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palais communal h Mais en 1535—47, époque de l’élévation de l’hôtel de la
Régence, à Ensisheim, cette maison faisait déjà partie de l’hôtel de ville de
Bâle et on était juste en train d’aménager, pour les bureaux du Rathaus,
ceux de ses locaux qui longaient la cour, du côté gauche. Si, comme je le
crois, l’architecte d’Ensisheim se laissa inspirer par l’hôtel de ville de Bâle,
il a dû le connaître dans son état postérieur à l’agrandissement de 1527 et
au moment des transformations des années 1530. C’est à cette époque seule-
ment qu’il a pu lui emprunter simultanément les deux parties de la façade
principale (partie gauche, sans arcades, partie droite, avec le portique), son
aile gauche en retour d’équerre et surtout — preuve plus évidente — le
portail renaissance de la salle du conseil (fig. 53) qui offre la plus grande
ressemblance avec une œuvre analogue à Bâle, le portail de 1539, qui servait
également d’entrée à la salle du conseil (moins le fronton, avec les ani-
maux héraldiques des armoiries de Bâle qui n’auraient pas de raison d’être
à Ensisheim1 2) (fig. 54). Le rapprochement des deux portails est surtout
précieux parce qu’il s’agit d’un motif exceptionnel ; à l’époque où nous
nous plaçons, l’allure antiquisante des deux portails en fait des exemples
uniques de l’art classique monumental, en Suisse comme en Alsace. Les cri-
tiques de l’art suisse sont unanimes pour reconnaître, dans les portails de
1535 de 1539 de Bâle, les plus anciens morceaux d’architecture renais-
sance réalisés dans le pays 3. Tandis qu’en Alsace, la plus avancée des œuvres
d’architecture renaissance, avant 1540, l’hôtel Ebersmünster à Sélestat,
montre une ordonnance toute différente et un goût du pittoresque qui est
bien plus éloigné du classique que les portails de Bâle et d’Ensisheim4.
D’autres points de ressemblance entre les deux édifices semblent corro-
borer notre hypothèse. On a remarqué, avec surprise, que l’édifice d’Ensis-
heim ne suivait pas la majorité des monuments civils de son époque et, au
lieu de la toiture à deux versants placée entre deux frontons, portait un toit
à quatre pentes 5. Cette particularité s’expliquerait si l’on admettait l’in-
1 Burckhardt et Wackernagel, 0. c., 11—12. D’après ces auteurs, la façade de l’im-
meuble ajouté à l’hôtel de ville de 1504—-1513 ne reçut son aspect actuel qu’en 1606—-7.
Les documents rendent cette hypothèse probable, mais ne la prouvent pas. Il est curieux
toutefois que l’architecte d’Ensisheim n’adopte pas la même ordonnance de façade pour la
partie gauche de son édifice.
2 Le portail d’Ensisheim a été défiguré postérieurement, probablement pour aménager
une porte trop grande : on voit en effet que les chapiteaux ont été coupés du côté
intérieur. La même occasion a dû faire disparaître cet arc qui, à Bâle, relie les pilastres
sous l’architrave.
3 G. Schneeli, Renaissance in der Schweiz, Munich, 1896, 131. Martin Wackernagel,
0. c., 56.
4 Hoeber, 0. c., 16 sq., fig. 12.
5 Dehio, Handbuch der deutschen Kunstdenkmdler, IV, 80.
palais communal h Mais en 1535—47, époque de l’élévation de l’hôtel de la
Régence, à Ensisheim, cette maison faisait déjà partie de l’hôtel de ville de
Bâle et on était juste en train d’aménager, pour les bureaux du Rathaus,
ceux de ses locaux qui longaient la cour, du côté gauche. Si, comme je le
crois, l’architecte d’Ensisheim se laissa inspirer par l’hôtel de ville de Bâle,
il a dû le connaître dans son état postérieur à l’agrandissement de 1527 et
au moment des transformations des années 1530. C’est à cette époque seule-
ment qu’il a pu lui emprunter simultanément les deux parties de la façade
principale (partie gauche, sans arcades, partie droite, avec le portique), son
aile gauche en retour d’équerre et surtout — preuve plus évidente — le
portail renaissance de la salle du conseil (fig. 53) qui offre la plus grande
ressemblance avec une œuvre analogue à Bâle, le portail de 1539, qui servait
également d’entrée à la salle du conseil (moins le fronton, avec les ani-
maux héraldiques des armoiries de Bâle qui n’auraient pas de raison d’être
à Ensisheim1 2) (fig. 54). Le rapprochement des deux portails est surtout
précieux parce qu’il s’agit d’un motif exceptionnel ; à l’époque où nous
nous plaçons, l’allure antiquisante des deux portails en fait des exemples
uniques de l’art classique monumental, en Suisse comme en Alsace. Les cri-
tiques de l’art suisse sont unanimes pour reconnaître, dans les portails de
1535 de 1539 de Bâle, les plus anciens morceaux d’architecture renais-
sance réalisés dans le pays 3. Tandis qu’en Alsace, la plus avancée des œuvres
d’architecture renaissance, avant 1540, l’hôtel Ebersmünster à Sélestat,
montre une ordonnance toute différente et un goût du pittoresque qui est
bien plus éloigné du classique que les portails de Bâle et d’Ensisheim4.
D’autres points de ressemblance entre les deux édifices semblent corro-
borer notre hypothèse. On a remarqué, avec surprise, que l’édifice d’Ensis-
heim ne suivait pas la majorité des monuments civils de son époque et, au
lieu de la toiture à deux versants placée entre deux frontons, portait un toit
à quatre pentes 5. Cette particularité s’expliquerait si l’on admettait l’in-
1 Burckhardt et Wackernagel, 0. c., 11—12. D’après ces auteurs, la façade de l’im-
meuble ajouté à l’hôtel de ville de 1504—-1513 ne reçut son aspect actuel qu’en 1606—-7.
Les documents rendent cette hypothèse probable, mais ne la prouvent pas. Il est curieux
toutefois que l’architecte d’Ensisheim n’adopte pas la même ordonnance de façade pour la
partie gauche de son édifice.
2 Le portail d’Ensisheim a été défiguré postérieurement, probablement pour aménager
une porte trop grande : on voit en effet que les chapiteaux ont été coupés du côté
intérieur. La même occasion a dû faire disparaître cet arc qui, à Bâle, relie les pilastres
sous l’architrave.
3 G. Schneeli, Renaissance in der Schweiz, Munich, 1896, 131. Martin Wackernagel,
0. c., 56.
4 Hoeber, 0. c., 16 sq., fig. 12.
5 Dehio, Handbuch der deutschen Kunstdenkmdler, IV, 80.