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OPÉRATIONS SPÉCIALES.
passées à travers ses parois, et maintenues en place pendant quel-
ques jours : on retrouve une opération, moins parfaite mais assez
semblable, clans les écrits d'Alex. Benedetti, chirurgien du xvie
siècle (Malgaigne, introduct. à Amb. Paré, pag. io3).
La hernie réduite, l'opérateur saisit la racine des bourses aussi
près que possible de l'anneau, et tient le cordon isolé entre l'indi-
cateur et le pouce de la main gauche. Ensuite il enfonce au-devant
des ongles de ces deux doigts une épingle qui passe en arrière des
enveloppes de la hernie, et près du ligament suspenseur de la
verge. Cette épingle elle-même est passée au travers d'un petit bou-
chon de liège qui touche à sa tête, et une fois que sa pointe est
sortie, on la loge aussi dans un autre petit bouchon semblable,
puis on rapproche les deux bouchons l'un de l'autre, de manière,
tout d'une fois, à serrer les tissus embrassés par l'épingle et à pro-
téger la peau contre les extrémités de la tige; il est bon de tordre
la pointe sur le second bouchon , afin qu'elle soit solidement
maintenue. — Cette épingle étant posée, on en place une se-
conde à i et demi ou 2 centimètres (6 ou 8 lignes) plus en de-
hors et parallèle à la première, en observant les mêmes précau-
tions , et faisant en sorte que le cordon se trouve placé entre les
deux. Ordinairement deux aiguilles suffisent ; cependant si la
hernie était ancienne et le sac considérable, on pourrait en passer
un plus grand nombre. Alors il faudrait commencer par celle
qui doit traverser le sac dans son milieu et disposer ensuite celles
qui doivent être sur les côtés. On attachera un fil à chaque mor-
ceau de liège, pour que, le gonflement de la peau survenant
autour de lui, on puisse le retirer facilement (Pl. 4o, fig. 1).
De la douleur et de l'inflammation se développent vers le
quatrième jour; du sixième au douzième on retire les épingles en
ayant la précaution de couper une de leurs extrémités avec de
forts ciseaux. L'ouverture herniaire doit être oblitérée en trois
semaines ou un mois. —Sur neuf malades opérés par M. Bonnet,
dont un vieillard, un enfant et sept adultes, on trouve quatre
guérisons, trois insuccès et deux morts.
MÉTHODE ET PROCÉDÉS DE M. VELPEAU.
M. Velpeau a employé deux méthodes différentes, l'injection et
les scarifications. Il a pensé qu'on pourrait se comporter à l'égard
d'un sac herniaire comme on le fait pour la tunique vaginale dans
l'hydrocèle, et en conséquence, il a injecté une petite quantité
d'iode dans cette poche. Le scrotum ayant été incisé, et le sac
mis à nu , on a fait une petite ponction à celui-ci avec la pointe
d'un bistouri, et tandis qu'un aide comprimait au niveau de
l'anneau inguinal externe afin d'empêcher la liqueur dépasser
dans le ventre, on poussait la solution d'iode avec une petite
seringue dont le canon était fixé sur l'ouverture du sac. Deux
tentatives ont été faites par ce procédé. Chez l'un des malades ,
homme adulte, aucun accident n'avait paru jusqu'au vingt-cin-
quième jour et tout était terminé du côté de l'opération, lorsque
survint tout-à-coup une affection rhumatismale compliquée de
péricardite. La mort eut lieu six mois après l'opération; on vit
à l'autopsie que le sac n'avait subi aucun travail d'oblitération ,
ce qui fit penser que probablement le liquide n'avait pas été
porté dans sa cavité. Le second malade , âgé de 5o à 60 ans, eut
de nombreux abcès au scrotum et dans le trajet du canal ingui-
nal. On parvint à dissiper tous les accidens, mais la hernie ne fut
point guérie.
Ajoutons que Walter a conseillé d'injecter du sang dans la
cavité du sac.
Une seconde méthode de M. Velpeau consiste à scarifier l'inté-
rieur du sac. Pour cela il invagine la peau du scrotum et en
soutient le cid-de-sac, non avec le doigt, mais avec un gorgeret
plat. Sur celui-ci il glisse une aiguille longue portée sur un man-
che et terminée en fer de lance; puis, la conduisant obliquement
à travers la peau, il pénètre dans l'intérieur du sac et au pourtour
du collet, faisant à ces deux parties de petites scarifications (pl. 4o,
fig. 6). Exécutées de cette manière, les scarifications ont été faites
le même jour sur les deux hernies inguinales d'un homme de
16 ans. Une mouche de taffetas gommé sur la ponction cutanée
et une compression légère aidée de topiques résolutifs , sur la
région , ont été les seuls soins consécutifs : aucun accident n'est
survenu, mais les deux hernies se sont reproduites comme avant
l'opération.
Appréciation générale. En résumé, voilà de nouveaux efforts
tentés en vue de la cure radicale des hernies. Malgré quelque
parenté reconnaissable avec plusieurs des méthodes des siècles
passés , il est clair qu'ici l'on a agi avec une prudence éclairée,
pour écarter les principales causes de danger. Fortifiés par les con-
naissances d'anatomie chirurgicale et l'adresse opératoire, si
remarquables à notre époque, les chirurgiens sont parvenus à
respecter le cordon, le testicule, les vaisseaux et même le péri-
toine. Mais à quoi sert toute cette science chirurgicale , si les
accidens consécutifs peuvent compromettre le bénéfice de l'opé-
ration et rendre la situation du malade plus périlleuse qu'elle ne
l'était avant?
Au-dessus de l'art manuel, il y a toujours la question d'uti-
lité réelle, d'avantage positif, qui se présente à l'esprit du chirur-
gien consciencieux. On veut savoir si les chances sont égales entre
l'avantage obtenu et les dangers qui, malgré nos prévisions les
plus justes, peuvent venir compliquer toute opération, même
simple, et, à plus forte raison, une opération faite au voisinage
de la grande cavité péritonéale. Si I on a obtenu dans quelques
cas la cure définitive, combien aussi de malades, infirmes comme
avant, combien ont traversé des périls sérieux ! La mort même
chez quelques-uns est venue tromper le courage du patient, et
l'habileté, pourtant si attentive et si prévoyante, du chirurgien.
Aussi ne nous étonnons pas si des hommes sages se refusent en-
core à tenter la cure radicale d'une maladie aussi rebelle. Il est
triste sans doute d'assujettir à jamais un malade à un traitement
palliatif, dont l'oubli momentané ou l'action défectueuse expose
à l'étranglement de la hernie et à ses suites; il est louable, en con-
séquence, de rechercher un remède contre un mal cpii, s'il est
souvent léger, peut d'un moment à l'autre devenir grave et fu-
neste ; mais que faire aujourd'hui, sinon attendre encore ?
Disons-le nettement, dans la hernie indolente, comme il n'y a
pas de danger actuel, il n'y a pas non plus nécessité d'agir, et
par conséquent le chirurgien doit s'abstenir de toute opération ,
puisque la plus simple peut compromettre la santé ou même la
vie du malade.Ainsi donc, d'après l'expérience acquise, entre tous
les moyens dont on a fait l'essai, la compression par le brayer
est encore celui que l'on doit préférer, car elle est inoffensive lors-
cju'elle est faite avec un peu d'intelligence, et si elle ne guérit cpie
rarement la maladie, du moins elle en prévient toujours les acci-
dens , sans être elle-même une nouvelle cause de danger.
OPÉRATIONS SPÉCIALES.
passées à travers ses parois, et maintenues en place pendant quel-
ques jours : on retrouve une opération, moins parfaite mais assez
semblable, clans les écrits d'Alex. Benedetti, chirurgien du xvie
siècle (Malgaigne, introduct. à Amb. Paré, pag. io3).
La hernie réduite, l'opérateur saisit la racine des bourses aussi
près que possible de l'anneau, et tient le cordon isolé entre l'indi-
cateur et le pouce de la main gauche. Ensuite il enfonce au-devant
des ongles de ces deux doigts une épingle qui passe en arrière des
enveloppes de la hernie, et près du ligament suspenseur de la
verge. Cette épingle elle-même est passée au travers d'un petit bou-
chon de liège qui touche à sa tête, et une fois que sa pointe est
sortie, on la loge aussi dans un autre petit bouchon semblable,
puis on rapproche les deux bouchons l'un de l'autre, de manière,
tout d'une fois, à serrer les tissus embrassés par l'épingle et à pro-
téger la peau contre les extrémités de la tige; il est bon de tordre
la pointe sur le second bouchon , afin qu'elle soit solidement
maintenue. — Cette épingle étant posée, on en place une se-
conde à i et demi ou 2 centimètres (6 ou 8 lignes) plus en de-
hors et parallèle à la première, en observant les mêmes précau-
tions , et faisant en sorte que le cordon se trouve placé entre les
deux. Ordinairement deux aiguilles suffisent ; cependant si la
hernie était ancienne et le sac considérable, on pourrait en passer
un plus grand nombre. Alors il faudrait commencer par celle
qui doit traverser le sac dans son milieu et disposer ensuite celles
qui doivent être sur les côtés. On attachera un fil à chaque mor-
ceau de liège, pour que, le gonflement de la peau survenant
autour de lui, on puisse le retirer facilement (Pl. 4o, fig. 1).
De la douleur et de l'inflammation se développent vers le
quatrième jour; du sixième au douzième on retire les épingles en
ayant la précaution de couper une de leurs extrémités avec de
forts ciseaux. L'ouverture herniaire doit être oblitérée en trois
semaines ou un mois. —Sur neuf malades opérés par M. Bonnet,
dont un vieillard, un enfant et sept adultes, on trouve quatre
guérisons, trois insuccès et deux morts.
MÉTHODE ET PROCÉDÉS DE M. VELPEAU.
M. Velpeau a employé deux méthodes différentes, l'injection et
les scarifications. Il a pensé qu'on pourrait se comporter à l'égard
d'un sac herniaire comme on le fait pour la tunique vaginale dans
l'hydrocèle, et en conséquence, il a injecté une petite quantité
d'iode dans cette poche. Le scrotum ayant été incisé, et le sac
mis à nu , on a fait une petite ponction à celui-ci avec la pointe
d'un bistouri, et tandis qu'un aide comprimait au niveau de
l'anneau inguinal externe afin d'empêcher la liqueur dépasser
dans le ventre, on poussait la solution d'iode avec une petite
seringue dont le canon était fixé sur l'ouverture du sac. Deux
tentatives ont été faites par ce procédé. Chez l'un des malades ,
homme adulte, aucun accident n'avait paru jusqu'au vingt-cin-
quième jour et tout était terminé du côté de l'opération, lorsque
survint tout-à-coup une affection rhumatismale compliquée de
péricardite. La mort eut lieu six mois après l'opération; on vit
à l'autopsie que le sac n'avait subi aucun travail d'oblitération ,
ce qui fit penser que probablement le liquide n'avait pas été
porté dans sa cavité. Le second malade , âgé de 5o à 60 ans, eut
de nombreux abcès au scrotum et dans le trajet du canal ingui-
nal. On parvint à dissiper tous les accidens, mais la hernie ne fut
point guérie.
Ajoutons que Walter a conseillé d'injecter du sang dans la
cavité du sac.
Une seconde méthode de M. Velpeau consiste à scarifier l'inté-
rieur du sac. Pour cela il invagine la peau du scrotum et en
soutient le cid-de-sac, non avec le doigt, mais avec un gorgeret
plat. Sur celui-ci il glisse une aiguille longue portée sur un man-
che et terminée en fer de lance; puis, la conduisant obliquement
à travers la peau, il pénètre dans l'intérieur du sac et au pourtour
du collet, faisant à ces deux parties de petites scarifications (pl. 4o,
fig. 6). Exécutées de cette manière, les scarifications ont été faites
le même jour sur les deux hernies inguinales d'un homme de
16 ans. Une mouche de taffetas gommé sur la ponction cutanée
et une compression légère aidée de topiques résolutifs , sur la
région , ont été les seuls soins consécutifs : aucun accident n'est
survenu, mais les deux hernies se sont reproduites comme avant
l'opération.
Appréciation générale. En résumé, voilà de nouveaux efforts
tentés en vue de la cure radicale des hernies. Malgré quelque
parenté reconnaissable avec plusieurs des méthodes des siècles
passés , il est clair qu'ici l'on a agi avec une prudence éclairée,
pour écarter les principales causes de danger. Fortifiés par les con-
naissances d'anatomie chirurgicale et l'adresse opératoire, si
remarquables à notre époque, les chirurgiens sont parvenus à
respecter le cordon, le testicule, les vaisseaux et même le péri-
toine. Mais à quoi sert toute cette science chirurgicale , si les
accidens consécutifs peuvent compromettre le bénéfice de l'opé-
ration et rendre la situation du malade plus périlleuse qu'elle ne
l'était avant?
Au-dessus de l'art manuel, il y a toujours la question d'uti-
lité réelle, d'avantage positif, qui se présente à l'esprit du chirur-
gien consciencieux. On veut savoir si les chances sont égales entre
l'avantage obtenu et les dangers qui, malgré nos prévisions les
plus justes, peuvent venir compliquer toute opération, même
simple, et, à plus forte raison, une opération faite au voisinage
de la grande cavité péritonéale. Si I on a obtenu dans quelques
cas la cure définitive, combien aussi de malades, infirmes comme
avant, combien ont traversé des périls sérieux ! La mort même
chez quelques-uns est venue tromper le courage du patient, et
l'habileté, pourtant si attentive et si prévoyante, du chirurgien.
Aussi ne nous étonnons pas si des hommes sages se refusent en-
core à tenter la cure radicale d'une maladie aussi rebelle. Il est
triste sans doute d'assujettir à jamais un malade à un traitement
palliatif, dont l'oubli momentané ou l'action défectueuse expose
à l'étranglement de la hernie et à ses suites; il est louable, en con-
séquence, de rechercher un remède contre un mal cpii, s'il est
souvent léger, peut d'un moment à l'autre devenir grave et fu-
neste ; mais que faire aujourd'hui, sinon attendre encore ?
Disons-le nettement, dans la hernie indolente, comme il n'y a
pas de danger actuel, il n'y a pas non plus nécessité d'agir, et
par conséquent le chirurgien doit s'abstenir de toute opération ,
puisque la plus simple peut compromettre la santé ou même la
vie du malade.Ainsi donc, d'après l'expérience acquise, entre tous
les moyens dont on a fait l'essai, la compression par le brayer
est encore celui que l'on doit préférer, car elle est inoffensive lors-
cju'elle est faite avec un peu d'intelligence, et si elle ne guérit cpie
rarement la maladie, du moins elle en prévient toujours les acci-
dens , sans être elle-même une nouvelle cause de danger.