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Bulletin du Musée National de Varsovie — 16.1975

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Nr. 4
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Sandoz, Marc: Les peintures decoratives de la Chambre des Seigneurs du Château de Varsovie: "aujourd'hui au Musée National de Varsovie
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https://doi.org/10.11588/diglit.18860#0134
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Enfin, "l'idée de magnanimité" est représentée par ce sujet de Pompée, qui avait suscité des
difficultés, et est confiée à Louis Lagrénée l'aîné, que nous ne voyons pas non plus nommé dans
la correspondance conservée. Le tableau est présenté au Salon (fig. 7) avec un simple titre :
La tête de Pompée présentée à César. Tableau... appartenant à S.M. le Roi de Pologne21.

Le sujet se rattache encore au récit de Suétone22, mais surtout à celui de Piutarque23. César,
qui n'a pu empêcher Pompée de fuir l'Italie, mais qui s'est gagné ses troupes stationnées en
Espagne, poursuit Pompée en Macédoine, où il écrase à Pharsale les nouvelles troupes levées
par celui-ci, et le pourchassant toujours à travers l'Orient le rejoint à Alexandrie, ,,où il le trouve
égorgé" et "trouve le pays tout infecté de la souillure d'un si grand sacrifice". Au moment
de débarquer, le sophiste Theodote lui apporte la tête de son ennemi. César "se détourna du
scélérat qui lui présentait la tête de Pompée et se prit à pleurer". La scène est belle, et les inten-
tions du roi s'y trouvent pleinement et magnifiquement exprimées.

Et pourtant Lagrénée n'a pas tenu compte ni du dessin, qui paraît aujourd'hui perdu, ni des
"explications raisonnées" de Stanislas-Auguste; il a préféré s'en tenir aux suggestions des "illu-
stres". Il faut reconnaître que les deux barques n'apparaissent que très secondaires dans la
composition. Celle-ci se justifie : deux groupes antithétiques de trois figures, avec le grand
César au geste d'horreur et de magnanimité. Sur le vaste ciel marin aux suggestions d'infini, qui
convient à l'épisode et remplit heureusement l'ingrate partie supérieure du tableau, se profilent
sans insistance les rappels de l'Histoire, assemblés et dessinés conventionnellement : le célèbre
phare d'Alexandrie et une pyramide.

Les personnages sont bien "en situation". On reconnaît la composition calme du classicisme
français, que compense le réalisme emprunté à l'école bolonaise. Le majestueux profil de César,
repris au monnayage, qui rappelle les leçons de Dandré-Bardon, domine tout le tableau, et
accompagne une exécution incomparable, dans les expressions comme dans les draperies, ainsi
que l'ont noté les contemporains de Lagrénée notamment Diderot. Celui-ci écrivait dans son
Salon de 1765 : "C'est un peintre que celui-ci !... U a le dessin, la couleur, la chair, l'expression,
les plus belles draperies, les plus beaux caractères de tête, tout... Ses compositions sont simples,
ses actions vraies, sa couleur belle et solide ; c'est toujours d'après la nature qu'il travaille.
Il y a tel de ses tableaux où l'oeil le plus sévère ne trouve pas le moindre défaut à reprende.
Ses petites Vierges sont comme du Guide. Plus on regarde sa Justice et sa Clémence..., plus on
est satisfait..."24 Nous pourrions ajouter que sous la tension du drame se dissimule une force
terrible, comme, plus tard, chez Delacroix.

Lagrénée occupe dès cette époque une situation prééminente dans la peinture française ;
avec Gabriel Doyen, ils sont les peintres vers qui tous les regards se portent, et vers qui tous
les espoirs convergent : Doyen pour les caractères dramatiques et le style nouveau de ses sujets
d'Histoire, Lagrénée pour la perfection incomparable de son exécution et la séduction de sa
peinture. Mais si, jusque-là, les amateurs assiègent sa porte pour obtenir des mythologies ou des

21. Louis Lagrénée, La tête de Pompée présentée à César, signé: L. Lagrénée 1767; toile, 296,5x 157; Musée National de
Varsovie, no inv. 130911. Le tableau est mentionné dans le catalogue autographe ([ne tenait Louis Lagrénée et qu'a publié
Edmond de Concourt ("Lagrénée" dans l'Art, 1877, reinséré dans Portraits intimes du XVIIIe siècle, 1878): No 151,
la tête de Pompée présentée à César. Pour le roi de Pologne. 4.800 livres (ce prix est élevé, mais, il correspond à ce qu'ac-
cordait aux peintres d'histoie la Direction des bâtiments du roi). Le tableau est en plus mentionné par : Estournet op. cit.,
no 21 ; L. Dussieux, op. cit., p. 92 ; Ch. Blanc, Histoire des peintures de toutes les écoles, I. Ecole française, Paris 1865 p. ;
L. Réau, Histoire de l'expansion... op. cit., p. 30-32 ; T. Mańkowski, op. cit., no 870 ; K. Brokl, op. cit., p. 55 ; M. Sandoz
"Louis-Jean-François Lagrénée, peintre d'Histoire (1725-1805)", Bulletin de la Société d'Histoire de l'Art français, 1961,
p. 124; Diderot, op. cil., III, p. 11, 21-22, 105-107; Catalogue of Paintings... op. cit., no 607; Sztuko francuska... op.
cit., no 30.

22. Op. cit., Liber I, Caput XXXV.

23. Vies parallèles, Agésilas et Pompée, chap. LXXX.

24. Diderot, op. cit., II, 1765, s. 89.

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