacratas.
(k) Inpac.,hi. Un autre scholiaste, sur le môme vers, constate une grande com-
munauté entre Aphrodite et les Charités,
nouvelle triade. On le regrette; car, quoiqu'elle dût être en contra-
diction avec les données antiques, elle serait restée du moins digne
de la vénération des hommes. Il y a de la matière, il est vrai, dans la
poésie, lorsque de l'art elle passe à l'artifice et supplée à l'inspira-
tion parles règles; dans l'éloquence, lorsqu'elle ne s'exerce que sur
les lieux communs de l'école; dans la sagesse, lorsqu'elle substitue
une logique infructueuse à la profonde observation de l'homme. Mais
il y a aussi une part de l'esprit, et cette part, si faible qu'elle soit,
fait respecter le reste.
4. Mais la dégradation des Charités est rapide quand elles ne re-
présentent plus que la jeunesse et la beauté, en dehors des dons de
l'âme.
Je croirais volontiers que le culte des Charités précéda celui
d'Aphrodite : j'en vois une preuve dans l'hymne homérique où cette
divinité est reçue à sa naissance par les Charités qui lui font cortège
jusqu'à l'Olympe; j'en vois une preuve surtout dans l'expression /api-
twv à-Ko xaXXaç êywqa, tenir sa beauté des Charités, employée par
Hésiode et par Homère (1), et qui semble un adage aussi bien que
cette autre de Strabon : /apt^v è'pya, œuvres des Charités; car ces
deux expressions montrent qu'à l'origine les Charités, et non Aphro-
dite, étaient les dispensatrices de la beauté. Mais avec le temps
Aphrodite prend si bien le dessus qu'on la voit dans Hésiode lui-
même verser la grâce (2) sur Pandore, par ordre de Zeus, et les
Charités se rattacher à son culte, non comme des égales, mais comme
des ministres très-subalternes. Elles sont chargées de la baigner, de
la parfumer, de tisser ses voiles divins. En définitive, elles ne sont
autres que des femmes de chambre. « Cupidon, dit Vénus dans
Apulée, auraii-il épousé quelqu'une des Grâces qui me servent (meo
de ministerio) ? » Chez Virgile, les Grâces sont complètement absorbées
dans Vénus par le nom Acidalia, qui appartient au culte et à la
légende des Charités orchoméniennes. « Les Charités sont surtout à
Vénus, » disent Servius et Pausanias (3). « Il n'y a rien d'amoureux
qui ne soit des Charités, » ajoute le Scholiaste d'Aristophane (4).
Les poètes de la décadence sont à juste portée pour comprendre
(1) Hésiode, dans le schol. de Pindare. Pyth.,IX, 6. Homère, Odyss., VI, 8.
(2) ïr. et j., 65.
(3) Pausan., VI, 24, 6 ; à^pootxri (j-aXtara etvoci 6ewv. Servius, I, 720 : Quas veneri
constat esse sacratas.
(k) Inpac.,hi. Un autre scholiaste, sur le môme vers, constate une grande com-
munauté entre Aphrodite et les Charités,