LIVRE IX
CARIE. — LYCAONIE. — ISAURIE.
CHAPITRE PREMIER.
ORIGINE DES CARIENS.
Le territoire qui s’étend de la rive gau-
che du Méandre jusqu’à la chaînela plus
élevée duTaurus a été, dans l’antiquité,
envahi par des tribus venues du dehors,
qui s’incorporèrent dans des hordes
aborigènes pour former une des nations
les plus guerrières et les plus turbulentes
de l’Asie Mineure. Le pays fut d’abord
appelé Phœnicie (1), et ensuite Chry-
saoris (2), de Chrysaor, petit-fils de Si-
syphe. Il appartenait aux Léléges, qui
dominaient au delà du Méandre jusqu’à
Ephèse. Une autre tribu, plus nom-
breuse et plus forte, arriva sous la con-
duite de Car, et se rendit maîtresse de
la contrée, qui reçut alors le nom de Ca-
rie. On prétend que les Cariens étaient
ainsi appelés parce qu’ils sont les pre-
miers qui ornèrent leurs casques d’une
aigrette, qui s’appelait Kàpa (tête). Ils
inventèrent aussi la double poignée du
bouclier.
Si l’on veut s’en rapporter aux tra-
ditions helléniques, les Cariens passè-
rent des îles dans le continent, et s’ap-
pelaient aussi Léléges ; ils obéissaient
a Minos (3), et après avoir longtemps
couru les mers sous les ordres de ce roi,
ils allèrent se fixer en diverses contrées
du bassin de la Méditerranée. Ils atta-
quèrent l’île de Rhodes, qui appartenait
aux Phéniciens, et s’en emparèrent; ils
se rendirent maîtres de Délos et de
toutes lesCyclades, mais en furent, dans
la suite, expulsés par Minos.
La renommée des Cariens s’était
étendue jusqu’au royaume de Lydie.
(t) Athénée, liv. IV, p. 174.
(2) Étienne de Byzance, Kapta-MüXaffa,
etc.
(3) Hérodote, liv. I, c.hap, 171; et Strabon,
liv. XIV, p. 66r.
40e livraison. (Asie Mineure.) t.
Gygès avait appelé à son secours Ar-
sélis de Mylasa, et pour le récompenser
des services qu’il en avait reçus , lui fit
présent de la hache d’Hercule , qui,
depuis le’règne d’Omphale, était tou-
jours restée entre les mains des rois de
Lydie. De retour dans sa patrie , Arsé-
lis fonda le temple de Jupiter Labran-
deus, à Mylasa, et orna cette ville de
monuments magnifiques.
Les Cariens vinrent débarquer en
Égypte, sous lerègne de Psammétichus,
en compagnie de quelques Ioniens.
Leurs armures de bronze, leurs casques
surmontés d’une haute aigrette, surpri-
rent d'abord les Égyptiens ; mais bientôt
le roi, se rappelant le sens d’un oracle
qui lui promettait la victoire s’il pre-
nait des coqs pour auxiliaires, fit aux
étrangers un accueil favorable, et les
retint dans son pays (1) ; ou leur donna
un quartier spécial dans la ville de
Memphis, qui fut désigné sous le nom
de Kaptzov, c’est-à-dire quartier des
Cariens (2). Déjà à cette époque recu-
lée les Cariens passaient pour habiles
navigateurs et pour aventuriers intré-
pides. La plupart des villes qu’ils oc-
cupèrent sur le continentd’Asiedevaient
leur origine à des tribus pélasges ou lé-
léges ; mais les chefs des Cariens en
fondèrent un grand nombre d’autres
auxquelles ils donnèrent leur nom.
Alabandus bâtit Alabande, Hydriée fut
le fondateur d’Hydrias. Les Lyciens,
sous la conduite de Bellérophon, fon-
dèrent Chrysaor, qui fut ensuite appelée
Stratonicée. C’est dans cette ville que
se tenaient les assemblées générales des
Cariens. Les anciens ne sont pas tout a
fait d’accord sur l’idiome dont on fai-
sait usage en Carie ; ces peuples étaient
généralement connus, chez les Grecs ,
sous le nom de Cariens barbaropho-
(t) Hérodote, liv. II, ch. itA.
(2) Erienne de Byzance, Kaptxov.
H. 40
CARIE. — LYCAONIE. — ISAURIE.
CHAPITRE PREMIER.
ORIGINE DES CARIENS.
Le territoire qui s’étend de la rive gau-
che du Méandre jusqu’à la chaînela plus
élevée duTaurus a été, dans l’antiquité,
envahi par des tribus venues du dehors,
qui s’incorporèrent dans des hordes
aborigènes pour former une des nations
les plus guerrières et les plus turbulentes
de l’Asie Mineure. Le pays fut d’abord
appelé Phœnicie (1), et ensuite Chry-
saoris (2), de Chrysaor, petit-fils de Si-
syphe. Il appartenait aux Léléges, qui
dominaient au delà du Méandre jusqu’à
Ephèse. Une autre tribu, plus nom-
breuse et plus forte, arriva sous la con-
duite de Car, et se rendit maîtresse de
la contrée, qui reçut alors le nom de Ca-
rie. On prétend que les Cariens étaient
ainsi appelés parce qu’ils sont les pre-
miers qui ornèrent leurs casques d’une
aigrette, qui s’appelait Kàpa (tête). Ils
inventèrent aussi la double poignée du
bouclier.
Si l’on veut s’en rapporter aux tra-
ditions helléniques, les Cariens passè-
rent des îles dans le continent, et s’ap-
pelaient aussi Léléges ; ils obéissaient
a Minos (3), et après avoir longtemps
couru les mers sous les ordres de ce roi,
ils allèrent se fixer en diverses contrées
du bassin de la Méditerranée. Ils atta-
quèrent l’île de Rhodes, qui appartenait
aux Phéniciens, et s’en emparèrent; ils
se rendirent maîtres de Délos et de
toutes lesCyclades, mais en furent, dans
la suite, expulsés par Minos.
La renommée des Cariens s’était
étendue jusqu’au royaume de Lydie.
(t) Athénée, liv. IV, p. 174.
(2) Étienne de Byzance, Kapta-MüXaffa,
etc.
(3) Hérodote, liv. I, c.hap, 171; et Strabon,
liv. XIV, p. 66r.
40e livraison. (Asie Mineure.) t.
Gygès avait appelé à son secours Ar-
sélis de Mylasa, et pour le récompenser
des services qu’il en avait reçus , lui fit
présent de la hache d’Hercule , qui,
depuis le’règne d’Omphale, était tou-
jours restée entre les mains des rois de
Lydie. De retour dans sa patrie , Arsé-
lis fonda le temple de Jupiter Labran-
deus, à Mylasa, et orna cette ville de
monuments magnifiques.
Les Cariens vinrent débarquer en
Égypte, sous lerègne de Psammétichus,
en compagnie de quelques Ioniens.
Leurs armures de bronze, leurs casques
surmontés d’une haute aigrette, surpri-
rent d'abord les Égyptiens ; mais bientôt
le roi, se rappelant le sens d’un oracle
qui lui promettait la victoire s’il pre-
nait des coqs pour auxiliaires, fit aux
étrangers un accueil favorable, et les
retint dans son pays (1) ; ou leur donna
un quartier spécial dans la ville de
Memphis, qui fut désigné sous le nom
de Kaptzov, c’est-à-dire quartier des
Cariens (2). Déjà à cette époque recu-
lée les Cariens passaient pour habiles
navigateurs et pour aventuriers intré-
pides. La plupart des villes qu’ils oc-
cupèrent sur le continentd’Asiedevaient
leur origine à des tribus pélasges ou lé-
léges ; mais les chefs des Cariens en
fondèrent un grand nombre d’autres
auxquelles ils donnèrent leur nom.
Alabandus bâtit Alabande, Hydriée fut
le fondateur d’Hydrias. Les Lyciens,
sous la conduite de Bellérophon, fon-
dèrent Chrysaor, qui fut ensuite appelée
Stratonicée. C’est dans cette ville que
se tenaient les assemblées générales des
Cariens. Les anciens ne sont pas tout a
fait d’accord sur l’idiome dont on fai-
sait usage en Carie ; ces peuples étaient
généralement connus, chez les Grecs ,
sous le nom de Cariens barbaropho-
(t) Hérodote, liv. II, ch. itA.
(2) Erienne de Byzance, Kaptxov.
H. 40