Bulletin du Musée National de Varsovie (14.1973)

Cest, avant tout, l'arbre mort — symbole, qui comme nous Je pensons, devoile avec le plus
d'intensite et d'expression Pidee principale et fondamentale du Cimetiere juif. Cest comme une
figurę humaine dans une posefigeeetpathetiquedeprotestationimpuissante, ayant leve les bras
vers le ciel. Ce symbole est compris de tous, car il est ici eleve par Partiste a une image artisticpie
d'une tres grandę force.

Par de pareilles images-symboles de vieux arbres deformes par les tempetes et les intemperies,
arbres ayant peris par le temps ou dans la lutte tragique pour l'existence, arbres, portant en
eux traces de cette lutte et de ces souffrances, s'epanouit le dessein de tels chefs-d'oeuvre, que
Le marais (fig. 2) et Riviere dans un bois de la collection de 1'Ermitage, Paysage a la chute d'eau
de l'Institut Stadeł a Francfort-sur le Main, La chenaie dans l'eau au Musee de Berlin-Dablem,
aiusi que dans beaucoup d'autres oeuvres de la maturite de Ruisdael. Sur le tabelau Le Marais
(fig. 2), peint, durant la plenitude des ses forces, Ruisdael cree une image synthetiąue de
la naturę, ou la force de generalisation artistique est egale a la prodonfeur de la pensee philo-
sophique. La lutte de la lumiere et des tenebres, le contraste du frais azur du ciel et des tons
ocres ternes des feuilles d'automne, 1'opposition des taillis encore jeunes aux arbres battus
par les intemperies ou pourissant, l'opposition du miroir des eaux et du mouvement impetueux
des branches, decouvre toute 1'essence de la naturę — son ebangement incessant, son agonie
et son renouvellement. Mais le principal moyen d'expression est ici aussi 1'opposition d'arbres
morts et vivants. Par cette opposition « l'artiste voudrait dire que la vie et la mort ont leur
part dans 1'image generale de la naturę », comme disent au sujet de ce tableau, J. Rosenberg
et S. Slive. 9

Ainsi, partout ou 1'artiste reprend le theme de la mort et de la destruction, de 1'agonie et
du renouvellement, le motif de 1'arbre mort porte en lui tout le poids principal de Pidee et de
Pemotion.

Ce motif apparait tres tót dans l'oeuvre de Ruisdael, comme nous le voyons sur les tableaux
Mauvais temps (Montpellier, Musee Fabre) et Paysage a 1'arbre mort (fig. 3 ; Leningrad, Ermitage)
deja a la fin de 1640. Le moment dramatique de 1'approche du mauvais temps a trouve dans
ces tableaux une solution convaincante grace au contraste souligne de 1'ombre et de la lumiere,
ainsi qu'a 1'image-symbole de 1'arbre mort, represente sur un fond sombre et liant en un tout,
tant formellement que par le sujet, ce qui se passe dans le ciel et sur la terre. Le dramatisme
de cet effet annonce deja l'apparition du Cimetiere juif.

Dans l'oeuvre de Ruisdael le motif de 1'arbre mort est tire, sans aucun doute, de Part grapbique
de Rembrandt. Ainsi, Peau-forte Vue sur Omval (B. 209), execute par Rembrandt en 1645,
a pu servir d'exemple pour composition et le motif de Parbre mort dans le tableau de Ruisdael
Egmond aan Zee (Manchester, New-Hampshire, Galerie d'Art), peint en 1648. Ruisdael a du
surement remarquer chez Rembrandt la possibilite de traiter ce mofit au sens figurę. A 1'ombre
du vieil arbre mort sur Peau-forte de Rembrandt figurę un couple de jeunes amoureux. Nous
croyons que le vieux saule deforme sous lequel est assis St. Jeróme porte egalement un sens
figurć ^B. 103). Et, sans aucun doute, a un caractere symbolique Parbre mort sur Peau-
-forte L'Annonciation aux bergers (fig. 4 ; B. 44). Deja en 1834, le professeur Schildener
attira 1'attention sur le meme phenomene en parlant du tableau de N. Bercbem, fait sous
Pinfluence de Peau-forte de Rembrandt, portant le meme titre. Dans son article curieusement
intitule Sur l'importance symboliąue de 1'arbre sec, casse ou ayant perdu son feuillage, dans
l'art chretien, il ecrit : « . . . nu, mutile d'une faęon frappante, le tronc du vieux saule paraissant
un fantóme, avec seulement deux brancbes vertes, pouvait signifier dans la langue a demi-voi-
lee et symbolique de Partiste une allusion a la disparition du Vieux Testament et en meme

9. Rosenberg, Slive and ter Kuile, op. cit., p. 137.

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