114 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
baye aux Hommes ne peut donc, en aucune façon, être donnée comme
un type ayant servi de point de départ; c'est au contraire un monu-
ment qui a subi les intluences venues d'ailleurs. Quant à Saint-Ser-
nin de Toulouse, c'est le monument roman de l'Auvergne et du Lan-
guedoc dans toute sa franchise, voûté en berceau plein cintre, et
certes les architectes de l'Ile-de-France n'ont pas été chercher là,
non plus que dans l'église Notre-Dame la Grande de Poitiers, les
éléments qui les ont conduits, vers 1240, à introniser l'architecture
que l'on est convenu d'appeler gothique. Où l'on voit le roman se
transformer en gothique, c'est, par exemple, dans la grande église de
Saint-Gimer, c'est clans l'admirable porche de Vézelay, c'est dans les
collatéraux du chœur de l'églisede Saint-Martin des Champs., à Paris,
dont la construction remonte à la fin du onzième siècle.
C'est au sein de l'ordre de Cluny que l'on voit naître les premières
tentatives de cette architecture qui se développe et arrive prompte-
ment à son apogée sous la main de l'école laïque, au moment où les
évêques français veulent tous reconstruire leurs cathédrales. Comme
le dit d'ailleurs très-bien M. Renan, l'ogive n'est pas un trait de style,
elle est applicable à tous les styles. En effet, l'ogive en tant que
courbe, formée par l'intersection de deux arcs de cercle, se retrouve
à peu près partout chez les peuples qui ont construit en pierre; mais
M. Renan oublie de faire ressortir ce fait, savoir : que l'architecture
dite ogivale on gothique dérive d'un principe qui fut, au douzième
siècle, une innovation : c'est le principe d'équilibre. Or, qui admet
un principe, doit logiquement en subir les conséquences. Il ne s'agit
pas, pour l'architecte, de produire « un sentiment d'étonnement et
de terreur, de ne pas reculer devant des moyens d'illusion et de
fantasmagorie (I). » Ce sont là de ces appréciations qu'il faut laisser
à l'école, un peu vieillie, de Kotzebue. — Je ne sais si nos pères
étaient étonnés ou épouvantés en entrant dans la cathédrale d'A-
miens; je n'ai aucune raison de le croire; mais on peut être assuré
qu'ils s'y trouvaient fort à l'aise, car l'espace est vaste, la circulation
facile, la lumière brillante, et les surfaces horizontales occupées par
les piliers aussi faibles que possible. — Il s'agit de résoudre ce pro-
blème : « Une surface étant donnée pour contenir la foule, la cou-
vrir en laissant le plus d'espace vide possible. » En architecture, si
poètes qu'on veuille nous supposer, il nous faut employer, pour bâtir,
de la pierre, de la brique, du bois et du fer; or ces matériaux étant
donnés et le programme aussi, les artistes des douzième et treizième
(1) P. 212.
baye aux Hommes ne peut donc, en aucune façon, être donnée comme
un type ayant servi de point de départ; c'est au contraire un monu-
ment qui a subi les intluences venues d'ailleurs. Quant à Saint-Ser-
nin de Toulouse, c'est le monument roman de l'Auvergne et du Lan-
guedoc dans toute sa franchise, voûté en berceau plein cintre, et
certes les architectes de l'Ile-de-France n'ont pas été chercher là,
non plus que dans l'église Notre-Dame la Grande de Poitiers, les
éléments qui les ont conduits, vers 1240, à introniser l'architecture
que l'on est convenu d'appeler gothique. Où l'on voit le roman se
transformer en gothique, c'est, par exemple, dans la grande église de
Saint-Gimer, c'est clans l'admirable porche de Vézelay, c'est dans les
collatéraux du chœur de l'églisede Saint-Martin des Champs., à Paris,
dont la construction remonte à la fin du onzième siècle.
C'est au sein de l'ordre de Cluny que l'on voit naître les premières
tentatives de cette architecture qui se développe et arrive prompte-
ment à son apogée sous la main de l'école laïque, au moment où les
évêques français veulent tous reconstruire leurs cathédrales. Comme
le dit d'ailleurs très-bien M. Renan, l'ogive n'est pas un trait de style,
elle est applicable à tous les styles. En effet, l'ogive en tant que
courbe, formée par l'intersection de deux arcs de cercle, se retrouve
à peu près partout chez les peuples qui ont construit en pierre; mais
M. Renan oublie de faire ressortir ce fait, savoir : que l'architecture
dite ogivale on gothique dérive d'un principe qui fut, au douzième
siècle, une innovation : c'est le principe d'équilibre. Or, qui admet
un principe, doit logiquement en subir les conséquences. Il ne s'agit
pas, pour l'architecte, de produire « un sentiment d'étonnement et
de terreur, de ne pas reculer devant des moyens d'illusion et de
fantasmagorie (I). » Ce sont là de ces appréciations qu'il faut laisser
à l'école, un peu vieillie, de Kotzebue. — Je ne sais si nos pères
étaient étonnés ou épouvantés en entrant dans la cathédrale d'A-
miens; je n'ai aucune raison de le croire; mais on peut être assuré
qu'ils s'y trouvaient fort à l'aise, car l'espace est vaste, la circulation
facile, la lumière brillante, et les surfaces horizontales occupées par
les piliers aussi faibles que possible. — Il s'agit de résoudre ce pro-
blème : « Une surface étant donnée pour contenir la foule, la cou-
vrir en laissant le plus d'espace vide possible. » En architecture, si
poètes qu'on veuille nous supposer, il nous faut employer, pour bâtir,
de la pierre, de la brique, du bois et du fer; or ces matériaux étant
donnés et le programme aussi, les artistes des douzième et treizième
(1) P. 212.