L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,1.1900/1901)

L'ART DECORATIF

des seuls travaux qui nous occupent une place
aussi importante dans ses vitrines, c'est qu'il n'y
a pas seulement question de mode, mais réelle-
ment mouvement caractéristique. Et l'effet est
d'autant plus sensible qu'elle accordait un em-
placement considérable à sa production rétro-
spective. Cela permettait déjuger plus nettement
toute une série de plats d'une forme très
adoucie, assiettes à gâteaux à décor végétal
estampées donnant l'accent de la ciselure, mais
où la recherche était infiniment heureuse,
comme ses fleurs de pêcher formant appliques
et dont le linéament trace un marli insensible ;
de grands plateaux bien en mains, et de couverts
de table ne prenant leur décor que dans le
croisement des lignes et la disposition moins
médiane de la spatule.
Le surtout de table exposé par M. Car-
deilhac a retenu tous les examens*. Et de
l'avis unanime, c'était le groupement le mieux
entendu de l'orfèvrerie exposée. La forme basse
et bien d'aplomb du surtout et de la jardinière,
compensée par le bouquet plus trapu des flam-


PROF. NOVAK (PRAGUE) CHANDELIER (BRONZE CISELÉ)

beaux et l'interposition des coupes à fruits
laisse le mouvement libre pour toutes les pièces
du service, comme il permet à chaque invité de
voir l'ensemble harmonieux des cristaux, des
fleurs, du linge apaisé, et de jouir en un mot du
luxe du décor, sans être tenu à des souvenirs
archaïques. A une époque où l'orfèvrerie alter-
nait entre les curiosités de la petite sculpture
appliquée et les reconstitutions des anciens
styles, l'atelier Cardeilhac se maintenait à une
réputation très sérieuse par le soin qu'il ap-
portait à toutes les pièces de table. Sa coutellerie
est connue dans l'Europe entière et les spéci-
mens en sont aisément reconnaissables. Ce
même soin, il l'a apporté à toutes les œuvres
de grosserie, et les cafetières comme les légu-
miers, les chocolatières, les soupières, la platerie
sont vraiment des œuvres de la recherche la
plus moderne et la plus séante qui soit. Le
mouvement floral a fourni les décors admirable-
ment appropriés à chacune des formes, sans en
compromettre ni l'assise ni la ligne. Les photo-
graphies des différents objets que nous reprodui-
sons indiquent la supérieure entente de ces
orfèvreries, dont tous les galbes, les contours et
les très beaux plans décoratifs ont été trouvés
et dessinés par M. Bonvalet, un véritable artiste
dont les cartons seront à rechercher.
Les étains, qui avaient pris une importance
exceptionnelle, semblent, par suite d'une trans-
formation de fabrication (l'emploi du zinc au
lieu d'étain), avoir abdiqué le rôle qu'ils se pré-
paraient à jouer, et sauf les œuvres de deux ou
trois personnalités, dontM.Brateau, neparaissent
plus devoir compter désormais — à moins d'une
révolution — dans la nomenclature de l'or-
fèvrerie. Pourtant bien des artistes qui en ont
usé et qui ont montré des numéros intéressants
ont eu le tort de ne pas se rendre compte de la
différence des métaux, en utilisant leur première
pratique. C'est ainsi que M. Alexandre Char-
pentier, qui a fait un broc à champagne, avec
garniture de vigne — parce que les surfaces à
décorer ne sont pas différentes en aspect dans
l'argent et dans l'étain — n'a pas su retrouver
la même formule dans une carafe dont l'anse,
extrêmement excentrique, ne permet pas de
verser le liquide d'une manière satisfaisante, à
moins d'avoir des doigts qui s'incrustent dans
la matière.
Cette légère hérésie ne se retrouve plus
dans les pièces de la maison Boucheron
* Reproduit dans DAofY?///) août 1900.

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