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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 3,1.1900/​1901

DOI Heft:
No. 29 (Février 1901)
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Musey-Grévin: S.D. Paoletti
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https://doi.org/10.11588/diglit.34205#0242

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L'ART DECORATIF

les fantasmagories et les raffinements d'intellec-
tualité — ou d'apparence d'intellectualité! —
auxquels notre névrose demande un aiguillon.
Le Midi, clair, précis, positif dans sa poésie,
ne fait pas naître de ces conceptions-là. La
nature s'offre à ses enfants trop belle, trop
caressante, trop pleine de voluptés; le sadisme
intellectuel ne saurait trouver place en leur
âme. Par le fait même, le Midi est moins propre
au nouveau dans la poésie et les beaux-arts.
Les choses qu'il chante sont celles de tous les
temps — les seules vraies.
Quoi qu'il en soit, il paraît plus ou moins
entendu que la peinture italienne n'a plus ce qu'il
faut pour nous piquer : prévention que je n'en-
tends pas discuter. Mais où les préventions sont
injustes sans conteste, c'est quand elles semblent
ignorer l'existence de personnalités qui, surgies
en d'autres pays, auraient acquis une renommée
européenne.
Un exemple — entre plusieurs — de ces
personnalités artistiques italiennes hors de pair
est celui du peintre Mario de Maria, dont deux
toiles, A/M RT73 yoMr RUA et L&s (A A
AA-sA-Mo, exposées à l'Exposition trien-
nale de Venise en 1899, font éclater l'originalité
singulière et la poétique ampleur. Le passage
suivant du compte rendu que ht de cette expo-
sition un écrivain italien de grande valeur, trop
averti de l'art étranger pour s'illusionner sur
les mérites d'un compatriote, — M. Vittorio
Pica, - fait admirablement ressortir l'injustice
dont je parlais tout à l'heure.
« Devant ces deux toiles, — écrivait M. Vit-
torio Pica, — j'ai entendu parler plusieurs fois


S. D. PAOLETTI CADRE

d'imitation directe de Bôcldin. Pour prouver
l'injustice d'une telle affirmation, il suffit de faire
observer que le tableau L<?s CyAAs ^ A iAV/n:
AA2&S3A0 n'est qu'une réfection, avec l'intensité
et la science acquises, d'une toile exposée à
Londres dix ans avant, c'est-à-dire à une époque
où De Maria, ni peut-être aucun autre en Italie, ne
connaissait l'œuvre de l'illustre peintre bâlois.
(( Certes, entre l'inspiration de Bôcklin, fan-
tastique et païenne, et celle de De Maria, telle
du moins qu'elle se révèle dans ces deux su-
perbes toiles, il existe une parenté cérébrale.
Mais en évoquant les images fabuleuses de la
mythologie grecque, le peintre italien crée des
formes et des aspects élégants dans leur beauté;
il sait enivrer l'œil par la gradation savante de
sa couleur, qui de la vivacité, presque de la vio-
lence des premiers plans, descend magistrale-
ment par toute une gamme harmonieuse de
lumières atténuées et de clairs-obscurs. Au
contraire, le peintre suisse, en voulant déployer
trop de puissance dans la fantaisie, tombe dans
une stridence de couleurs déplaisante au plus
haut degré pour l'œil italien, et pousse jusqu'au
grotesque la plupart des figures de ses bizarres
compositions. Dans l'un nous avons la vision
latine, dans l'autre la vision germanique. ))
Bien dit. Tout ceci ne se rattache qu'indi-
rectement au sujet de cet article; cependant il
n'était pas mauvais de montrer d'abord que
notre indifférence — temporaire ! — pour l'art
d'une nation-sœur doit tout au moins établir dès
maintenant d'éclatantes exceptions.
M. Silvius Paoletti n'est pas encore dans la
période de maturité complète du talent comme
son compatriote Mario de Maria. C'est un artiste
jeune, auquel manquent peut-être les qualités que
le bon vin n'acquiert qu'en vieillissant. Mais il
y en a qui préfèrent la verdeur du vin nouveau,
— du bon, s'entend; le palais de ceux-ci s'ac-
commodera fort bien du fumet des œuvres pré-
sentes de M. Paoletti, en attendant qu'encore
quelques années de cave recommandent celles
à venir aux gourmets.
M. Paoletti, étant Vënitien, a peint, naturelle-
ment, ses deux ou trois scëneries de Venise. Je
les rappelle pour constater comment un Véni-
tien voit Venise autrement que les Anglais et
les Américains, et comme la cité morte se porte
bien pour lui! Au fond, c'est moins Venise que
les Vénitiennes que ces scëneries montrent; car
M. Paoletti est avant tout un peintre de la
femme. Dans chacune de ces œuvres, c'est elle
— et rien qu'elle — qu'il a vue.

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