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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

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No. 15 (Décembre 1899)
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Reboux, Paul: André Morisset
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https://doi.org/10.11588/diglit.34203#0125

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DÉCEMBRE 1899 <^5-

composa tiennent à ce que ces fils possédaient
une couleur propre qui, s'unissant à la couleur
des hls de trame, formait un ensemble vibrant
et lumineux.
En somme, c'était l'application du pointillisme
élémentaire.
Mais ce procédé est invariablement repoussé
par les fabricants français. «On ne peut obtenir
ainsi des modelés précis et simulateurs de la
nature. Un lys se trouve être blanc dans la
lumière et mauve ou verdâtre dans l'ombre,
au lieu d'être simplement gris.» Telle est leur
objection. Et ils se contentent de petits Remettes,
de petits bouquets grossièrement imités, de
petits tableaux, de petits motifs de chevalet,
sans se rendre compte de l'effet produit par
la multiplication du sujet et l'application murale.
Qu'arrive-t-il alors? — que chez lui le client
a sous les yeux non plus trois ou quatre mais
deux mille petits bouquets papillotant aux parois
de sa chambre; c'est hallucinant. Il semble qu'un
cours d'aquarelle et de gouache pour jeunes
hiles ait fait tout entier irruption dans le logis,
puis s'en soit allé, laissant du haut en bas des
murs la trace désastreuse de son passage. Impos-
sible de rien suspendre la-dessus. Les objets se
confondent, les dessins se brouillent, la peinture
s'éteint.
Pourtant le public achète. Quoi d'étonnant?
on lui affirme que c'est de ITart nouveau».
Et qu'arrive-t-il alors? Les dessinateurs origi-
naux vont porter leurs oeuvres aux maisons
anglaises ou allemandes qui les achètent sans
tarder, si bien que plusieurs des tissus et papiers
fournis par Liberty et Maple sont composés ici
par des artistes français. A qui va la gloire
d'une innovation? aux autres. A qui le dés-
honneur d'être retardataires? A nous.
Et ce serait si facile de réformer le goût
sans violence, au lieu d'immobiliser le public
en battant ses habitudes ! On pourrait si bien
Ramener à un art contemporain qui serait
respectueux des traditions précisément parcequ'il
ne les plagierait pas! Cette ascension se ferait
méthodique et progressive. Pour atteindre à
l'art pur, la foule a toujours besoin de passer
par des degrés intermédiaires qui sont les marches
du temple.
Obéissant à son pur instinct, Morisset se
libéra bientôt de toute contrainte. Il revint à
ses travaux d'autrefois, mais d'une âme mûrie
et modifiée. Jadis il avait cru trouver dans la
représentation scrupuleuse des éléments décoratifs
tels qu'ils existent naturellement le secret de
l'ornementation murale. Il dessinait amoureuse-
ment les lignes, indiquait tous les modelés,
reproduisait tous les détails. L'imperfection de

ce procédé lui apparut bientôt. Il renonça même
à introduire des formes vraies dans un milieu
conventionnel. Genre bâtard : effet équivoque.
Il en arriva à la convention pure et simple.
Là était sa voie. Toutes ses œuvres ainsi conçues
portent le témoignage d'un talent créateur et
volontaire.
Son respect pour la nature ne s'en amoindrit
pas. Dans ses conceptions, même les plus
fantaisistes, jamais le caractère primitif n'est
abandonné. Il accentue la symétrie et même
la rigidité si la plante l'exprime déjà, ou au
contraire la flexibilité si elle présente cette
tendance. Il affirme les mouvements seulement
ébauchés et conserve à chaque heur ses accents
intimes et personnels. Bref, c'est toujours dans
le sens de la nature que se font ses stylisations.
Je l'ai parfois entendu s'indigner en voyant
cette faute si souvent commise qui consiste à
faire fleurir un lys au sommet d'une tige courbe
ou à donner une tige droite à un chèvrefeuille.
La hore présente assez de choix pour que soient
facilement évitables ces contre-sens injurieux à
tous ceux qui, comme lui, sont des hdèles de
la nature.
Si la connaissance approfondie de la botanique
lui permet de décider la forme essentielle de
chaque sujet, son sens artistique très vif l'incline
à en ordonner excellemment le groupement et
la coloration.
Même à distance, la vision de ses papiers est
facile. Ils se lisent tout de suite et sans con-
fusion. Les détails sont scrupuleux, mais
l'ensemble décoratif. Le parti est toujours
franchement adopté, tout s'y trouve à sa pro-
portion comme à sa place, les répétitions s'y
font d'un rythme harmonieux et charmant.
Après avoir longtemps cherché des accords
de couleurs très différentes, André Morisset s'est
arrêté aujourd'hui à un ton-sur-ton rigoureux.
Certes il se prive ainsi d'une grande ressource.
Quelques-unes de ses compositions ressemblent
à des gammes régulières plus qu'à des mélodies.
Mais quel charme s'en dégage! — Le camaïeu,
en matière décorative, est un grand point de
désaccord. Il a la monotonie, mais il a la douceur.
Il est le rêve, mais par là même il est le
repos et la sérénité. Dans un tableau, la
recherche d'une enchromie composite peut être
exigible. Or un papier, une étoffe ne sauraient
etre assimilés à un tableau. Ce qui est vrai
pour l'un est faux pour les autres. Le tableau
est un tout; papiers et tentures ne sont que
des fonds. Ils accompagnent et enveloppent les
petits faits de notre vie quotidienne comme les
vêtements couvrent nos corps. — Et le bon
goût d'un ameublement, le -xchic» d'une toilette
sont toujours assurés quand celui qui les combine

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