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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Quant à la section topographique, il nous a paru indis-
pensable de tracer d'abord, dans un exposé général, une
anatomie des régions, donnant rémunération, par plans
superposés, des parties qui les composent, dans leurs rap-
ports, des considérations physiologiques qui s'y rapportent,
des maladies et des opérations dont elles sont le siège; les
considérations spéciales qui ont rapport aux opérations en
particulier devant être rapportées en avant de chacune
d'elles.
2° MÉDECINE OPERATOIRE.
Le premier sujet d'attention qui se présente pour la
médecine opératoire est la classification : rien de plus dif-
ficile. Dans les sciences naturelles, où la sagacité de notre
esprit s'applique sur des sujets créés de Dieu, une sagesse
infaillible ayant arrêté un plan général et une harmonie
préexistante, où les moyens tendent de concert vers une
fin, le peu que la faiblesse de notre esprit parvient à en
comprendre suffit pour établir dans les faits une coordi-
nation logique, qui fournit une multitude de rapports pour
les classer. S'il n'en est pas de même en médecine, ou
mieux en chirurgie opératoire, c'est que ce n'est pas une
science, mais seulement un art, soumis dans ses applica-
tions à tous les basards des accidens et des déviations de
l'ordre physiologique, ou des maladies , si variables de
causes, de siège, et d'effets. A un point de vue plus élevé,
peut-être trouverait-on que ces maladies ne sont que les
résultats nécessaires de l'action des causes générales sur les
parties de 1 organisme; mais, si elles entrent comme élé-
mens dans ixne harmonie générale, dépourvues de rapports
nécessaires les unes à l'égard des autres, elles ne sauraient
se prêter à une coordination rigoureuse.
Jusqu'à ces derniers temps la plupart des auteurs ont
pris pour basede leurs classifications les maladies. Cet ordre,
qui devait naturellement se présenter le premier à l'esprit,
est cependant le plus attaquable à toute époque; car, en
théorie, il s'appuie sur ce qu'on connaît le moins; et, en
pratique, il présente les maladies d'un même organe
dispersées dans autant de chapitres, souvent très éloignés.
(Test ainsi que, depuis Gelse, ont procédé, avec quelques
variantes, Ferrein , Dionis, Lassus, Sabatier, Rossi et
Delpech. D'autres, et parmi eux Ambroise Paré, Fabrice,
J.-L. Petit et M. Boyer, n'ont traité les opérations qu'à
l'occasion des maladies, classées elles-mêmes suivant l'ordre
topographique, mieux approprié au plan de leurs ouvrages.
M. Velpeau, après avoir discuté avec logique et talent les
inconvéniens des diverses classifications, semble renoncer
avec modestie à en créer une nouvelle, comme s'il dédai-
gnait ce genre de mérite pour son ouvrage, certain qu'il
saurait lui en donner un autre plus important.
L'ordre topographique, par cela seul qu'il n'est fondé sur
aucune vue théorique, nous paraît le meilleur; et, comme
nous l'avons dit plus haut, la médecine opératoire n'étant
qu'une application de la thérapeutique à la structure, la
classification serait d'autant plus parfaite qu'elle serait plus
anatomique. C'est en quelque sorte un essai de ce genre
que vient d'offrir M. Malgaigne dans son manuel de méde-
cine opératoire. De même que M. Velpeau, il commence
par les opérations simples, qui entrent comme élémens
dans la pratique des plus complexes. Déviant un peu de
sa méthode pour les opérations de la petite chirurgie, il
revient ensuite à l'ordre anatomique, et donne successive-
ment les opérations qui se pratiquent sur, ou plutôt en
vue de tissus distincts; puis celles qui se font sur des
organes, et, enfin, sur de grandes parties du corps. Certes,
il s'en faut bien que cette classification soit irréprochable.
Dans l'ensemble, une moitié de l'ouvrage offre dans autant
de groupes toutes les opérations similaires, quels que soient
les organes qui en sont le siège, et en les suivant dans
chacun d'eux; l'autre moitié, au contraire, donne toutes
les opérations qui se pratiquent sur un même organe,
quelque dissiinilaires qu'elles soient entre elles; et si on
n'y trouve pas de répétitions, c'est que plusieurs des opéra-
tions similaires, déjà décrites dans la première partie,
manquent ici dans leur lieu. Pour les détails, une résection
ou un amputation ne s'exercent pas seulement sur les os,
et une ligature ne se pratique pas seulement sur une artère
ou une veine; car si ces vaisseaux sont le but de l'opéra-
tion, au moins ne doivent-ils être que légèrement com-
promis, tandis que les tissus qui les recouvrent sont grave-
ment lésés. Mais après avoir indiqué les inconvéniens de
cette classification, qui ne sont après tout que des taches
légères, il convient de signaler ses nombreux avantages :
i ° Chaque opération y trouve la place la plus convenable, et
l'extension du cadre topographique est telle que toute opé-
ration nouvelle y rentrerait immédiatement; 2° les groupes
d'opérations similaires, qui sont aussi les opérations régu-
lières dont tous les temps peuvent être prévus, permettent
de donner d'utiles généralités, tandis que les applications
spéciales se trouveront dans chaque localité ; 3" les opéra-
tions au point de vue des organes rangent à part toutes les
opérations régulières, mais absolument spéciales à une
localité, et toutes celles qui sont nécessairement irrégu-
lières, ou dont les temps ne pouvant être rigoureusement
prévus laissent une large part à l'esprit da-propos et au
génie du chirurgien.
Si nous avons tant insisté sur cette classification de
M. Malgaigne, c'est que, dans l'impossibilité de faire abso-
lument bien, à tout prendre c'est encore la meilleure, et
puis elle est anatomique, considération avantageuse poul-
ie sujet en lui-même, et précieuse pour nous en particulier.
C'est donc celle dont nous nous servirons, sauf quelques
modifications à notre convenance.
Le lieu de chaque indication opératoire étant déterminé,
quant aux opérations en elles-mêmes le texte comprendra
trois parties : i° un rapide exposé de l'historique de l'opé-
ration ; 2° les indications qu'elle doit remplir ; 3° le manuel
opératoire en lui-même. Dans une même méthode, nous
décrirons et ferons représenter, quand ils ont assez d'im-
portance, les divers procédés qu'elle renferme, en exposant
les motifs qui peuvent engager à donner la préférence à
chacun d'eux dans une circonstance déterminée. Cet exa-
men comparatif de la valeur des opinions et des procédés
exige beaucoup de réserve et de délicatesse. « De leur vi-
« vant (observe judicieusement M. Velpeau) les hommes
« sont rarement justes tes uns à l'égard des autres.»A l'insçu
dé leur conscience, et par le seul fait de leur position, ne
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Quant à la section topographique, il nous a paru indis-
pensable de tracer d'abord, dans un exposé général, une
anatomie des régions, donnant rémunération, par plans
superposés, des parties qui les composent, dans leurs rap-
ports, des considérations physiologiques qui s'y rapportent,
des maladies et des opérations dont elles sont le siège; les
considérations spéciales qui ont rapport aux opérations en
particulier devant être rapportées en avant de chacune
d'elles.
2° MÉDECINE OPERATOIRE.
Le premier sujet d'attention qui se présente pour la
médecine opératoire est la classification : rien de plus dif-
ficile. Dans les sciences naturelles, où la sagacité de notre
esprit s'applique sur des sujets créés de Dieu, une sagesse
infaillible ayant arrêté un plan général et une harmonie
préexistante, où les moyens tendent de concert vers une
fin, le peu que la faiblesse de notre esprit parvient à en
comprendre suffit pour établir dans les faits une coordi-
nation logique, qui fournit une multitude de rapports pour
les classer. S'il n'en est pas de même en médecine, ou
mieux en chirurgie opératoire, c'est que ce n'est pas une
science, mais seulement un art, soumis dans ses applica-
tions à tous les basards des accidens et des déviations de
l'ordre physiologique, ou des maladies , si variables de
causes, de siège, et d'effets. A un point de vue plus élevé,
peut-être trouverait-on que ces maladies ne sont que les
résultats nécessaires de l'action des causes générales sur les
parties de 1 organisme; mais, si elles entrent comme élé-
mens dans ixne harmonie générale, dépourvues de rapports
nécessaires les unes à l'égard des autres, elles ne sauraient
se prêter à une coordination rigoureuse.
Jusqu'à ces derniers temps la plupart des auteurs ont
pris pour basede leurs classifications les maladies. Cet ordre,
qui devait naturellement se présenter le premier à l'esprit,
est cependant le plus attaquable à toute époque; car, en
théorie, il s'appuie sur ce qu'on connaît le moins; et, en
pratique, il présente les maladies d'un même organe
dispersées dans autant de chapitres, souvent très éloignés.
(Test ainsi que, depuis Gelse, ont procédé, avec quelques
variantes, Ferrein , Dionis, Lassus, Sabatier, Rossi et
Delpech. D'autres, et parmi eux Ambroise Paré, Fabrice,
J.-L. Petit et M. Boyer, n'ont traité les opérations qu'à
l'occasion des maladies, classées elles-mêmes suivant l'ordre
topographique, mieux approprié au plan de leurs ouvrages.
M. Velpeau, après avoir discuté avec logique et talent les
inconvéniens des diverses classifications, semble renoncer
avec modestie à en créer une nouvelle, comme s'il dédai-
gnait ce genre de mérite pour son ouvrage, certain qu'il
saurait lui en donner un autre plus important.
L'ordre topographique, par cela seul qu'il n'est fondé sur
aucune vue théorique, nous paraît le meilleur; et, comme
nous l'avons dit plus haut, la médecine opératoire n'étant
qu'une application de la thérapeutique à la structure, la
classification serait d'autant plus parfaite qu'elle serait plus
anatomique. C'est en quelque sorte un essai de ce genre
que vient d'offrir M. Malgaigne dans son manuel de méde-
cine opératoire. De même que M. Velpeau, il commence
par les opérations simples, qui entrent comme élémens
dans la pratique des plus complexes. Déviant un peu de
sa méthode pour les opérations de la petite chirurgie, il
revient ensuite à l'ordre anatomique, et donne successive-
ment les opérations qui se pratiquent sur, ou plutôt en
vue de tissus distincts; puis celles qui se font sur des
organes, et, enfin, sur de grandes parties du corps. Certes,
il s'en faut bien que cette classification soit irréprochable.
Dans l'ensemble, une moitié de l'ouvrage offre dans autant
de groupes toutes les opérations similaires, quels que soient
les organes qui en sont le siège, et en les suivant dans
chacun d'eux; l'autre moitié, au contraire, donne toutes
les opérations qui se pratiquent sur un même organe,
quelque dissiinilaires qu'elles soient entre elles; et si on
n'y trouve pas de répétitions, c'est que plusieurs des opéra-
tions similaires, déjà décrites dans la première partie,
manquent ici dans leur lieu. Pour les détails, une résection
ou un amputation ne s'exercent pas seulement sur les os,
et une ligature ne se pratique pas seulement sur une artère
ou une veine; car si ces vaisseaux sont le but de l'opéra-
tion, au moins ne doivent-ils être que légèrement com-
promis, tandis que les tissus qui les recouvrent sont grave-
ment lésés. Mais après avoir indiqué les inconvéniens de
cette classification, qui ne sont après tout que des taches
légères, il convient de signaler ses nombreux avantages :
i ° Chaque opération y trouve la place la plus convenable, et
l'extension du cadre topographique est telle que toute opé-
ration nouvelle y rentrerait immédiatement; 2° les groupes
d'opérations similaires, qui sont aussi les opérations régu-
lières dont tous les temps peuvent être prévus, permettent
de donner d'utiles généralités, tandis que les applications
spéciales se trouveront dans chaque localité ; 3" les opéra-
tions au point de vue des organes rangent à part toutes les
opérations régulières, mais absolument spéciales à une
localité, et toutes celles qui sont nécessairement irrégu-
lières, ou dont les temps ne pouvant être rigoureusement
prévus laissent une large part à l'esprit da-propos et au
génie du chirurgien.
Si nous avons tant insisté sur cette classification de
M. Malgaigne, c'est que, dans l'impossibilité de faire abso-
lument bien, à tout prendre c'est encore la meilleure, et
puis elle est anatomique, considération avantageuse poul-
ie sujet en lui-même, et précieuse pour nous en particulier.
C'est donc celle dont nous nous servirons, sauf quelques
modifications à notre convenance.
Le lieu de chaque indication opératoire étant déterminé,
quant aux opérations en elles-mêmes le texte comprendra
trois parties : i° un rapide exposé de l'historique de l'opé-
ration ; 2° les indications qu'elle doit remplir ; 3° le manuel
opératoire en lui-même. Dans une même méthode, nous
décrirons et ferons représenter, quand ils ont assez d'im-
portance, les divers procédés qu'elle renferme, en exposant
les motifs qui peuvent engager à donner la préférence à
chacun d'eux dans une circonstance déterminée. Cet exa-
men comparatif de la valeur des opinions et des procédés
exige beaucoup de réserve et de délicatesse. « De leur vi-
« vant (observe judicieusement M. Velpeau) les hommes
« sont rarement justes tes uns à l'égard des autres.»A l'insçu
dé leur conscience, et par le seul fait de leur position, ne