DOI Heft:
Nr. 3-4
DOI Artikel:Verdier, Philippe: Un ivoire mosan du XIIème siècle et la reliure de l'Evangéliaire d'Anastasie
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18859#0073
font penser a ceux dutresor de Saint-Servais de Maestricht; ils sont posćs legerement sur la crete
des nuages a la manierę de la Vierge et saint Jean debout sur les mottes de terrain du Calvaire
sur le piat de reliure de V Evangeliaire d'Anastasie.
Jacques Stiennon a remarque la similarite entre la calligraphie soignee de V Evangeliaire et
l'ecriture de V Evangeliaire d'Averbode a la Bibliotheque de l'univcrsite de Liege (ms. 363 C)35.
Ainsi tous les rapprochements militent en faveur du caractere non local de YEvangeliaire d'Ana-
stasie. Les bas-reliefs en argent dore de sa reliure sont trop au courant et dans le courant des
mutation qui ont lieu alors dans l'art mosan pour qu'elle n'ait pas ete exportee avec le manuscrit.
Une oeuvre faite sur place dans un atelier d'emigre rendrait une note plus conservatrice. Les
figures en repousse sont fourrees d'un mastic rouge&tre, epousant les creux et les ciselures de la
formę, suivant un procede exactement semblable a celui que viennent de reveler la restauration
de la chasse de saint Servais a Maestricht et le demontage de la chasse de Visć au Patrimoine
Artistique de Bruxelles. Le duc Bolesław le Crepu (1139-73) residait a Płock; l'eveque Alexandre
(1129-56), originaire de Malonne, entre Floreffe et Namur, fit construire la cathedrale de Płock
et 1'abbatiale de Czerwińsk. Gautier de Malonne, qui avait ćtć aux cótes de son frere le prevót de
la cathedrale de Płock, revint avec l'autorisation d'Henri dc Leez, evćque de Liege, pour reformer
le chapitre de Saint-Bertuin de Malonne. II y installa des chanoines reguliers de la regle de saint
Augustin. A son retour en Pologne ił devint eveque de Wrocław (1149-69)36. Les liens avec
Malonne mettraient-ils sur la piste de l'orfevre qui executa la reliure de VEvangeliaire d'Anas-
tasie?37. Le troisieme abbe de Saint-Bertuin de Malonne, Conon, mentionne dans les chartes
depuis 1186, avait pour cousin germain un orfevre sculpteur de Liege, Jourdain, qui, souffrant
d'arthritisme aigu, fit un pelerinage a Saint-Bertuin et, s'etant lave les mains avec l'eau qui
avait coule sur les ossements du saint, connut une nette amelioration de son etat. Quelques
annees apres ił paya sa dette de reconnaissance en sculptant pour 1'eglise de Saint-Bertuin deux
antependia (ou retables) en bois et en confectionnant une chasse precieuse pour saint Bertuin.
La translation des reliques eut lieu en 120038. Nous ne connaissons rien de l'oeuvre de Jourdain
quand il etait dans la force de l'age. Sur le piat de reliure de YEvangeliaire d'Anastasie orne de la
Crucifixion les petites encoches qui hachurent les mottes de terrc du Calyaire seraient 1'indice
d'un travail liegeois. Elles apparaissent burinant les traits ondulćs qui supportent les bustes
des apótres sur les volets de la staurotheque de l'eglise de la Sainte-Croix de Liege, au debut
de la seconde moitie du XIIeme siecle39. On les retrouve sur une oeuvre d'une quinzaine d'annees
plus tardive: la plus petite des deux staurotheques de l'ex-collection Dutuit au Musee de la Ville
de Paris, dont les anges en argent repousse, gardiens du Vrai Bois, portent la marque du nou-
veau style byzantinisant40.
Quant k la plaque d'ivoire de la Majeste a Walters Art Gallery, elle semble etre anterieure
a la reliure d'argent de la Bibliotheque Nationale de Varsovicu, et se rattacher a un foyer
35- Art. cif., p. 466. Si Fon admct la tiule de 1139 commc terminu* anie quem de la Bibie de Floreffe, il doit s'en suivre que
l'Evangeliaire d'Averbode est a placer plutót vers 1165 que vers 1180.
36 • Stanisława Sawicka, op. cit., p. 234 ss.
37. M. Morelowski pensait a un orfevre apparentć au maitre de 1'autel portatif de Stavclot (Musdsc d' Art et d'Histoire,
Bruxelles; U Art Roman dans la Vallee de la Meuse, op. cii., pp. 206—7, date vers 1165): „Rechcrches sur les relations
d'art de la Pologne, du pays de Liege, des anciens Pays-Bas et de la France a travcrs les siecles: Les bas-reliefs des cou-
vertures de l'Evang^liairc d'Anaslasie a la Bibl. Nationale de Varsovie et l'art mosan du XII s.", Tirage a part du Prace
i materiały sprawozdawcze Sekcji Historii Sztuki (Recueil de traveaux et comptes-rendus dc la Scction d'Histoire de l'Art
dc la Societe Polonaise d'Amis des Sciences a Wilno), II, 1935. Resume' en franęais, pp. 476—80.
38. J. Stiennon, „Un contemporain de Nicolas de Verdun: l'orfevre sculpteur Jourdain de Liege", Studien zur Buchmalcrei
und Goldschmiedekunst des Mittelalters. Festschrift K. H. Usener, Marbourg-sur-la-Lahn, 1967, pp. 51—4.
39. U Art Roman dans la Vallee de la Meuse, op. cit., pp. 188—9.
40- Ibid., pp. 192—3; A. Grabar, dans U Art Mosan, op. cit., pp. 123—4.
41- Le boeuf, symbole de Matthieu, n'a pas la fiertś tout orientalc de celui de VEvangeliaire d'Anastasie. II a 1'aspect plus
dśbonnaire, comme empreint de la poesie rćabste des Georgiques, des boeuft aux fanons tombant qui supportent la mer
d'airain baptismale de Renier de Huy, qui provient de Notre-Dame-des-Fonts de Liege (aujourd'liui dans l'dglise Saint-
Barthćlemy de cette villc). S. Collon-Gcvacrt, op. cii., pi. 20; VArl Roman dans la Yallee de la Meuse, op. cit., fig. 3.
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des nuages a la manierę de la Vierge et saint Jean debout sur les mottes de terrain du Calvaire
sur le piat de reliure de V Evangeliaire d'Anastasie.
Jacques Stiennon a remarque la similarite entre la calligraphie soignee de V Evangeliaire et
l'ecriture de V Evangeliaire d'Averbode a la Bibliotheque de l'univcrsite de Liege (ms. 363 C)35.
Ainsi tous les rapprochements militent en faveur du caractere non local de YEvangeliaire d'Ana-
stasie. Les bas-reliefs en argent dore de sa reliure sont trop au courant et dans le courant des
mutation qui ont lieu alors dans l'art mosan pour qu'elle n'ait pas ete exportee avec le manuscrit.
Une oeuvre faite sur place dans un atelier d'emigre rendrait une note plus conservatrice. Les
figures en repousse sont fourrees d'un mastic rouge&tre, epousant les creux et les ciselures de la
formę, suivant un procede exactement semblable a celui que viennent de reveler la restauration
de la chasse de saint Servais a Maestricht et le demontage de la chasse de Visć au Patrimoine
Artistique de Bruxelles. Le duc Bolesław le Crepu (1139-73) residait a Płock; l'eveque Alexandre
(1129-56), originaire de Malonne, entre Floreffe et Namur, fit construire la cathedrale de Płock
et 1'abbatiale de Czerwińsk. Gautier de Malonne, qui avait ćtć aux cótes de son frere le prevót de
la cathedrale de Płock, revint avec l'autorisation d'Henri dc Leez, evćque de Liege, pour reformer
le chapitre de Saint-Bertuin de Malonne. II y installa des chanoines reguliers de la regle de saint
Augustin. A son retour en Pologne ił devint eveque de Wrocław (1149-69)36. Les liens avec
Malonne mettraient-ils sur la piste de l'orfevre qui executa la reliure de VEvangeliaire d'Anas-
tasie?37. Le troisieme abbe de Saint-Bertuin de Malonne, Conon, mentionne dans les chartes
depuis 1186, avait pour cousin germain un orfevre sculpteur de Liege, Jourdain, qui, souffrant
d'arthritisme aigu, fit un pelerinage a Saint-Bertuin et, s'etant lave les mains avec l'eau qui
avait coule sur les ossements du saint, connut une nette amelioration de son etat. Quelques
annees apres ił paya sa dette de reconnaissance en sculptant pour 1'eglise de Saint-Bertuin deux
antependia (ou retables) en bois et en confectionnant une chasse precieuse pour saint Bertuin.
La translation des reliques eut lieu en 120038. Nous ne connaissons rien de l'oeuvre de Jourdain
quand il etait dans la force de l'age. Sur le piat de reliure de YEvangeliaire d'Anastasie orne de la
Crucifixion les petites encoches qui hachurent les mottes de terrc du Calyaire seraient 1'indice
d'un travail liegeois. Elles apparaissent burinant les traits ondulćs qui supportent les bustes
des apótres sur les volets de la staurotheque de l'eglise de la Sainte-Croix de Liege, au debut
de la seconde moitie du XIIeme siecle39. On les retrouve sur une oeuvre d'une quinzaine d'annees
plus tardive: la plus petite des deux staurotheques de l'ex-collection Dutuit au Musee de la Ville
de Paris, dont les anges en argent repousse, gardiens du Vrai Bois, portent la marque du nou-
veau style byzantinisant40.
Quant k la plaque d'ivoire de la Majeste a Walters Art Gallery, elle semble etre anterieure
a la reliure d'argent de la Bibliotheque Nationale de Varsovicu, et se rattacher a un foyer
35- Art. cif., p. 466. Si Fon admct la tiule de 1139 commc terminu* anie quem de la Bibie de Floreffe, il doit s'en suivre que
l'Evangeliaire d'Averbode est a placer plutót vers 1165 que vers 1180.
36 • Stanisława Sawicka, op. cit., p. 234 ss.
37. M. Morelowski pensait a un orfevre apparentć au maitre de 1'autel portatif de Stavclot (Musdsc d' Art et d'Histoire,
Bruxelles; U Art Roman dans la Vallee de la Meuse, op. cii., pp. 206—7, date vers 1165): „Rechcrches sur les relations
d'art de la Pologne, du pays de Liege, des anciens Pays-Bas et de la France a travcrs les siecles: Les bas-reliefs des cou-
vertures de l'Evang^liairc d'Anaslasie a la Bibl. Nationale de Varsovie et l'art mosan du XII s.", Tirage a part du Prace
i materiały sprawozdawcze Sekcji Historii Sztuki (Recueil de traveaux et comptes-rendus dc la Scction d'Histoire de l'Art
dc la Societe Polonaise d'Amis des Sciences a Wilno), II, 1935. Resume' en franęais, pp. 476—80.
38. J. Stiennon, „Un contemporain de Nicolas de Verdun: l'orfevre sculpteur Jourdain de Liege", Studien zur Buchmalcrei
und Goldschmiedekunst des Mittelalters. Festschrift K. H. Usener, Marbourg-sur-la-Lahn, 1967, pp. 51—4.
39. U Art Roman dans la Vallee de la Meuse, op. cit., pp. 188—9.
40- Ibid., pp. 192—3; A. Grabar, dans U Art Mosan, op. cit., pp. 123—4.
41- Le boeuf, symbole de Matthieu, n'a pas la fiertś tout orientalc de celui de VEvangeliaire d'Anastasie. II a 1'aspect plus
dśbonnaire, comme empreint de la poesie rćabste des Georgiques, des boeuft aux fanons tombant qui supportent la mer
d'airain baptismale de Renier de Huy, qui provient de Notre-Dame-des-Fonts de Liege (aujourd'liui dans l'dglise Saint-
Barthćlemy de cette villc). S. Collon-Gcvacrt, op. cii., pi. 20; VArl Roman dans la Yallee de la Meuse, op. cit., fig. 3.
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