N' 16.
L'EXPOSITION DE PARIS
421
LES CHANTIERS DES CHAMPS-ELYSÉES
AU COURS-Là-REINE
Une des choses qui ont concilié à la direction de
l'ExposiLion les sympathies de la population pari-
sienne, a été le soin méticuleux avec lequel
MM. Picard et Bouvard ont veillé à ce que toutes
les promesses qui lui avaient été faites, au sujet de
la marche des travaux, fussent scrupuleusement
tenues. Cn réel sujet d'inquiétude pour elle, à l'an-
nonce de la démolition du Palais de l'Industrie et
de la construction des deux nouveaux palais, était
la crainte de voir pendant plus de deux années les
tombereaux et les fardiers encombrer le Gours-la-
lloine et les Champs-Elysées, détruire tout le
Au commencement du xvue siècle, il n'y avait, sur
cette rive de la Seine, que des terrains de culture
maraîchère. En 1616, Marie de Médicis fit planter
quatre belles rangées d'ormes, le long de la route
' qui menait à Chaillot, et créa un parc fermé par
des grilles à ses extrémités. C'était une sorte de mail
dont l'accès n'était pas uniquement réservé aux
personnages de la cour, mais où les bourgeois de
Paris pouvaient se montrer, à la condition de n'être
ni en «habits de liretaine, ni en bas de laine noire
ou chaperon de drap ».
Ce fut seulement vers 1670, que l'on planta la
grande allée du Houle, dite, depuis, l'avenue des
Champs-Elysées, dont l'éclat devait être très brillant
dès le xvuie siècle, avec les magniliques jardins
que les hôtels du faubourg Saint-Ilonoré projetaient
vers la nouvelle promenade et ces lieux de plaisir
En 1831, à l'endroit même où débouche le tunnel
desservant les chantiers des Palais des F>eaux-Arts,
on voit s'ouvrir au Cours-Ia-Reine les concerts que
Philippe Musard, premier du nom, créa à Paris
après la révolution de Juillet. Ce musicien est resté
comme un type légendaire. Il était né en 1792, et
fut soliste cor dans un des régiments de la Garde
impériale. Il fit en ces qualités les campagnes d'Al-
lemagne et d'Espagne.
Après la chute de Napoléon 1er, il passa en An-
gleterre, où il ne tarda pas à devenir chef d'orches-
tre des bals de la cour, au service de Georges IV.
Ayant faitfortune, il vint fonderau Cours la Reine
les concerts-promenades qui, sous sa direction, ob-
tinrent une grande vogue. Philippe Musard ne
borna point làcependantson ambition et, en 1840,
il fut appelé à dirigerles bals de l'Opéra. Sa popu-
7. cvAu. k .
Au Cours-la-Reine. — Le débouché du tunnel dans les chantiers des Champs-Elysées.
caractère élégant de ces deux magnifiques prome-
nades et les rendre impraticables.
Elle craignait, aussi, de laisser saccager les beaux
arbres des quinconces entourant le Palais de l'In-
dustrie. La surprise a donc été très agréable pour
elle de constater que la direction de l'Exposition
tenait à honneur de remplir les engagements con-
tractés vis-à-vis d'elle.
Vous avez beau faire le tour des élégantes palis-
sades qui enserrent les chantiers de construction,
leur clôture ne laisse point percer le secret de ces.
travaux d'exécution magique. Pour le connaître, il
vous suffira de lireV Exposition de Paris, et ses colla-
borateurs techniques vous diront les services rendus
aux architectes et aux entrepreneurs par le tunnel
qui relie les chantiers des bas-ports de la Seine et
assure, par celte voie, l'évacuation des déblais et
l'apport des matériaux de construction. Mon rôle
se bornera à vous donner quelques indications his-
toriques sur ce Cours-la-Reine, qui va devenir le
véritable boulevard de l'Exposition de 1900.
Exp.
connus sous le nom de Folie-Marbcuf, Colysée et
Folie-Beaujon.
Le Cours-la-Reine, où Marie de Médicis se pro-
menait dans un coche à forme ronde, vit circuler
le premier carrosse fermé de glaces, dans lequel le
comte de Bassompierre lit sensation. Je crois que la
première voiture automobile n'obtint pas de nos
jours un pareil succès. Plus lard, malgré la con-
currence des Champs-Elysées, la vogue de l'an-
cienne promenade se maintient; puis Charles X
concède le tout à la Ville de Paris, à charge par
elle de procéder à des embellissements évalués fas-
tueusement à 2 300 000 francs.
Cette prise de possession par la Ville de Paris
marque une phase nouvelle. La viabilité des deux
promenades va s'améliorer dans des proportions
considérables, et le Cours-la-Reine sera le chemin
par lequel la jeunesse dorée se rendra à l'allée des
Veuves, devenue aujourd'hui avenue Montaigne,
où s'élevaient le fameux bal Mabille et le Château
des fleurs.
larité ne connutalors plus de bornes et nul homme
' ne fut plus souvent porté en triomphe que l'auteur
du Galop infernal, à qui tous les moyens étaient
bons pour provoquer, au point de vue musical et
chorégraphique, la fantaisie la plus échevelée.
Philippe Musard abandonna la partie en 1855,
lorsque les bals de l'Opéra devinrent une entre-
prise concédée par l'État. C'était l'époque de la
première Exposition Universelle ; le Palais de l'In-
dustrie venait d'être élevé, transformant encore
une fois le Cours-la-Reine et les Champs-Elysées,
peuplant ces derniers de théâtres, de cafés, de par-
terres, de jets d'eau. Alfred Musard succéda alors
à son père. Ses bals du Jardin d'hiver firent môme
pendant cette première Exposition une sérieuse
concurrence à ceux de l'Opéra, et de cette époque
date la Tulipe orageuse, quadrille endiablé, digne
pendant du galop paternel.
En 1859, aprèsune tournée triomphale aux Etats-
Unis, Alfred Musard répondit à l'appel de MM. Dar-
tois et Besseliève, qui reconstituèrent les concerts
L'EXPOSITION DE PARIS
421
LES CHANTIERS DES CHAMPS-ELYSÉES
AU COURS-Là-REINE
Une des choses qui ont concilié à la direction de
l'ExposiLion les sympathies de la population pari-
sienne, a été le soin méticuleux avec lequel
MM. Picard et Bouvard ont veillé à ce que toutes
les promesses qui lui avaient été faites, au sujet de
la marche des travaux, fussent scrupuleusement
tenues. Cn réel sujet d'inquiétude pour elle, à l'an-
nonce de la démolition du Palais de l'Industrie et
de la construction des deux nouveaux palais, était
la crainte de voir pendant plus de deux années les
tombereaux et les fardiers encombrer le Gours-la-
lloine et les Champs-Elysées, détruire tout le
Au commencement du xvue siècle, il n'y avait, sur
cette rive de la Seine, que des terrains de culture
maraîchère. En 1616, Marie de Médicis fit planter
quatre belles rangées d'ormes, le long de la route
' qui menait à Chaillot, et créa un parc fermé par
des grilles à ses extrémités. C'était une sorte de mail
dont l'accès n'était pas uniquement réservé aux
personnages de la cour, mais où les bourgeois de
Paris pouvaient se montrer, à la condition de n'être
ni en «habits de liretaine, ni en bas de laine noire
ou chaperon de drap ».
Ce fut seulement vers 1670, que l'on planta la
grande allée du Houle, dite, depuis, l'avenue des
Champs-Elysées, dont l'éclat devait être très brillant
dès le xvuie siècle, avec les magniliques jardins
que les hôtels du faubourg Saint-Ilonoré projetaient
vers la nouvelle promenade et ces lieux de plaisir
En 1831, à l'endroit même où débouche le tunnel
desservant les chantiers des Palais des F>eaux-Arts,
on voit s'ouvrir au Cours-Ia-Reine les concerts que
Philippe Musard, premier du nom, créa à Paris
après la révolution de Juillet. Ce musicien est resté
comme un type légendaire. Il était né en 1792, et
fut soliste cor dans un des régiments de la Garde
impériale. Il fit en ces qualités les campagnes d'Al-
lemagne et d'Espagne.
Après la chute de Napoléon 1er, il passa en An-
gleterre, où il ne tarda pas à devenir chef d'orches-
tre des bals de la cour, au service de Georges IV.
Ayant faitfortune, il vint fonderau Cours la Reine
les concerts-promenades qui, sous sa direction, ob-
tinrent une grande vogue. Philippe Musard ne
borna point làcependantson ambition et, en 1840,
il fut appelé à dirigerles bals de l'Opéra. Sa popu-
7. cvAu. k .
Au Cours-la-Reine. — Le débouché du tunnel dans les chantiers des Champs-Elysées.
caractère élégant de ces deux magnifiques prome-
nades et les rendre impraticables.
Elle craignait, aussi, de laisser saccager les beaux
arbres des quinconces entourant le Palais de l'In-
dustrie. La surprise a donc été très agréable pour
elle de constater que la direction de l'Exposition
tenait à honneur de remplir les engagements con-
tractés vis-à-vis d'elle.
Vous avez beau faire le tour des élégantes palis-
sades qui enserrent les chantiers de construction,
leur clôture ne laisse point percer le secret de ces.
travaux d'exécution magique. Pour le connaître, il
vous suffira de lireV Exposition de Paris, et ses colla-
borateurs techniques vous diront les services rendus
aux architectes et aux entrepreneurs par le tunnel
qui relie les chantiers des bas-ports de la Seine et
assure, par celte voie, l'évacuation des déblais et
l'apport des matériaux de construction. Mon rôle
se bornera à vous donner quelques indications his-
toriques sur ce Cours-la-Reine, qui va devenir le
véritable boulevard de l'Exposition de 1900.
Exp.
connus sous le nom de Folie-Marbcuf, Colysée et
Folie-Beaujon.
Le Cours-la-Reine, où Marie de Médicis se pro-
menait dans un coche à forme ronde, vit circuler
le premier carrosse fermé de glaces, dans lequel le
comte de Bassompierre lit sensation. Je crois que la
première voiture automobile n'obtint pas de nos
jours un pareil succès. Plus lard, malgré la con-
currence des Champs-Elysées, la vogue de l'an-
cienne promenade se maintient; puis Charles X
concède le tout à la Ville de Paris, à charge par
elle de procéder à des embellissements évalués fas-
tueusement à 2 300 000 francs.
Cette prise de possession par la Ville de Paris
marque une phase nouvelle. La viabilité des deux
promenades va s'améliorer dans des proportions
considérables, et le Cours-la-Reine sera le chemin
par lequel la jeunesse dorée se rendra à l'allée des
Veuves, devenue aujourd'hui avenue Montaigne,
où s'élevaient le fameux bal Mabille et le Château
des fleurs.
larité ne connutalors plus de bornes et nul homme
' ne fut plus souvent porté en triomphe que l'auteur
du Galop infernal, à qui tous les moyens étaient
bons pour provoquer, au point de vue musical et
chorégraphique, la fantaisie la plus échevelée.
Philippe Musard abandonna la partie en 1855,
lorsque les bals de l'Opéra devinrent une entre-
prise concédée par l'État. C'était l'époque de la
première Exposition Universelle ; le Palais de l'In-
dustrie venait d'être élevé, transformant encore
une fois le Cours-la-Reine et les Champs-Elysées,
peuplant ces derniers de théâtres, de cafés, de par-
terres, de jets d'eau. Alfred Musard succéda alors
à son père. Ses bals du Jardin d'hiver firent môme
pendant cette première Exposition une sérieuse
concurrence à ceux de l'Opéra, et de cette époque
date la Tulipe orageuse, quadrille endiablé, digne
pendant du galop paternel.
En 1859, aprèsune tournée triomphale aux Etats-
Unis, Alfred Musard répondit à l'appel de MM. Dar-
tois et Besseliève, qui reconstituèrent les concerts