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L’UNIVERS.
CHAPITRE XXV.
SINOPE-AMASTRIS-HERACLÉE.
La situation exceptionnelle de la pres-
qu’île de Sinope sur un rivage qui offre
si peu d’abris aux navires, dut aux pre-
miers âges de la navigation attirer l’at-
tention des peuples commerçants de
l’antiquité. Avant que les Grecs eus-
sent pénétré dans le Pont-Euxin, les
Phéniciens venaient sur ces côtes com-
mercer avec les Assyriens (1).
Les Grecs attribuent la fondation de
Sinope à l’Argonaute Autolycus. Plus
tard, les Milésiens, ayant remarqué
l’heureuse position de ce lieu et la fai-
blesse de ceux qui l’habitaient, s’en ren-
dirent maîtres, et y envoyèrent des co-
lons. Hérodote compte les Cimmériens
au nombre des peuples qui fournirent un
contingent de population aces parages;
« Les Cimmériens, fuyant en Asie l’inva-
sion des Scythes, envoyèrent des colonies
dans la Chersonnèse, où est actuellement
la ville de Sinope » (2). La ville grecque
reçut en peu d’années un développe-
ment considérable; les forêts voisines la
mirent à même de se créer une marine
respectable, et elle en profita pour fonder
d’autres colonies sur la même côte, no-
tamment Trapezus et Cerasunte.
Sinope fut prise par Pharnace, qui l’in-
corpora à ses États; elle resta sous la do-
mination des rois de Pont jusqu’à la
chute de Mithridate. Ce prince avait pris
soin d’embellir sa ville natale de mo-
numents magnifiques; il y construisit
des temples, des portiques et des arse-
naux de marine, dont il ne reste plus de
vestiges. Sinope était bâtie sur l’isthme
qui sépare les deux ports. La ville mo-
derne de Sinub, construite avec les dé-
bris des anciens monuments, n’offre au-
cun intérêt sous le rapport de fart; elle
fut pourtant une des principales villes
de l’empire de Trébizonde; mais ni les
Byzantins, ni les Turcs n’y ont élevé un
seul monument digne d’étre remarqué,
Sinope est aujourd’hui la principale sta-
tion des bateaux à vapeur qui font le ser-
vice de la mer Noire; ses environs sont
(1) Sinope ein historisch-antiquarischer
Umrissvon Th. Streuber Basel i855, p. i5.
(2) Hérodote, IV, 12.
aussi boisés et aussi fertiles qu’autrefois;
son territoire présente en un mot tous
les éléments nécessaires à une popula-
tion commerçante, cependant elle est
tombée presque à l’état de village. La
presqu’île qui défend le port est entourée
d’un banc de roches coquillieres d’une
singulière contexture; ce sont ces roches
qui, selon Strabon, contribuaient à la
défense du port, en empêchant les dé-
barquements. La pêche des pélamides,
qui faisait une des richesses de l’an-
cienne Sinope, est aujourd’hui presque
nulle; elle est presque entièrement con-
centrée dans le Bosphore.
Harmène était une petite ville grec-
que située à cinquante stades à l’ouest
de Sinope. Elle avait un port qui fut
toujours peu fréquenté; aussi les anciens
avaient-ils un proverbe qui attribuait
la fondation des murailles d’Harmène, a
quelque désœuvré. La position de cette
place est aujourd’hui inconnue.
Aboni Teichos, petite ville à l’ouest,
avait un port meilleur qu’Harmène, et
conserva toujours sa population ; c’était
le lieu de naissance de cet imposteur,
nommé Alexandre, dont nous avons déjà
parlé (1) et qui jouait le rôle d’Esculape;
il avait obtenu de l’empereur que le nom
d’Aboni Teichos fût changé en celui de
Jonopolis,ce qui fut accordé; on le re-
trouve avec peu d’altération dans celui
de la ville moderne d’Ineboli.
Nous retrouvons sur la côte le cap
Garambis, qui porte aujourd’hui le nom
de Kérembé. Les trois petites villes, Se-
same, Cytorus et Gromna, concoururent
à former la population d’Amastris , bâ-
tie sur 1’emplacement de l’anciennq
Sesame; elle est mentionnée par les
anciens géographes comme une colonie
de Milet. Ce territoire appartenait à Hé-
raclée, ville puissante qui était gouver-
née par des Dynastes. Amastris, prin-
cesse du sang des Darius, épouse de
Denys tyran d’Héraclée, réunit en une
seule ville les diverses populations de
Sesame, Cytorus, Gromna et Teium, et
donna le nom d’Amastris à cette nou-
velle colonie.
Amastris fut placée successivement
sous la domination d’Arsinoé, femme
de Lysimaque, et sous celle d’Ariobar-
(1) Voy. p. 73.
L’UNIVERS.
CHAPITRE XXV.
SINOPE-AMASTRIS-HERACLÉE.
La situation exceptionnelle de la pres-
qu’île de Sinope sur un rivage qui offre
si peu d’abris aux navires, dut aux pre-
miers âges de la navigation attirer l’at-
tention des peuples commerçants de
l’antiquité. Avant que les Grecs eus-
sent pénétré dans le Pont-Euxin, les
Phéniciens venaient sur ces côtes com-
mercer avec les Assyriens (1).
Les Grecs attribuent la fondation de
Sinope à l’Argonaute Autolycus. Plus
tard, les Milésiens, ayant remarqué
l’heureuse position de ce lieu et la fai-
blesse de ceux qui l’habitaient, s’en ren-
dirent maîtres, et y envoyèrent des co-
lons. Hérodote compte les Cimmériens
au nombre des peuples qui fournirent un
contingent de population aces parages;
« Les Cimmériens, fuyant en Asie l’inva-
sion des Scythes, envoyèrent des colonies
dans la Chersonnèse, où est actuellement
la ville de Sinope » (2). La ville grecque
reçut en peu d’années un développe-
ment considérable; les forêts voisines la
mirent à même de se créer une marine
respectable, et elle en profita pour fonder
d’autres colonies sur la même côte, no-
tamment Trapezus et Cerasunte.
Sinope fut prise par Pharnace, qui l’in-
corpora à ses États; elle resta sous la do-
mination des rois de Pont jusqu’à la
chute de Mithridate. Ce prince avait pris
soin d’embellir sa ville natale de mo-
numents magnifiques; il y construisit
des temples, des portiques et des arse-
naux de marine, dont il ne reste plus de
vestiges. Sinope était bâtie sur l’isthme
qui sépare les deux ports. La ville mo-
derne de Sinub, construite avec les dé-
bris des anciens monuments, n’offre au-
cun intérêt sous le rapport de fart; elle
fut pourtant une des principales villes
de l’empire de Trébizonde; mais ni les
Byzantins, ni les Turcs n’y ont élevé un
seul monument digne d’étre remarqué,
Sinope est aujourd’hui la principale sta-
tion des bateaux à vapeur qui font le ser-
vice de la mer Noire; ses environs sont
(1) Sinope ein historisch-antiquarischer
Umrissvon Th. Streuber Basel i855, p. i5.
(2) Hérodote, IV, 12.
aussi boisés et aussi fertiles qu’autrefois;
son territoire présente en un mot tous
les éléments nécessaires à une popula-
tion commerçante, cependant elle est
tombée presque à l’état de village. La
presqu’île qui défend le port est entourée
d’un banc de roches coquillieres d’une
singulière contexture; ce sont ces roches
qui, selon Strabon, contribuaient à la
défense du port, en empêchant les dé-
barquements. La pêche des pélamides,
qui faisait une des richesses de l’an-
cienne Sinope, est aujourd’hui presque
nulle; elle est presque entièrement con-
centrée dans le Bosphore.
Harmène était une petite ville grec-
que située à cinquante stades à l’ouest
de Sinope. Elle avait un port qui fut
toujours peu fréquenté; aussi les anciens
avaient-ils un proverbe qui attribuait
la fondation des murailles d’Harmène, a
quelque désœuvré. La position de cette
place est aujourd’hui inconnue.
Aboni Teichos, petite ville à l’ouest,
avait un port meilleur qu’Harmène, et
conserva toujours sa population ; c’était
le lieu de naissance de cet imposteur,
nommé Alexandre, dont nous avons déjà
parlé (1) et qui jouait le rôle d’Esculape;
il avait obtenu de l’empereur que le nom
d’Aboni Teichos fût changé en celui de
Jonopolis,ce qui fut accordé; on le re-
trouve avec peu d’altération dans celui
de la ville moderne d’Ineboli.
Nous retrouvons sur la côte le cap
Garambis, qui porte aujourd’hui le nom
de Kérembé. Les trois petites villes, Se-
same, Cytorus et Gromna, concoururent
à former la population d’Amastris , bâ-
tie sur 1’emplacement de l’anciennq
Sesame; elle est mentionnée par les
anciens géographes comme une colonie
de Milet. Ce territoire appartenait à Hé-
raclée, ville puissante qui était gouver-
née par des Dynastes. Amastris, prin-
cesse du sang des Darius, épouse de
Denys tyran d’Héraclée, réunit en une
seule ville les diverses populations de
Sesame, Cytorus, Gromna et Teium, et
donna le nom d’Amastris à cette nou-
velle colonie.
Amastris fut placée successivement
sous la domination d’Arsinoé, femme
de Lysimaque, et sous celle d’Ariobar-
(1) Voy. p. 73.