SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
COUP-D'OEIL HISTORIQUE
SUR LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL,
Si l'étude des centres nerveux cérébraux et rachidiens n'est pas
plus avancée dans son ensemble et ses détails; si aujourd'hui
encore elle ne fait, en quelque sorte, qu'irriter nos instincts
scientifiques sans les satisfaire, ce n'est pourtant pas que l'im-
portance organique des masses nerveuses centrales n'ait été par-
faitement comprise, et que les travaux de recherches qui s'y
rapportent, n'aient été poursuivis avec passion et persévérance
par une suite de générations des anatomistes les plus éminens
depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.
Les premières études sur le système et les centres nerveux,
de même que la plupart des grandes théories opposées qui
semblent devoir se combattre éternellement dans les sciences,
venues originairement, selon toute probabilité, du fond de
l'Orient, avec les germes de toutes les connaissances humaines, se
perdent dans la nuit de l'antiquité grecque. Après Pjthagore,
le mystique révélateur de la science des prêtres égyptiens, déjà
l'on voit son disciple, Alcmèon de Crotone (5ao avant J.-C. ),
livré à l'étude de l'anatomie. Alcméon a remarqué que la tète
du fœtus des animaux est la partie qui se forme la première
et croit que le liquide séminal dérive du cerveau. Empédocle,
qui avait reconnu l'analogie de la poussière fécondante des
végétaux avec l'œuf des animaux, passe aussi pour avoir décou-
vert le limaçon de l'oreille interne. Environ un siècle plus tard,
on voit Démocrite étudier le cerveau pour y chercher la cause de la
folie, preuve qu'il le considérait déjà comme le siège de l'intelli-
gence. Ces notions transpirent dans Hippocrate et deviennent plus
précises dans Aristote qui décrit les membranes encéphaliques,
plusieurs des nerfs de l'œil, et déclare que l'homme, est, de tous
les animaux, celui qui offre le cerveau le plus volumineux.
Avec le prince des savans de l'antiquité commence pour
l'anatomie, comme pour toutes les sciences naturelles, une ère
nouvelle dans l'école grecque d'Alexandrie. Praxagoras de Cos,
disciple d'Aristote, distingue les nerfs des tissus fibreux. Hèrophile,
élève de Praxagoras (an 3oo avant J.-C), décrit les corps striés, les
T. III
plexus choroïdes, le calamus scriptorius et le confluent veineux
qui porte son nom. Il sait que les nerfs sont les organes des
sensations et communiquent avec le cerveau, soit directement,
soit par l'intermédiaire de la moelle. Petit fils d'Aristote par sa
fille Pythias, d'après les uns, ou seulement son fils d'adoption,
suivant Sextus Empiricus, Erasistrate distingue les nerfs du
sentiment, qui procèdent de la substance du cerveau, des nerfs
du mouvement, qui viennent des membranes. Il compare les cir-
convolutions et les anfractuosités du cerveau à celles de l'intestin
grêle, et croit que cette disposition est en rapport avec le déve-
loppement de l'intelligence. Enfin, par une vue physiologique
que l'on s'étonne de voir concorder avec les recherches expéri-
mentales toutes récentes de MM. Flourenset Bouillaud sur le cer-
velet, il pense que les anfractuosités de cet organe sont d'autant
plus grandes dans les animaux, qu'ils sont meilleurs coureurs.
Mais Philotime va encore plus loin. Galien, précisément par le
reproche qu'il lui en fait, nous apprend que cet anatomiste
considérait le cerveau comme une efflorescence de la moelle, tiee
première, dont les circonvolutions ne seraient que l'enroulement
de sa substance amplifiée. Cette opinion, à l'origine de la science,
est d'autant plus remarquable, quelle est flanquée, pour ainsi
dire, parallèlement, par une autre, aussi lumineuse, du même
anatomiste, qui fait procéder les veines du cœur, tandis que long-
temps après, Galien lui-même ne les faisait encore venir que du
foie. En vérité! en lisant l'histoire, on ne sait d'où ont pu
venir à quelques génies précurseurs et prime-sautiers, certaines
inspirations que, dans notre ignorance des données qui les ont
fait naître, nous ne pouvons considérer que comme instinctives
et qui, en tout cas, étaient bien prématurées, puisque la confir-
mation n'a pu s'en faire que dans une autre civilisation et après
tant des siècles. Au reste, cette portée philosophique extraordi-
naire d'une science encore si nouvelle, dans l'école d'Alexandrie,
semble tenir à deux conditions : au génie grec d'abord, d'un
instinct si positif et si sûr; puis à l'avantage, résultat de ce génie
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COUP-D'OEIL HISTORIQUE
SUR LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL,
Si l'étude des centres nerveux cérébraux et rachidiens n'est pas
plus avancée dans son ensemble et ses détails; si aujourd'hui
encore elle ne fait, en quelque sorte, qu'irriter nos instincts
scientifiques sans les satisfaire, ce n'est pourtant pas que l'im-
portance organique des masses nerveuses centrales n'ait été par-
faitement comprise, et que les travaux de recherches qui s'y
rapportent, n'aient été poursuivis avec passion et persévérance
par une suite de générations des anatomistes les plus éminens
depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.
Les premières études sur le système et les centres nerveux,
de même que la plupart des grandes théories opposées qui
semblent devoir se combattre éternellement dans les sciences,
venues originairement, selon toute probabilité, du fond de
l'Orient, avec les germes de toutes les connaissances humaines, se
perdent dans la nuit de l'antiquité grecque. Après Pjthagore,
le mystique révélateur de la science des prêtres égyptiens, déjà
l'on voit son disciple, Alcmèon de Crotone (5ao avant J.-C. ),
livré à l'étude de l'anatomie. Alcméon a remarqué que la tète
du fœtus des animaux est la partie qui se forme la première
et croit que le liquide séminal dérive du cerveau. Empédocle,
qui avait reconnu l'analogie de la poussière fécondante des
végétaux avec l'œuf des animaux, passe aussi pour avoir décou-
vert le limaçon de l'oreille interne. Environ un siècle plus tard,
on voit Démocrite étudier le cerveau pour y chercher la cause de la
folie, preuve qu'il le considérait déjà comme le siège de l'intelli-
gence. Ces notions transpirent dans Hippocrate et deviennent plus
précises dans Aristote qui décrit les membranes encéphaliques,
plusieurs des nerfs de l'œil, et déclare que l'homme, est, de tous
les animaux, celui qui offre le cerveau le plus volumineux.
Avec le prince des savans de l'antiquité commence pour
l'anatomie, comme pour toutes les sciences naturelles, une ère
nouvelle dans l'école grecque d'Alexandrie. Praxagoras de Cos,
disciple d'Aristote, distingue les nerfs des tissus fibreux. Hèrophile,
élève de Praxagoras (an 3oo avant J.-C), décrit les corps striés, les
T. III
plexus choroïdes, le calamus scriptorius et le confluent veineux
qui porte son nom. Il sait que les nerfs sont les organes des
sensations et communiquent avec le cerveau, soit directement,
soit par l'intermédiaire de la moelle. Petit fils d'Aristote par sa
fille Pythias, d'après les uns, ou seulement son fils d'adoption,
suivant Sextus Empiricus, Erasistrate distingue les nerfs du
sentiment, qui procèdent de la substance du cerveau, des nerfs
du mouvement, qui viennent des membranes. Il compare les cir-
convolutions et les anfractuosités du cerveau à celles de l'intestin
grêle, et croit que cette disposition est en rapport avec le déve-
loppement de l'intelligence. Enfin, par une vue physiologique
que l'on s'étonne de voir concorder avec les recherches expéri-
mentales toutes récentes de MM. Flourenset Bouillaud sur le cer-
velet, il pense que les anfractuosités de cet organe sont d'autant
plus grandes dans les animaux, qu'ils sont meilleurs coureurs.
Mais Philotime va encore plus loin. Galien, précisément par le
reproche qu'il lui en fait, nous apprend que cet anatomiste
considérait le cerveau comme une efflorescence de la moelle, tiee
première, dont les circonvolutions ne seraient que l'enroulement
de sa substance amplifiée. Cette opinion, à l'origine de la science,
est d'autant plus remarquable, quelle est flanquée, pour ainsi
dire, parallèlement, par une autre, aussi lumineuse, du même
anatomiste, qui fait procéder les veines du cœur, tandis que long-
temps après, Galien lui-même ne les faisait encore venir que du
foie. En vérité! en lisant l'histoire, on ne sait d'où ont pu
venir à quelques génies précurseurs et prime-sautiers, certaines
inspirations que, dans notre ignorance des données qui les ont
fait naître, nous ne pouvons considérer que comme instinctives
et qui, en tout cas, étaient bien prématurées, puisque la confir-
mation n'a pu s'en faire que dans une autre civilisation et après
tant des siècles. Au reste, cette portée philosophique extraordi-
naire d'une science encore si nouvelle, dans l'école d'Alexandrie,
semble tenir à deux conditions : au génie grec d'abord, d'un
instinct si positif et si sûr; puis à l'avantage, résultat de ce génie
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