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"Vous rappelleriez-vous par hasard un certain tableau de Scilurus moribond qui donne un
assez bon conseil à ses enfans ; eh bien, ce maudit Halle n'a pas voulu que nous accordassions
à ce tableau l'oubli qi'il sollicitait et qu'il méritait d'obtenir. Ne nous a-t-il pas remis sous les
yeux ces trois galériens, prétendus fils du roi, rompant le faisceau, aussi ignobles, aussi infâmes,
aussi hideux dans son dessin de cette année qu'ils l'étaient dans son tableau il y a deux ans !
D'où je conclus que cet homme est de la vanité la plus intrépide, puisqu'il s'entête de ses propres
ouvrages au point de les défendre contre l'improbation générale. Encore, si au lieu d'un faisceau
à rompre, il eut mis sous la main de ces trois indignes figures une longue rame à mouvoir!..."

D'après Diderot, Salons, texte établi et présenté par Jean Seznec, IV, Salon 1769, Oxford,
1967, p. 74.

2

Louis Lagrenée

"La tête de Pompée présentée à Caesar. Tableau ceintré de 9 piés 3 pouces de haut sur 4 piés,
11 pouces de large.

Je ne scais quel pape demanda à son camérier quel tems il faisoit. Beau, lui répondit le camérier,
bien qu'il plut à verse. Mon ami, je ne veux pas, si je vais jamais à Varsovie, que Sa Majesté
le roi de Pologne me prenne par une oreille et me conduisant devant ce tableau, me dise, comme
le St père dit à son camérier, en le menant à la fenêtre, Vedi. coglione. Que les souverains sont
à plaindre ! On n'ose pas seulement leur dire qu'il pleut, quand ils veulent du beau tems.

La forme de ce tableau est ingrate, il faut en convenir. La scène se passe sur deux barques,
aux environs du phare d'Alexandrie. On voit ce phare, à gauche. Plus sur le fond, du même
côté, une piramidę. C'est à quelque distance du premier de ces deux édifices les barques se sont
rencontrées. Vers le milieu de celle qui est à gauche, sur le devant, un esclave bazané et presque
nu, tient d'une main la tête par les cheveux et le linge qui l'enveloppoit ; de l'autre, il la porte
en devant. Le linge est ensanglanté. L'envoyé placé un peu plus sur le fond, et vers la pointe
de la barque, la tête panchée, une main raprochée de la poitrine, et l'autre disposée à recouvrir
la tête de son voile. Je ne scais si, depuis que j'ai vu cette composition, l'artiste n'a rien changé
à l'action de cette figure. Caesar est debout sur l'autre barque. Son expression est mêlée de
douleur et d'indignation. Une larme vraie ou fausse lui tombe de l'oeil. Il interpose sa main
droite entre ses regards et la tête de Pompée. La roideur de son autre bras et son poing fermé
répondent fort bien à l'expression du reste de la figure. Il y a derrière Caesar, un beau jeune
chevalier romain assis ; il a les yeux attachés sur la tête. Debout, derrière Caesar et ce chevalier,
tout à fait à droite, un vieux chef de légion regarde le même objet avec une attention, et une
surprise mêlée de douleur. Dans l'autre barque, autour de l'esclave, l'artiste a placé des vases
prétieux et d'autres présents. Tout à fait à gauche, sur l'extrémité de la toile, dans la demie-teinte,
un compagnon de Ménodote, il est debout. Il écoute.

L'artiste a tant consulté, si changé, si tourmenté sa composition, que je ne scais ce qu'il en
reste. Je la jugerai donc telle qu'elle étoit, puisque j'ignore ce qu'elle est.

Le faire est de La Grenée ; c'est-à-dire qu'en général il est beau et très beau. Cette tête de
Pompée qui devait être si grande, si intérressante, si pathétique, par son caractère, est petite
et mesquine. Je ne lui voudrois pas la bouche béante, ce qui seroit hideux. Mais je ne la lui
voudrais pas fermée pareeque les muscles s'étant relâchés elle a du s'entr'ouvrir.

Lorsque j'objectois à La Grenée la petitesse et le mesquin de cette tête, il me répondit qu'elle
était plus grande que nature. Que voulez-vous obtenir d'un artiste qui croit qu'une tête grande,
c'est une grosse tête, et qui vous répond du volume, quand vous lui parlez du caractère.

L'esclave qui la présente est excellent de dessin et d'expression. Il a les regards attachés
sur Caesar dont l'indignation le pénètre d'effroi.

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