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sace. Il serait trop long de rechercher ici les motifs variés de cet incon-
testable abandon, de cette négligence coupable à mettre en lumière tant
de documents précieux, et nous ne pourrions le faire, d’ailleurs, sans
prononcer certaines paroles qu’il nous serait doublement pénible d’expri-
mer aujourd’hui. Toujours est-il que depuis près de deux cents ans, alors
que Schilter publiait pour la première fois notre vieux Kœnigshoven,
jusqu’à ce jour où nous l’avons vu reparaître une seconde fois, dans une
édition modèle, au moment même où l’original allait périr, bien peu de
publications nouvelles ont eu lieu dans le domaine de l’historiographie
strasbourgeoise et les plus importantes de celles qui ont vu le jour ont
dû paraître à l’étranger. La dernière tentative sérieuse faite, il y a trois
ans, pour vaincre cette apathie du public intelligent de notre province,
échoua, comme on sait, de la façon la plus lamentable, et le comité établi
par la Société des monuments historiques d’Alsace dut se dissoudre sans
avoir réussi à publier une seule ligne de toutes les richesses qu’il énu-
mérait dans son prospectus.
Cette indifférence si complète pour les monuments scientifiques du
passé de notre ville et de notre province, regrettable à tous égards, nous
paraît doublement coupable, aujourd’hui que l’espoir même de voir un
jour tous ces documents historiques remis en lumière a péri sans retour.
L’incendie de nos bibliothèques, dans la nuit fatale du 24 août 1870, a
tout particulièrement frappé les savants d’Alsace en interrompant brus-
quement les travaux commencés du présent, en anéantissant leurs plus
chers projets de labeurs futurs, et les regrets éveillés dans leurs cœurs
par cet événement néfaste ne s’effaceront jamais.
Je n’ai point à m’étendre ici sur cette douloureuse catastrophe, je dois
constater seulement que par elle le rôle des historiens du passé de Stras-
bourg a complètement changé. Autrefois ils devaient — ou plutôt ils
auraient dû — aspirer à choisir, parmi les trésors scientifiques entassés
dans nos bibliothèques, les plus rares et les plus curieux et butiner tout
d’abord la fleur de nos collections. Aujourd’hui, que tout a péri et qu’il ne
reste plus qu’une pincée de cendres de tout un passé glorieux, la tâche
est devenue bien plus modeste, mais aussi plus urgente. Il s’agit de réunir
pieusement les débris de tout ce qui reste, aussi bien les récits moins
intéressants que les documents d’importance secondaire, partout où nous
réussirons encore à les trouver, soit chez des particuliers, soit dans
d’autres dépôts publics. Des copies fragmentaires d’anciennes chroniques,
des extraits d’une origine récente, des collations même fautives et impar-
faites peuvent avoir de la valeur, maintenant que les originaux ont péri.
sace. Il serait trop long de rechercher ici les motifs variés de cet incon-
testable abandon, de cette négligence coupable à mettre en lumière tant
de documents précieux, et nous ne pourrions le faire, d’ailleurs, sans
prononcer certaines paroles qu’il nous serait doublement pénible d’expri-
mer aujourd’hui. Toujours est-il que depuis près de deux cents ans, alors
que Schilter publiait pour la première fois notre vieux Kœnigshoven,
jusqu’à ce jour où nous l’avons vu reparaître une seconde fois, dans une
édition modèle, au moment même où l’original allait périr, bien peu de
publications nouvelles ont eu lieu dans le domaine de l’historiographie
strasbourgeoise et les plus importantes de celles qui ont vu le jour ont
dû paraître à l’étranger. La dernière tentative sérieuse faite, il y a trois
ans, pour vaincre cette apathie du public intelligent de notre province,
échoua, comme on sait, de la façon la plus lamentable, et le comité établi
par la Société des monuments historiques d’Alsace dut se dissoudre sans
avoir réussi à publier une seule ligne de toutes les richesses qu’il énu-
mérait dans son prospectus.
Cette indifférence si complète pour les monuments scientifiques du
passé de notre ville et de notre province, regrettable à tous égards, nous
paraît doublement coupable, aujourd’hui que l’espoir même de voir un
jour tous ces documents historiques remis en lumière a péri sans retour.
L’incendie de nos bibliothèques, dans la nuit fatale du 24 août 1870, a
tout particulièrement frappé les savants d’Alsace en interrompant brus-
quement les travaux commencés du présent, en anéantissant leurs plus
chers projets de labeurs futurs, et les regrets éveillés dans leurs cœurs
par cet événement néfaste ne s’effaceront jamais.
Je n’ai point à m’étendre ici sur cette douloureuse catastrophe, je dois
constater seulement que par elle le rôle des historiens du passé de Stras-
bourg a complètement changé. Autrefois ils devaient — ou plutôt ils
auraient dû — aspirer à choisir, parmi les trésors scientifiques entassés
dans nos bibliothèques, les plus rares et les plus curieux et butiner tout
d’abord la fleur de nos collections. Aujourd’hui, que tout a péri et qu’il ne
reste plus qu’une pincée de cendres de tout un passé glorieux, la tâche
est devenue bien plus modeste, mais aussi plus urgente. Il s’agit de réunir
pieusement les débris de tout ce qui reste, aussi bien les récits moins
intéressants que les documents d’importance secondaire, partout où nous
réussirons encore à les trouver, soit chez des particuliers, soit dans
d’autres dépôts publics. Des copies fragmentaires d’anciennes chroniques,
des extraits d’une origine récente, des collations même fautives et impar-
faites peuvent avoir de la valeur, maintenant que les originaux ont péri.