L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,1.1900/1901)

L'ART DÉCORATIF

lignes et de tons devait convenir à peu près
partout. Brefj ils travaillèrent en peintres de
tableaux plutôt qu'en décorateurs et, plus
soucieux de faire neufj même par des moyens
irrationnels, que d'ouvrer en artistes, ils rê-
vèrent de créer un style avant de se mettre en
état de créer un motif. D'où ces décors bizarres,
sans équilibre ni logique, et nullement à l'échelle,
qui stupéfièrent ou affligèrent les gens de goût.
On vit surgir des iris à têtes phénoménales,
des orchidées en délire, des rosacées hydro-
piques, des azalées à masque de grossesse, des
chrysanthèmes à tignasses de Papous, des joncs
menaçants comme la bonne lance de Priam,
des fleurettes champêtres aux allures d'esthètes
prétentieux, toute une végétation qui paraissait
vue à travers des lentilles déformatrices ou
empruntée à la nature antédiluvienne. Et des
orchestrations de teintes congestionnées ou
piteusement anémiées ajoutaient au caractère
morbide des linéaments.

Néanmoins, telles étaient la lassitude des
uns et la néophilie des autres qu'il y eut, dans
le public, une minute d'engouement, comique
en son lyrisme, pour cette production hyper-
bolique. Des inepties furent acclamées comme
des audaces. De bons esprits arrivèrent par
auto-suggestion à goûter quelque joie devant
des décors dont les formes hypertrophiées
constituaient la plus irritante des cacorythmies.
Mais cette minute est bien passée. Le bons sens
a percé les nuages du snobisme, et les enthou-
siastes d'antan ne sont pas les moins ardents à
demander un nouveau plus normal, plus rassé-
rénant.
On peut donc considérer comme finie la
phase difficile des tâtonnements, des essais.
Ceux qui, jusqu'à ce jour, ont déformé arbi-
trairement la nature ou l'ont copiée servilement
vont être obligés, par l'impérieuse action des
faits, de modifier leur manière. Ceux qui débu-
teront demain auront bénéficié des quelques


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BAEYENS