Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' Exposition de Paris (1900) (Band 1) — Paris, 1900

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.1358#0189
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
N° 21.

L'EXPOSITION DE PARIS

461

LES GRANDES ATTRACTIONS

LA COUR DES MIRACLES

A côté de l'Exposition proprement dite et de
ses attractions, officielles ou privées, s'annoncent
déjà de nombreux établissements qui serviront,
pour ainsi dire, d'annexés à la grande solennité
l'estivale de 1900. L'espace limité, attribué au
Champs-de-Mars aux entreprises d'ordre privé,
a forcé nombre de promoteurs de projets analo-
gues à chercher aux environs de l'Exposition des
terrains propres à recevoir leurs constructions. On
se rappelle que, en 1889, le semblable fait se pré-
senta et que les alentours de l'Exposition se peu-
plèrent d'exhibitions plus ou moins réussies. Le
succès de ces établissements fut très inégal, et
quelques-uns étaient morts, pour ainsi dire, avant
qu'ils n'eussent vécu. 11 faut qu'une idée soit par-
ticulièrement heureuse et nouvelle, qu'elle soit
adroitement et habilement présentée pour réussir
dans une année d'Exposition, alors que des con-
currences nombreuses et ardentes se dressent de
toutes parts. Il faut tenir compte aussi du caprice
du public, dont les dédains ou les engouements
bravent souvent les probabilités les mieux établies

les petits gagne-denier de la rue, les chanteurs
ambulants; puis c'était une évasion dramatique :
un malheureux prisonnier qui se sauvait de la Bas-
tille et dont on contemplait la.fuite mouvementée,
de toiture en toiture, sous la poursuite des geôliers
et des exempts.

L'accueil empressé fait par le public à la recons-
titution de la Bastille, éveilla des concurrences,
qui s'ingénièrent à rebâtir toutes les vieilles pri-
sons. Depuis la tour du Temple jusqu'au grand
Chàtelet, les geôles de l'ancien régime se dressè-
rent de nouveau, avec leurs locataires d'autrefois,
guichetiers, tortionnaires et infortunés prison-
niers. Mais le public avait épuisé sur la Bastille
toute lasomme de curiosité dont il pouvait disposer
à l'égard des prisons
reconstruites. Les
exhibitions qui s'é-
taient élevées à la
suite de celles de
M. Colibert, ne vi-
rent que peu de visi-
teurs.

Cependant les re-
consti tutions de
vieilles cités, la figu-
ration en grandeur

la nuit venue, pour y compter leurs recettes et
pour se livrer à des divertissements plus ou moins
honnêtes. Ces endroits étaient bien nommés, car
il s'y produisait, chaque soir, les miracles les plus
surprenants : les bossus se redressaient; les man-
chots retrouvaient des bras parfaitement valides;
les béquillards dansaient, sans broncher, de tout
leur cœur; et les blessures les plus affreuses s'y
guérissaient en un clin d'œil, quittes à reparaître
le lendemain.

Les Cours des Miracles étaient nombreuses à
Paris. Sauvai en cite une dizaine, disséminées par-
ci, par-là dans la ville; la plus célèbre, la plus im-
portante de ces cités pittoresques était celle dont
un minime fragment perpétue encore le nom.

xïiïï7ii.He«~'1>*»*-<*

La Cour des Miracles. — Vue générale, prise du haut de l'enceinte fortifiée, avec scène de tournoi

sur la grande place.

et les raisonnements les plus sûrs. Ce caprice,
c'est l'aléa le plus redoutable de toutes les tenta-
tives de ce genre.

En 1900, les alentours du Champ-de-Mars rece-
vront leur contingent d'exhibitions, selon la tradi-
tion. Le mouvement se dessine déjà; ce fut la
Grande Roue de Paris qui a commencé ; voici la
Cour des Miracles qui ouvrira ses portes, avenue de
Suffren en avril prochain. On se rappelle, en 1889,
le succès qui accueillit la reconstitution de la
Bastille et du quartier Saint-Antoine, au siècle
dernier. Cette reconstitution était l'œuvre d'un
architecte, M. Colibert, élève de Viollet-le-Duc,
qui, en digne émule de son maître, s'est fait
une spécialité de l'étude de nos vieux arts français.
La Bastille et les quartiers qui l'entouraient revi-
vaient dans leurs dimensions exactes, avec les
boutiques ouvertes, les marchandes accueillantes,
les ouvriers au travail, les soldats en patrouille,
Exp. 1.

naturelle deshabitationssi pittoresques d'autrefois,
n'ont pas cessé d'intéresser les foules, et ce goût est
commun à tous les pays; il n'est pas une exposition
qui se soit ouverte, en ces dernières années, sans
qu'un coin, plus ou moins développé, n'ait été con-
sacré à l'édification d'un souvenir des habitations
disparues; parfois même, comme à Buda-Pesth,
ces reconstitutions ont eu un caractère officiel, et
ont été construites sous l'initiative du gouverne-
ment.

M. Colibert, avec l'expérience que lui donnent
ses travaux antérieurs, a voulu figurer sous les
yeux des Parisiens et des visiteurs de l'Exposition
de 1900, un tableau fidèle de la vie, des mœurs
d'autrefois, replacées dans un.milieu irréprocha-
blement exact. Il a pris comme époque lexv6 siè-
cle, et comme lieu où se passeront les scènes, la
Cour des Miracles. On désignait sous ce nom, les
coins écartés où tous les mendiants se réfugiaient,

Parade de truands et de bateleurs, devant
la poterne d'entrée.

Elle avait son entrée rue Neuve-Saint-Sauveur et
s'étendait entre le cul-de-sac de l'Étoile, les rues
deDamiette et des Forges. La rue Saint-Sauveur
est aujourd'hui la rue du Nil ; au xve siècle, elle
s'appelait rue de la Corderie et les cordiers
y filaient leurs cordes en plein air. Il y a quel-
ques années encore, on retrouvait un souvenir
du vieux quartier et de la population de malan-
drins qui l'occupaient, dans la rue des Filles-Dieu,
dont la pioche des démolisseurs a fait justice.
L'impasse de la Grosse-Tète, qui s'ouvrait par là,
portait ce nom depuis 1341.

Sauvai fait, sous le règne de Louis XIV, une
description fort pittoresque de cet endroit, où
s'était réfugié tout ce qui vivait, à Paris, de gueu-
serie, de vols et de méfaits de tous genres. La Cour
des Miracles consistait en une énorme place qui
aboutissait à un grand cul-de-sac. Cet espace était
entouré de maisons fort anciennes, assez mal en-
tretenues d'ailleurs, et qui s'étayeaient mutuelle-
ment les unes sur les autres, pour ne pas s'écrou-
Mer de vétusté. Là dedans vivaient, dans une
promiscuité complète, des ménages, agrémentés
d'enfants légitimes, naturels ou dérobés, en foule
innombrable. Tout ce monde se tenait en joie,
parait-il, car la nuit venue, c'était une bombance
perpétuelle. « C'était une des lois fondamentales
de la Cour des Miracles, dit Sauvai, de ne rien
garder pour le lendemain. » On ne connaissait en
cet endroit ni foi ni loi, ajoute le chroniqueur; on
méprisait le baptême, le mariage et les divers sa-
crements, et cependant ces gens semblaient avoir
gardé comme un sentiment religieux, car ayant
volé une statue de Dieu le Père dans une église,
ils l'érigèrent en bonne place, dans leur cour, et,
de temps en temps, ils lui rendaient un semblant
de culte. Pourles femmes qui habitaient dans l'en-
droit, elles exerçaient, toutes les professions pos-
sibles, parmi lesquelles peu d'avouables. Cette po-
pulation, à la moindre apparition de la police, se
retranchait, fermait ses issues; les archers ouïe

£1
 
Annotationen