GRENOUILLETTE.
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Des opinions très différentes ont régné sur la nature de la gre-
nouillette. Déjà Celse en faisait une tumeur enkystée; Aranzi n'y
voyait qu'un simple abcès; Louis semblait avoir prouvé, pour ses
contemporains, que c'était toujours un kyste salivaire ou déve-
loppé dans la glande sous-maxillaire, ou causé par la dilatation
du canal de Warthon. MM. P.Dubois et Stoltz l'ont rencontrée
chez des nouveau-nés où elle occupait la glande sub-linguale.
En parcourant les faits rapportés par les auteurs, on voit qu'on
a décrit sous le nom de ranule, des affections de nature très
différente: les uns ont trouvé dans le kyste, un liquide visqueux
qu'ils ont cru être de la salive épaissie; d'autres une matière
muqueuse ou purulente, des calculs, etc ; mais comme le siège
de la maladie paraît peu varier, il en résulterait que, dans la
plupart des cas, le kyste appartiendrait aux voies salivaires et
aurait pour première cause une obstruction de leurs canaux;
tandis que, dans d'autres circonstances, ce ne serait, comme le
pensait. Dupuytren , qu'un kyste séreux ou séro-muqueux, déve-
loppé sous la membrane muqueuse buccale, et qui n'aurait, avec
les voies salivaires proprement dites, qu'un rapport de voisinage.
Il ressort de l'ensemble de ces faits, que la nature et l'étiologie
de la grenouillette, demanderaient de nouvelles observations
d'anatomie pathologique.
Divers moyens ont été imaginés pour guérir la grenouillette.
En fait, rien n'est plus simple que de faire disparaître la tumeur :
une incision ou une simple ponction suffisent ; mais l'expérience
a appris que l'évacuation de la poche est promptement suivie
d'une récidive, et c'est pour cette dernière qu'on a imaginé des
moyens plus énergiques : les injections, les corps étrangers à
demeure, la cautérisation et l'excision.
i" Incision. Connue des anciens, Ilippocrate recommande de
la faire avec une lancette ; Celse et Aétius en parlent, mais déjà ne
la regardent pas comme curative ; Aranzi l'emploie à la renaissance
et, dans le siècle dernier, Jourdain croit que l'incision suffit,
pourvu qu'on ouvre toute l'étendue du sac; mais cette opinion
est aujourd'hui absolument rejetée.
■i° Injections irritantes. Le kyste ouvert, Paracelse et après
lui Purmann y introduisaient des substances détersives. Ce moyen,
qui provoque une inflammation adhésive, a compté des succès.
Un chirurgien de Salzbourg a réussi avec de simples injections
d'eau-de-vie camphrée ; le vin ou l'eau salée ont suffi à quelques
chirurgiens.
3° Cautérisation. Les caustiques sont déjà recommandés par
Aëtius, mais au moyen-âge, l'emploi du fer chaud est préféré.
A. Paré cautérisait avec une espèce de trocart chauffé à blanc,
qu'il introduisait au travers d'une plaque protectrice. Louis,
dans le siècle dernier, préfère aussi le cautère actuel à l'instru-
ment tranchant ; de nos jours, MM. Larrey et Pl. Portai sont les
seuls qui aient recours à ce procédé. Mais la cautérisation , par
les caustiques, a trouvé un plus grand nombre de partisans.
Dionis employait un mélange d'acide sulfurique et de miel ;
Camper touchait la surface interne du kyste avec la pierre infer-
nale ; Acre! et Callisen cautérisaient avec une boulette de charpie
imbibée d'un acide concentré. En résumé la cautérisation qui
détruit la surface du kyste, et donne lieu à des eschares dont la
chute est suivie d'une cicatrisation, est une méthode véritable-
ment curative, mais c'est un moyen douloureux et trop long.
t. vu.
4° Corps étrangers a demeure. Deux sortes de corps ont été
laissés à demeure, le séton et la canule. Le but absolument
inverse des chirurgiens qui ont créé ces deux moyens, en appa-
rence d'une même méthode, témoignent clairement du vague
qui reste sur l'étiologie de la grenouillette ; la présence du séton ,
ayant pour objet d'obtenir l'inflammation adhésive des parois de
la cavité, qui dans ce cas ne serait considérée que comme un
kyste non salivaire, tandis que la canule a pour but d'offrir
temporairement un orifice métallique, à l'écoulement de la
salive, en attendant qu'il se forme parla cicatrisation sur le corps
étranger une fistule ou un orifice artificiel permanent.
A. Séton. Purmann, le premier, employa le séton pour obte-
nir l'adhésion d'un kyste réputé salivaire. M. Physick a fait avec
succès usage de ce moyen, et M. Laugier a fait connaître un
certain nombre de cas du même genre. L'application du séton ne
diffère pas ici de ce qu'elle est sur les autres trajets muqueux. Il
suffit, après avoir fait la ponction de la tumeur, d'introduire par
l'orifice une petite mèche nouée sur un fil laissé au-dehors. Quand
l'inflammation est établie, il importe de retirer la mèche en en-
tier, l'abandon d'un simple fil pouvant donner lieu à des accidens
consécutifs, comme il résulte, de quelques observations, sur les
corps étrangers d'un petit volume, rapportées dans divers jour-
naux de médecine, soit une arête de poisson (Revue Méd.), un
fétu de paille (Gaz. Méd.), ou une soie employée par les cordon-
nière. (M. Robert).
B. Canule et bouton à de?neure. C'est aussi au travers de la
piqûre que sont introduits ces petits instrumens autour des-
quels doit se faire la cicatrisation. Lecat guérit un malade avec
une courte canule étranglée au milieu, et terminée à ses extrémi-
tés , d'un côté par une petite pomme d'arrosoir en saillie dans la
bouche, et de l'autre par une petite plaque, élargie en pavillon ,
logée à l'intérieur de la cavité. Sabatier, moins bien inspiré, a
fait usage d'une canule , longue de trois centimètres, qu'il insi-
nuait dans le kyste, et dont une extrémité seulement offrait un
élargissement, de sorte que cette canule tendait toujours à tomber
dans la bouche. Dupuytren, dans le procédé auquel il a donné
son nom, est revenu à l'idée de Lecat, mais avec une modification.
Son instrument se compose de deux petites plaques métalliques,
d'un centimètre de diamètre, réunies par un étroit pédicule de
quatre millimètres de longueur. Le procédé de son application
est des plus simples ; la bouche largement ouverte, la pointe de
la langue écartée en haut et du côté opposé, le chirurgien soulève
avec des pinces, la membrane qui revêt la tumeur au plus
près du repli sous-lingual, et y fait une piqûre pour la vider.
On aide à l'évacuation, par une double pression combinée au
dedans de la bouche et au dessous de la mâchoire. Lorsque le
kyste est affaissé, saisissant avec des pinces l'une des plaques de
l'instrument, on insinue l'autre plaque au dedans de la cavité,
la première restant au dehors, de manière que les lèvres de la
petite incision se rapprochent sur le pédicule intermédiaire. La
salive s'écoule à mesure, entre la tige et les bords de la plaie,
qui se transforme en un orifice circulaire. L'instrument une fois
en place, Dupuytren l'y abandonnait pour toujours. L'expérience
apprend qu'au bout d'un certain temps, il ne cause plus aucune
incommodité. Beaucoup de malades ont été guéris par ce procédé ;
pourtant, nous n'avons jamais compris pourquoi, en tant que
de laisser ce bouton à demeure, l'auteur n'avait pas préféré
transformer le pédicule en une canule creuse, qui donnerait
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Des opinions très différentes ont régné sur la nature de la gre-
nouillette. Déjà Celse en faisait une tumeur enkystée; Aranzi n'y
voyait qu'un simple abcès; Louis semblait avoir prouvé, pour ses
contemporains, que c'était toujours un kyste salivaire ou déve-
loppé dans la glande sous-maxillaire, ou causé par la dilatation
du canal de Warthon. MM. P.Dubois et Stoltz l'ont rencontrée
chez des nouveau-nés où elle occupait la glande sub-linguale.
En parcourant les faits rapportés par les auteurs, on voit qu'on
a décrit sous le nom de ranule, des affections de nature très
différente: les uns ont trouvé dans le kyste, un liquide visqueux
qu'ils ont cru être de la salive épaissie; d'autres une matière
muqueuse ou purulente, des calculs, etc ; mais comme le siège
de la maladie paraît peu varier, il en résulterait que, dans la
plupart des cas, le kyste appartiendrait aux voies salivaires et
aurait pour première cause une obstruction de leurs canaux;
tandis que, dans d'autres circonstances, ce ne serait, comme le
pensait. Dupuytren , qu'un kyste séreux ou séro-muqueux, déve-
loppé sous la membrane muqueuse buccale, et qui n'aurait, avec
les voies salivaires proprement dites, qu'un rapport de voisinage.
Il ressort de l'ensemble de ces faits, que la nature et l'étiologie
de la grenouillette, demanderaient de nouvelles observations
d'anatomie pathologique.
Divers moyens ont été imaginés pour guérir la grenouillette.
En fait, rien n'est plus simple que de faire disparaître la tumeur :
une incision ou une simple ponction suffisent ; mais l'expérience
a appris que l'évacuation de la poche est promptement suivie
d'une récidive, et c'est pour cette dernière qu'on a imaginé des
moyens plus énergiques : les injections, les corps étrangers à
demeure, la cautérisation et l'excision.
i" Incision. Connue des anciens, Ilippocrate recommande de
la faire avec une lancette ; Celse et Aétius en parlent, mais déjà ne
la regardent pas comme curative ; Aranzi l'emploie à la renaissance
et, dans le siècle dernier, Jourdain croit que l'incision suffit,
pourvu qu'on ouvre toute l'étendue du sac; mais cette opinion
est aujourd'hui absolument rejetée.
■i° Injections irritantes. Le kyste ouvert, Paracelse et après
lui Purmann y introduisaient des substances détersives. Ce moyen,
qui provoque une inflammation adhésive, a compté des succès.
Un chirurgien de Salzbourg a réussi avec de simples injections
d'eau-de-vie camphrée ; le vin ou l'eau salée ont suffi à quelques
chirurgiens.
3° Cautérisation. Les caustiques sont déjà recommandés par
Aëtius, mais au moyen-âge, l'emploi du fer chaud est préféré.
A. Paré cautérisait avec une espèce de trocart chauffé à blanc,
qu'il introduisait au travers d'une plaque protectrice. Louis,
dans le siècle dernier, préfère aussi le cautère actuel à l'instru-
ment tranchant ; de nos jours, MM. Larrey et Pl. Portai sont les
seuls qui aient recours à ce procédé. Mais la cautérisation , par
les caustiques, a trouvé un plus grand nombre de partisans.
Dionis employait un mélange d'acide sulfurique et de miel ;
Camper touchait la surface interne du kyste avec la pierre infer-
nale ; Acre! et Callisen cautérisaient avec une boulette de charpie
imbibée d'un acide concentré. En résumé la cautérisation qui
détruit la surface du kyste, et donne lieu à des eschares dont la
chute est suivie d'une cicatrisation, est une méthode véritable-
ment curative, mais c'est un moyen douloureux et trop long.
t. vu.
4° Corps étrangers a demeure. Deux sortes de corps ont été
laissés à demeure, le séton et la canule. Le but absolument
inverse des chirurgiens qui ont créé ces deux moyens, en appa-
rence d'une même méthode, témoignent clairement du vague
qui reste sur l'étiologie de la grenouillette ; la présence du séton ,
ayant pour objet d'obtenir l'inflammation adhésive des parois de
la cavité, qui dans ce cas ne serait considérée que comme un
kyste non salivaire, tandis que la canule a pour but d'offrir
temporairement un orifice métallique, à l'écoulement de la
salive, en attendant qu'il se forme parla cicatrisation sur le corps
étranger une fistule ou un orifice artificiel permanent.
A. Séton. Purmann, le premier, employa le séton pour obte-
nir l'adhésion d'un kyste réputé salivaire. M. Physick a fait avec
succès usage de ce moyen, et M. Laugier a fait connaître un
certain nombre de cas du même genre. L'application du séton ne
diffère pas ici de ce qu'elle est sur les autres trajets muqueux. Il
suffit, après avoir fait la ponction de la tumeur, d'introduire par
l'orifice une petite mèche nouée sur un fil laissé au-dehors. Quand
l'inflammation est établie, il importe de retirer la mèche en en-
tier, l'abandon d'un simple fil pouvant donner lieu à des accidens
consécutifs, comme il résulte, de quelques observations, sur les
corps étrangers d'un petit volume, rapportées dans divers jour-
naux de médecine, soit une arête de poisson (Revue Méd.), un
fétu de paille (Gaz. Méd.), ou une soie employée par les cordon-
nière. (M. Robert).
B. Canule et bouton à de?neure. C'est aussi au travers de la
piqûre que sont introduits ces petits instrumens autour des-
quels doit se faire la cicatrisation. Lecat guérit un malade avec
une courte canule étranglée au milieu, et terminée à ses extrémi-
tés , d'un côté par une petite pomme d'arrosoir en saillie dans la
bouche, et de l'autre par une petite plaque, élargie en pavillon ,
logée à l'intérieur de la cavité. Sabatier, moins bien inspiré, a
fait usage d'une canule , longue de trois centimètres, qu'il insi-
nuait dans le kyste, et dont une extrémité seulement offrait un
élargissement, de sorte que cette canule tendait toujours à tomber
dans la bouche. Dupuytren, dans le procédé auquel il a donné
son nom, est revenu à l'idée de Lecat, mais avec une modification.
Son instrument se compose de deux petites plaques métalliques,
d'un centimètre de diamètre, réunies par un étroit pédicule de
quatre millimètres de longueur. Le procédé de son application
est des plus simples ; la bouche largement ouverte, la pointe de
la langue écartée en haut et du côté opposé, le chirurgien soulève
avec des pinces, la membrane qui revêt la tumeur au plus
près du repli sous-lingual, et y fait une piqûre pour la vider.
On aide à l'évacuation, par une double pression combinée au
dedans de la bouche et au dessous de la mâchoire. Lorsque le
kyste est affaissé, saisissant avec des pinces l'une des plaques de
l'instrument, on insinue l'autre plaque au dedans de la cavité,
la première restant au dehors, de manière que les lèvres de la
petite incision se rapprochent sur le pédicule intermédiaire. La
salive s'écoule à mesure, entre la tige et les bords de la plaie,
qui se transforme en un orifice circulaire. L'instrument une fois
en place, Dupuytren l'y abandonnait pour toujours. L'expérience
apprend qu'au bout d'un certain temps, il ne cause plus aucune
incommodité. Beaucoup de malades ont été guéris par ce procédé ;
pourtant, nous n'avons jamais compris pourquoi, en tant que
de laisser ce bouton à demeure, l'auteur n'avait pas préféré
transformer le pédicule en une canule creuse, qui donnerait
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