JUILLET 1899
M. G. Munch doit être compté comme ât-
tiste décadent. 11 reprësente dans l'art la
décadence du Nord, comme son compatriote
Ibsen la représente au thédtre.
C'est du reste le côté littëraire qui donne
aux fantaisies de M. Munch une grande partie
de leur intérêt. 11 est sans doute dangereux
d'introduire dans l'art des moyens qui ne soient
pas exclusivement de son ressort ; rnais celà
n'empêche pas que M. Munch aie su trouver
des ehets essentiellement décoratifs par l'ondu-
lation de ses lignes et la distribution de ses
surfaces. 11 est dësordonné, manque de tradition,
s'oublie même parfois — ce qui n'arrive jamais
à Lautrec, autre décadent, chez qui la psychologie
est toujours la conséquence dëduite par le spec-
tateur, jamais la cause assignée par l'auteur à
son œuvre; — rnais il ajoute à i'art une note
qui n'est pas moins de notre
tenips que l'ironie de l'autrc.
]\t. G.
Quoiqu'il soit toujours agré-
able de sc voir dcvenir cé-
lèbre en queiques mois, il
n'est pas sûr que M"'^ Sarah
Bcrnhardt aie rendu scrvice
à M. Mucha en iaisant de lui
l'ahlchistc à la mode. Avatit,
M. Mucha était mieux que le
dcssinateur corrcct et maitre
de son crayon qu'on recon-
nait dans les études qu'il a
bien voulu nous permettre de
reproduire ; il y avait en lui
un peintre romantique et un
illustrateur de premier ordre dont le talent rap-
pelait par certains côtés Gustave Doré. L'engoue-
ment de la grande tragédienne pour l'artiste,
qu'elle semble n'avoir vu que du petit côté de
la lorgnette, nous vaut, au lieu de celà, une
série d'afhches et de panneaux dëcoratifs d'une
valeur contestable, au bout de laquelle nous
ne sommes pas. Evidemment on y retrouve
les qualités à la fois élëgantes et dramatiques
de M. Mucha dans le dessin des hgures, mais
il est difhcile de découvrir dans leur dëtail touhu
ce qu'on cherche de sain et de vigoureux en
un décor moderne. Le décor de M. Mucha
porte plutôt l'empreinte de cette sorte de fati-
gue caractérisant l'art byzantin, qui semble
du reste l'avoir inhuencé depuis que son afhche
de yA<r<?/7<?r<r l'a mis en contact avec lui; quant
à la couleur, elle n'atteint la douceur qu'en
côtoyant la mièvrerie. Celà n'a pas le mordant
que veut l'afhche, et c'est trop afhche pour
être de bon dëcor d'intérieur. On pouvait
attendre mieux de l'habileté de M. Mucha. R.
L'esprit de modernisme dans l'art ne s'est
inhltré à Vienne que beaucoup plus tard qu'en
France et qu'en Allemagne. Les Viennois
n'ont pas le tempërament voyageur des Alle-
mands du Nord; ils se trouvent bien chez
eux — en quoi ils n'ont pas tort, car on y
vit fort agréablement — et ne demandent pas
plus. Aussi, avec un esprit nullement rétif au
progrès, au contraire vif et plein d'entrain, les
Viennois viennent-ils souvent bons derniers dans
le chemin des innovations. En revanche, une
fois en train, ils rattrapent vite les autres.
Témoin les œuvres de M. Koloman Moser,
un de leurs jeunes artistes et chef du mouve-
ment moderniste dans la capitale de l'Autriche.
Elles sont bien de leur ternps, malgrë les traces
classiques qu'on y retrouve, et qui les rap-
prochent plus du goût français que les œuvres
anglo-saxonnes et allemandes.
La frise des porteuses de
couronnes, que nous reprodui-
sons, décore le palais de la
Sécession (société des artistes
dissidents de Vienne); c'est
un morceau plein de grâce,
dont l'apparition a fait évène-
ment dans le monde des arts
à Vienne. Les dessins d'ëtoffes
ohfent de jolis arrangements,
et dans les dessins à la plume,
la fantaisie de l'artiste ne sa-
crihe nulle part le naturel et le
bon goût au besoin d'orginalité.
M. Koloman Moser n'en est
pas encore à la phase du talent
où la personnalité s'accuse; ses
dessins sont jusqu'ici un peu ceux de tout le
monde. Mais s'il possède la force qui peut
seule faire conquërir roriginalité, celle-ci sera
de bon aloi.
Les pastels de M*"° E. Mediz-Pelikan dont
nous reproduisons plusieurs ont été exposés
récemment à Munich. 11s sont traitës largement
et dans un esprit dëcoratif. Le Æ?/7As7
(II, N° io) vient de publier à leur sujet un
article de M. H. Obrist où sont analysëes les
belles qualités de ces œuvres.
Dans le meuble d'antichambre de M. Fagnen
que nous reproduisons, on aperçoit les traces
de procëdës par lesquels beaucoup de dessinateurs
ont cherché à donner de l'intérêt au rneuble
depuis quelques années : la subdivision des
organes en plusieurs branches et le dëcoupage.
C'est une erreur dont M. Fagnen — un très-
jeune architecte — reviendra certainement, car
on trouve d'autre part dans son meuble un
KOLOMAN MOSER à VfENNE
DEUX CARPETTES DE FOYER
M7
M. G. Munch doit être compté comme ât-
tiste décadent. 11 reprësente dans l'art la
décadence du Nord, comme son compatriote
Ibsen la représente au thédtre.
C'est du reste le côté littëraire qui donne
aux fantaisies de M. Munch une grande partie
de leur intérêt. 11 est sans doute dangereux
d'introduire dans l'art des moyens qui ne soient
pas exclusivement de son ressort ; rnais celà
n'empêche pas que M. Munch aie su trouver
des ehets essentiellement décoratifs par l'ondu-
lation de ses lignes et la distribution de ses
surfaces. 11 est dësordonné, manque de tradition,
s'oublie même parfois — ce qui n'arrive jamais
à Lautrec, autre décadent, chez qui la psychologie
est toujours la conséquence dëduite par le spec-
tateur, jamais la cause assignée par l'auteur à
son œuvre; — rnais il ajoute à i'art une note
qui n'est pas moins de notre
tenips que l'ironie de l'autrc.
]\t. G.
Quoiqu'il soit toujours agré-
able de sc voir dcvenir cé-
lèbre en queiques mois, il
n'est pas sûr que M"'^ Sarah
Bcrnhardt aie rendu scrvice
à M. Mucha en iaisant de lui
l'ahlchistc à la mode. Avatit,
M. Mucha était mieux que le
dcssinateur corrcct et maitre
de son crayon qu'on recon-
nait dans les études qu'il a
bien voulu nous permettre de
reproduire ; il y avait en lui
un peintre romantique et un
illustrateur de premier ordre dont le talent rap-
pelait par certains côtés Gustave Doré. L'engoue-
ment de la grande tragédienne pour l'artiste,
qu'elle semble n'avoir vu que du petit côté de
la lorgnette, nous vaut, au lieu de celà, une
série d'afhches et de panneaux dëcoratifs d'une
valeur contestable, au bout de laquelle nous
ne sommes pas. Evidemment on y retrouve
les qualités à la fois élëgantes et dramatiques
de M. Mucha dans le dessin des hgures, mais
il est difhcile de découvrir dans leur dëtail touhu
ce qu'on cherche de sain et de vigoureux en
un décor moderne. Le décor de M. Mucha
porte plutôt l'empreinte de cette sorte de fati-
gue caractérisant l'art byzantin, qui semble
du reste l'avoir inhuencé depuis que son afhche
de yA<r<?/7<?r<r l'a mis en contact avec lui; quant
à la couleur, elle n'atteint la douceur qu'en
côtoyant la mièvrerie. Celà n'a pas le mordant
que veut l'afhche, et c'est trop afhche pour
être de bon dëcor d'intérieur. On pouvait
attendre mieux de l'habileté de M. Mucha. R.
L'esprit de modernisme dans l'art ne s'est
inhltré à Vienne que beaucoup plus tard qu'en
France et qu'en Allemagne. Les Viennois
n'ont pas le tempërament voyageur des Alle-
mands du Nord; ils se trouvent bien chez
eux — en quoi ils n'ont pas tort, car on y
vit fort agréablement — et ne demandent pas
plus. Aussi, avec un esprit nullement rétif au
progrès, au contraire vif et plein d'entrain, les
Viennois viennent-ils souvent bons derniers dans
le chemin des innovations. En revanche, une
fois en train, ils rattrapent vite les autres.
Témoin les œuvres de M. Koloman Moser,
un de leurs jeunes artistes et chef du mouve-
ment moderniste dans la capitale de l'Autriche.
Elles sont bien de leur ternps, malgrë les traces
classiques qu'on y retrouve, et qui les rap-
prochent plus du goût français que les œuvres
anglo-saxonnes et allemandes.
La frise des porteuses de
couronnes, que nous reprodui-
sons, décore le palais de la
Sécession (société des artistes
dissidents de Vienne); c'est
un morceau plein de grâce,
dont l'apparition a fait évène-
ment dans le monde des arts
à Vienne. Les dessins d'ëtoffes
ohfent de jolis arrangements,
et dans les dessins à la plume,
la fantaisie de l'artiste ne sa-
crihe nulle part le naturel et le
bon goût au besoin d'orginalité.
M. Koloman Moser n'en est
pas encore à la phase du talent
où la personnalité s'accuse; ses
dessins sont jusqu'ici un peu ceux de tout le
monde. Mais s'il possède la force qui peut
seule faire conquërir roriginalité, celle-ci sera
de bon aloi.
Les pastels de M*"° E. Mediz-Pelikan dont
nous reproduisons plusieurs ont été exposés
récemment à Munich. 11s sont traitës largement
et dans un esprit dëcoratif. Le Æ?/7As7
(II, N° io) vient de publier à leur sujet un
article de M. H. Obrist où sont analysëes les
belles qualités de ces œuvres.
Dans le meuble d'antichambre de M. Fagnen
que nous reproduisons, on aperçoit les traces
de procëdës par lesquels beaucoup de dessinateurs
ont cherché à donner de l'intérêt au rneuble
depuis quelques années : la subdivision des
organes en plusieurs branches et le dëcoupage.
C'est une erreur dont M. Fagnen — un très-
jeune architecte — reviendra certainement, car
on trouve d'autre part dans son meuble un
KOLOMAN MOSER à VfENNE
DEUX CARPETTES DE FOYER
M7