ASIE MINEURE.
121
admirable nature, dans toute sa sauvage
majesté, dédommage amplement celui
qui a tenté cette excursion.
Les habitants jouissent avec calme
mais avec un plaisir extrême de toutes
les beautés que la nature a. répandues
autour de la ville. Il n’est pas un des
versants de l’Olympe qui n’offre aux
yeux quelque point de vue enchanteur.
Toutes les essences de la plaine et de la
montagne, les cèdres et les cyprès, le
chêne et le platane, le châtaigner et
le hêtre s’y multiplient avec une abon-
dance et une sève incroyables. Il est rare
de voir des forêts présenter réunis tant
d’arbres d'une si belle venue, et chaque
pas que l’on fait donne lieu à une sur-
prise nouvelle a la vue d’arbres gigan-
tesques qui portent plusieurs siècles
sur leurs cimes altières. Le pied de ces
forêts est entouré d’tme large ceinture
de verdure plus sombre et plus épaisse;
ici ce n’est plus la nature seule, c’est
l’agriculture et l’industrie qui veillent à
la production de ces arbres exotiques.
CHAPITRE XXIII.
ÉTAT MODERNE. — INDUSTRIE. —
COMMERCE.
Les maisons de Broussa sont bâties
dans le genre de celles de Constanti-
nople, c’est-à-dire que le bois domine
dansla construction. Les rez-de-chaussée
sont ordinairement bâtis en moellon et en
brique; mais les façades sont extrême-
ment simples. L’intérieur se compose
d’un vestibule donnant accès à un es-
calier ordinairement de marbre; c’est
au premier étage que sont les apparte-
ments d’habitation ; ils donnent tous sur
un vestibule ouvert appelé kayat, sorte
de salon d’été où se tient la famille pen-
dant les beaux jours. Au milieu est un
bassin d’eau vive, la ville étant en pente
vers le nord. Quelle que soit la direction
dans laquelle s’ouvre la grande fenêtre
du vestibule, les maisons de Broussa
jouissent toutes d’une vue magnifique,
soit des gorges sauvages de la mon-
tagne, soit des vastes horizons de la
plaine.
Le quartier des chrétiens occupe la
région de l’est. Les Arméniens et les
Grecssont placés sous la juridiction d’un
métropolitain de leur culte qui e;st su-
bordonné au patriarche de Constanti-
nople. Le sort de l’Église chrétienne à
Broussa est de’s plus misérables. Privés
de tous les monuments religieux qui
avaient été construits par leurs ancê-
tres, les chrétiens ne jouissent aujour-
d’hui que de pauvres églises qui au
dehors se distinguent à peine des mai-
sons particulières.
Le quartier turc occupe la partie cen-
trale de la ville ; c’est là que sont situés
les caravanseraïs, le bezestein et les
bazars.
Tout le versant inférieur de l’Olympe
est couvert d’épaisses plantations de
mûriers qui servent à la nourriture des
vers à soie ; c’est surlout le mûrier mul-
ticaule qui est préféré. Les habitants
regardent sa feuille comme plus nour-
rissante et ils signalent cet avantage
particulier, c’est que pour la nourriture
des vers, on n’arrache pas la feuille, qui
arrive toujours un peu flétrie dans la
magnanerie; mais on coupe les jeunes
tiges qui atteignent quelquefois la lon-
gueur de deux ou trois mètres. La
feuille arrive alors fraîche et intacte ,
avec toute sa sève et tout son parfum ;
elle nourrit mieux le ver, et lorsqu’il est
prêt à monter, il trouve dans la tige qui
lui a servi de nourriture un appui tout
prêt pour y établir son travail.
On ne compte pas moins de sept espèces
de mûriers dont un botaniste seul pourrait
faire la distinction ; toutes ces variétés
prospèrent également aux environs de
Broussa. Les mûriers couvrent de leur
ombre les bords des ruisseaux, et for-
ment les haies du chemin. Ils semblent
avoir retrouvé là leur climat natal;
aussi, par la beauté et l’abondance de
ses soies, Broussa est-elle devenue une
ville renommée dans le monde entier.
Les soieries qu’elle fabrique se répan-
dent dans tout l’empire turc, mais sont
peu conuues en Europe. Les velours de
soie forment aussi une branche impor-
tante d’industrie que la concurrence
d’Europe finira bientôt par anéantir.
L’industrie des soies, qui a rendu
Broussa si célèbre, n’occupe aucune
grande manufacture; les ouvriers,
comme ceux de Lyon, travaillent en
chambre. Les fabricants leur donnent
un poids donné de soie, qu’ils doivent
121
admirable nature, dans toute sa sauvage
majesté, dédommage amplement celui
qui a tenté cette excursion.
Les habitants jouissent avec calme
mais avec un plaisir extrême de toutes
les beautés que la nature a. répandues
autour de la ville. Il n’est pas un des
versants de l’Olympe qui n’offre aux
yeux quelque point de vue enchanteur.
Toutes les essences de la plaine et de la
montagne, les cèdres et les cyprès, le
chêne et le platane, le châtaigner et
le hêtre s’y multiplient avec une abon-
dance et une sève incroyables. Il est rare
de voir des forêts présenter réunis tant
d’arbres d'une si belle venue, et chaque
pas que l’on fait donne lieu à une sur-
prise nouvelle a la vue d’arbres gigan-
tesques qui portent plusieurs siècles
sur leurs cimes altières. Le pied de ces
forêts est entouré d’tme large ceinture
de verdure plus sombre et plus épaisse;
ici ce n’est plus la nature seule, c’est
l’agriculture et l’industrie qui veillent à
la production de ces arbres exotiques.
CHAPITRE XXIII.
ÉTAT MODERNE. — INDUSTRIE. —
COMMERCE.
Les maisons de Broussa sont bâties
dans le genre de celles de Constanti-
nople, c’est-à-dire que le bois domine
dansla construction. Les rez-de-chaussée
sont ordinairement bâtis en moellon et en
brique; mais les façades sont extrême-
ment simples. L’intérieur se compose
d’un vestibule donnant accès à un es-
calier ordinairement de marbre; c’est
au premier étage que sont les apparte-
ments d’habitation ; ils donnent tous sur
un vestibule ouvert appelé kayat, sorte
de salon d’été où se tient la famille pen-
dant les beaux jours. Au milieu est un
bassin d’eau vive, la ville étant en pente
vers le nord. Quelle que soit la direction
dans laquelle s’ouvre la grande fenêtre
du vestibule, les maisons de Broussa
jouissent toutes d’une vue magnifique,
soit des gorges sauvages de la mon-
tagne, soit des vastes horizons de la
plaine.
Le quartier des chrétiens occupe la
région de l’est. Les Arméniens et les
Grecssont placés sous la juridiction d’un
métropolitain de leur culte qui e;st su-
bordonné au patriarche de Constanti-
nople. Le sort de l’Église chrétienne à
Broussa est de’s plus misérables. Privés
de tous les monuments religieux qui
avaient été construits par leurs ancê-
tres, les chrétiens ne jouissent aujour-
d’hui que de pauvres églises qui au
dehors se distinguent à peine des mai-
sons particulières.
Le quartier turc occupe la partie cen-
trale de la ville ; c’est là que sont situés
les caravanseraïs, le bezestein et les
bazars.
Tout le versant inférieur de l’Olympe
est couvert d’épaisses plantations de
mûriers qui servent à la nourriture des
vers à soie ; c’est surlout le mûrier mul-
ticaule qui est préféré. Les habitants
regardent sa feuille comme plus nour-
rissante et ils signalent cet avantage
particulier, c’est que pour la nourriture
des vers, on n’arrache pas la feuille, qui
arrive toujours un peu flétrie dans la
magnanerie; mais on coupe les jeunes
tiges qui atteignent quelquefois la lon-
gueur de deux ou trois mètres. La
feuille arrive alors fraîche et intacte ,
avec toute sa sève et tout son parfum ;
elle nourrit mieux le ver, et lorsqu’il est
prêt à monter, il trouve dans la tige qui
lui a servi de nourriture un appui tout
prêt pour y établir son travail.
On ne compte pas moins de sept espèces
de mûriers dont un botaniste seul pourrait
faire la distinction ; toutes ces variétés
prospèrent également aux environs de
Broussa. Les mûriers couvrent de leur
ombre les bords des ruisseaux, et for-
ment les haies du chemin. Ils semblent
avoir retrouvé là leur climat natal;
aussi, par la beauté et l’abondance de
ses soies, Broussa est-elle devenue une
ville renommée dans le monde entier.
Les soieries qu’elle fabrique se répan-
dent dans tout l’empire turc, mais sont
peu conuues en Europe. Les velours de
soie forment aussi une branche impor-
tante d’industrie que la concurrence
d’Europe finira bientôt par anéantir.
L’industrie des soies, qui a rendu
Broussa si célèbre, n’occupe aucune
grande manufacture; les ouvriers,
comme ceux de Lyon, travaillent en
chambre. Les fabricants leur donnent
un poids donné de soie, qu’ils doivent