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c'est-à-dire à l'action des couleurs voisines. On commence par les juxtapositions les plus simples.
Les harmonies bicolores fermées — de couleurs complémentaires — peuvent être chargées d'une
tension uni-, bilatérale ou divergente dans le sens d'une autre couleur. La couleur ajoutée qui
résout conduit à la création d'harmonies tricolores fermées. Les désaccords bicolores après adjonc-
tion d'une troisième couleur se changent en harmonies tricolores ouvertes qui demandent une
quatrième couleur qui changerait le manque d'harmonie donnée en harmonie. Et ainsi de suite
jusqu'à une certaine limite, les complications peuvent se multiplier. Witkacy divise en général
les compositions chromatiques en normales, c'est-à-dire simples et en compositions perverses
sciemment basées sur les discordances ou les solutions perverses. La peinture de Gauguin est
pour Witkacy un exemple des plus belles harmonies simples, les tableaux de Van Gogh et de
Picasso, de solutions perverses.

Witkacy définit le traitement de la forme concernant la composition et la couleur comme
traits constants de la construction des détails dans la totalité de la construction de la Forme
Pure. Ces traits décident du langage individuel de l'artiste. Pour créer ce style original personnel,
il est indispensable de maîtriser le dessin, ce à quoi mène une étude de la nature, comprise non
pas comme imitation des formes mais comme étude des proportions et des abréviations.

En plaçant ses réflexions dans l'histoire, Witkacy constate que tout le grand art du passé
est basé sur le principe de la Forme Pure, il faut seulement savoir en déceler les valeurs essen-
tielles et non uniquement la couche mimétique et anecdotique. Mais dans l'art ancien qui était
avant tout un art religieux, coexistaient en harmonie le principe intérieur de l'art, la Forme
Pure avec le contenu extérieur; tous deux ne se sont, en effet, pas encore détachés tellement
de leur source primitive — le sentiment métaphysique — et l'unité dans la multiplicité exprimé
dans l'oeuvre d'art ne s'est éloignée de son symbole — la divinité. La division en éléments essen-
tiels et non essentiels survint seulement au moment de la formation du courant naturaliste,
tandis que la disparition des sentiments métaphysiques en progression au fur et à mesure du
développement social et de la démocratisation, ne favorise pas le développement de l'art. La
perspective au surplus d'une future uniformisation de la culture et d'une mécanisation de la
société risque de le faire disparaître. La renaissance accomplie actuellement à grand-peine de
la Forme Pure est, de l'avis de Witkacy, condamnée d'avance à l'échec par suite du refus de
cet état de choses. D'où le sentiment d'un certain artifice de ce produit des temps transitoires
et en même temps, dans le cas d'un blasement nerveux et visuel, des manifestations croissantes
d'innassourisement par la forme. D'où aussi les recherches fébriles de nouveautés s'exprimant avant
tout dans les excès de complications formelles, dans le goût des compositions perverses de formes
et de couleurs, se contentant souvent d'apparences trompeuses. Witkacy reconnaissait à vrait
dire la possibilité de changements oscillatoires chez les créateurs et les spectateurs qui, fatigués
par l'excès de complications, pourraient se tourner volontiers vers les formes plus simples, mais
étant donné que l'inassourisement par la forme a atteint de nos jours son point culminant il pré-
voyait plutôt une intensification des stimulants visuels, qui devait mener à l'absurdité et, en
définitive, à la catastrophe.

Dans l'activité de Witkacy, la pensée s'interpénétrait avec la pratique créatrice. Sa théorie
de l'art reposait sans nul doute sur ses opinions philosophiques et sur sa théorie de la culture
mais son raisonnement philosophique portait parfois les traits d'une vision artistique. Ses com-
positions picturales de Forme Pure étaient le résultat de la polarisation des stimulants créateurs
dans un psychisme exceptionnellement riche et une imagination pourvue de sensations et d'ex-
périences visuelles diverses tandis que la conscience du théoricien imposait au peintre les rigueurs
de règles déterminées de jeu. Entre le tempérament et l'imagination du peintre d'une part et
la conscience du théoricien d'autre part, se jouait aussi le drame de cette créativité extraordi

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