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JERZY KOWALCZYK
dation de cette principauté. Le majorat fut conçu dans sa structure juridique, politique et économique en tant qu'une oeuvre
homogène du point de vue organique, en tant qu'un Etat se suffisant à lui-même. C'était la ville de Zamość qui devait être
la capitale de cette principauté conçue dans un certain sens comme un Etat idéal. D'un urbanisme idéal, cette ville était entourée
de fortifications modernes à l'intérieur desquelles se trouvaient la résidence seigneuriale, l'Académie et l'église collégiale. Cette
cité idéale, dont le plan anthropomorphe (cas absolument rare dans l'urbanisme européen) était conçu comme exposant philo-
sophique de l'harmonie organique de l'„Etat des Zamoyski", devait avoir im sanctuaire de gala d'une architecture parfaite.
La collégiale de Zamość devait être en principe une église métropolitaine du majorat où la confession romaine catholique est
devenue, de par la volonté du fondateur, la religion de l'Etat. Le plan du sanctuaire reçut, en conséquence, des lignes imposan-
tes, la forme d'une basilique à trois nefs avec toute une rangée de chapelles latérales. Cette église devait avoir une hiérarchie
proportionnée au rang de l'Etat des Zamoyski. C'est pourquoi le fondateur se mit en frais pour obtenir pour son sanctuaire
les privilèges reconnus aux collégiales, et pour le doyen et le président du chapitre — la mitre. A vrai dire, la collégiale n'est
devenue que le siège du doyenné de Zamość, nouvellement constitué, dont la juridiction s'étendait à peine sur une petite
partie du majorat. Mais il semble que le chancelier ait projeté d'élever la collégiale au rang de cathédrale.
La fonction de la collégiale en tant qu'église métropolitaine, était mise en relief par les solennités officielles de l'Etat
qui y étaient célébrées. Ainsi, conformément au statut du majorat, la collégiale devait être le théâtre du sacre de tout seigneur-
-héritier de l'Etat des Zamoyski, qui, en présence du prélat mitré, prêtait le serment de fidélité au statut. C'est également dans
ce sanctuaire que devaient être inhumés le fondateur et ses successeurs. De ce fait la collégiale devait servir de mausolée pour
la famille des Zamoyski. Le rapport étroit entre la collégiale et le culte de la famille des Zamoyski a trouvé sa plus belle
expression dans l'invocation sous laquelle avait été placée l'église, à savoir celle de st Thomas l'Apôtre qui était le patron de la
famille, ainsi que dans l'insertion du blason Jelita aussi bien dans les ornements architecturaux que dans le mobilier de l'église
et les vêtements liturgiques.
Le programme iconographique du sanctuaire a été minutieusement étudié pat le fondateur, à qui l'on doit les invocations
sous lesquelles sont connues l'église et les différentes chapelles. Ce fut encore lui qui rédigea toutes les inscriptions pour les
édifices, dicta le sujet et les compositions des tableaux du maître-autel, et alla jusqu'à choisir lui-même les reliques. L'invo-
cation de st Thomas l'Apôtre avait encore un autre aspect : c'était en quelque sorte l'exposant du sentiment religieux de Zamoyski,
exposant de son attitude de chercheur en matière des problèmes de la foi qui selon lui devraient être contrôlés par la maison.
Cette conception trouva une expression fort éloquente dans la fusion de la collégiale avec l'Académie; conformément à la
volonté du fondateur, les professeurs de l'Académie étaient aussi membres du chapitre de Zamość. Sur le terrain de l'Acadé-
mie devait fleurir la pia et vera sapientia, et dans la collégiale — la pietas litterata. L'équilibre harmonieux entre la foi et la raison
a trouvé une réplique fort expressive dans la composition urbaniste de la ville de Zamość, la collégiale et l'Académie ayant
été situées l'une en face de l'autre, de part et d'autre de l'axe principal de la ville. L'axe „Collégiale-Académie" a formé
une sorte de levier idéal et spatial en parfait équilibre, „unc entité à deux bras ou à deux ailes".
Jan Zamoyski ne manquait jamais de souligner avec un accent tout spécial le rôle apostolique que devait jouer la collé-
giale à l'égard de l'église schismatique en Ruthénie. Il était partisan de l'union des églises et en 1584 il proposa de trans-
férer en Pologne la patriarcat de Tsarogrod. A cette oeuvre de „saintc unification" des églises devait participer la collégiale
de pair avec l'Académie de Zamość où venaient s'instruire les jeunes nobles de Ruthénie. L'idée d'une église universelle a reçu
une expression symbolique dans l'architecture et la sculpture de la collégiale.
Différents mobiles ont présidé à la fondation de l'imposant sanctuaire. Mais le principal, c'était de rendre grâce au ciel
des victoires remportées par le grand général de la couronne sur les ennemis de la République. La collégiale était considérée
comme un Monumentum Victoriae ce qui n'a pas manqué non plus de trouver son expression dans l'architecture. L'ordre
dorique circonscrivant les façades des édifices, ordre monumental et imposant, convenait le mieux pour un sanctuaire de la
victoire. Les panoplies dans les métopes entre les triglyphes doriques étaient autant de motifs accentuant et complétant
l'empreinte maretiale de la collégiale de Zamość.
Jan Zamoyski ne se fit pas construire une nécropole somptueuse à côté de la collégiale et tout porte à croire qu'il n'aviit
jamais eu cette intention. Dans son testament, datant de 1600, il a défini avec beaucoup de précision la forme de se monument
funéraire. Il tenait à ce que ce fût une simple plaque en marbre noir, avec les insignes portant le bâton de grand général de
la couronne, le cachet de la chancellerie et l'inscription : Hic situs est bannes Zamoyski, et rien de plus. C'est de cette manière
que le grand général de la couronne voulait donner l'expression de son humilité chrétienne, tout en voulant aussi manifester
son goût pour l'éthique sévère des stoïciens et de Cicéron. C'est d'une manière fort caractéristique pour l'époque, que Zamoyski
alliait dans son imagination l'idéal chrétien (dans l'esprit du concile de Trente) avec les vertus du citoyen romain, grâce à quoi
la modeste plaque funéraire du grand général de la couronne, plaque apposée dans la collégiale fondée par lui, prenait une
expression toute particulière. C'était un modeste tombeau d'un grand chef dans un sanctuaire dorique monumental —
le sanctuaire de la victoire.
JERZY KOWALCZYK
dation de cette principauté. Le majorat fut conçu dans sa structure juridique, politique et économique en tant qu'une oeuvre
homogène du point de vue organique, en tant qu'un Etat se suffisant à lui-même. C'était la ville de Zamość qui devait être
la capitale de cette principauté conçue dans un certain sens comme un Etat idéal. D'un urbanisme idéal, cette ville était entourée
de fortifications modernes à l'intérieur desquelles se trouvaient la résidence seigneuriale, l'Académie et l'église collégiale. Cette
cité idéale, dont le plan anthropomorphe (cas absolument rare dans l'urbanisme européen) était conçu comme exposant philo-
sophique de l'harmonie organique de l'„Etat des Zamoyski", devait avoir im sanctuaire de gala d'une architecture parfaite.
La collégiale de Zamość devait être en principe une église métropolitaine du majorat où la confession romaine catholique est
devenue, de par la volonté du fondateur, la religion de l'Etat. Le plan du sanctuaire reçut, en conséquence, des lignes imposan-
tes, la forme d'une basilique à trois nefs avec toute une rangée de chapelles latérales. Cette église devait avoir une hiérarchie
proportionnée au rang de l'Etat des Zamoyski. C'est pourquoi le fondateur se mit en frais pour obtenir pour son sanctuaire
les privilèges reconnus aux collégiales, et pour le doyen et le président du chapitre — la mitre. A vrai dire, la collégiale n'est
devenue que le siège du doyenné de Zamość, nouvellement constitué, dont la juridiction s'étendait à peine sur une petite
partie du majorat. Mais il semble que le chancelier ait projeté d'élever la collégiale au rang de cathédrale.
La fonction de la collégiale en tant qu'église métropolitaine, était mise en relief par les solennités officielles de l'Etat
qui y étaient célébrées. Ainsi, conformément au statut du majorat, la collégiale devait être le théâtre du sacre de tout seigneur-
-héritier de l'Etat des Zamoyski, qui, en présence du prélat mitré, prêtait le serment de fidélité au statut. C'est également dans
ce sanctuaire que devaient être inhumés le fondateur et ses successeurs. De ce fait la collégiale devait servir de mausolée pour
la famille des Zamoyski. Le rapport étroit entre la collégiale et le culte de la famille des Zamoyski a trouvé sa plus belle
expression dans l'invocation sous laquelle avait été placée l'église, à savoir celle de st Thomas l'Apôtre qui était le patron de la
famille, ainsi que dans l'insertion du blason Jelita aussi bien dans les ornements architecturaux que dans le mobilier de l'église
et les vêtements liturgiques.
Le programme iconographique du sanctuaire a été minutieusement étudié pat le fondateur, à qui l'on doit les invocations
sous lesquelles sont connues l'église et les différentes chapelles. Ce fut encore lui qui rédigea toutes les inscriptions pour les
édifices, dicta le sujet et les compositions des tableaux du maître-autel, et alla jusqu'à choisir lui-même les reliques. L'invo-
cation de st Thomas l'Apôtre avait encore un autre aspect : c'était en quelque sorte l'exposant du sentiment religieux de Zamoyski,
exposant de son attitude de chercheur en matière des problèmes de la foi qui selon lui devraient être contrôlés par la maison.
Cette conception trouva une expression fort éloquente dans la fusion de la collégiale avec l'Académie; conformément à la
volonté du fondateur, les professeurs de l'Académie étaient aussi membres du chapitre de Zamość. Sur le terrain de l'Acadé-
mie devait fleurir la pia et vera sapientia, et dans la collégiale — la pietas litterata. L'équilibre harmonieux entre la foi et la raison
a trouvé une réplique fort expressive dans la composition urbaniste de la ville de Zamość, la collégiale et l'Académie ayant
été situées l'une en face de l'autre, de part et d'autre de l'axe principal de la ville. L'axe „Collégiale-Académie" a formé
une sorte de levier idéal et spatial en parfait équilibre, „unc entité à deux bras ou à deux ailes".
Jan Zamoyski ne manquait jamais de souligner avec un accent tout spécial le rôle apostolique que devait jouer la collé-
giale à l'égard de l'église schismatique en Ruthénie. Il était partisan de l'union des églises et en 1584 il proposa de trans-
férer en Pologne la patriarcat de Tsarogrod. A cette oeuvre de „saintc unification" des églises devait participer la collégiale
de pair avec l'Académie de Zamość où venaient s'instruire les jeunes nobles de Ruthénie. L'idée d'une église universelle a reçu
une expression symbolique dans l'architecture et la sculpture de la collégiale.
Différents mobiles ont présidé à la fondation de l'imposant sanctuaire. Mais le principal, c'était de rendre grâce au ciel
des victoires remportées par le grand général de la couronne sur les ennemis de la République. La collégiale était considérée
comme un Monumentum Victoriae ce qui n'a pas manqué non plus de trouver son expression dans l'architecture. L'ordre
dorique circonscrivant les façades des édifices, ordre monumental et imposant, convenait le mieux pour un sanctuaire de la
victoire. Les panoplies dans les métopes entre les triglyphes doriques étaient autant de motifs accentuant et complétant
l'empreinte maretiale de la collégiale de Zamość.
Jan Zamoyski ne se fit pas construire une nécropole somptueuse à côté de la collégiale et tout porte à croire qu'il n'aviit
jamais eu cette intention. Dans son testament, datant de 1600, il a défini avec beaucoup de précision la forme de se monument
funéraire. Il tenait à ce que ce fût une simple plaque en marbre noir, avec les insignes portant le bâton de grand général de
la couronne, le cachet de la chancellerie et l'inscription : Hic situs est bannes Zamoyski, et rien de plus. C'est de cette manière
que le grand général de la couronne voulait donner l'expression de son humilité chrétienne, tout en voulant aussi manifester
son goût pour l'éthique sévère des stoïciens et de Cicéron. C'est d'une manière fort caractéristique pour l'époque, que Zamoyski
alliait dans son imagination l'idéal chrétien (dans l'esprit du concile de Trente) avec les vertus du citoyen romain, grâce à quoi
la modeste plaque funéraire du grand général de la couronne, plaque apposée dans la collégiale fondée par lui, prenait une
expression toute particulière. C'était un modeste tombeau d'un grand chef dans un sanctuaire dorique monumental —
le sanctuaire de la victoire.