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artistique des années 1748-1749, à Berlin. A trente ans de
distance, Pigalle est recommencé par son ami Coustou.
Extrait du Bulletin de la Société des sciences et arts
du Beaujolais'1.
Nous arrivâmes donc à Paris le 18 [décembre] sur les neuf
heures du matin, et il en était dix avant que d'être gîté. Je
n'avais pas beaucoup d'affaires à Paris..., j'y vis précipitam-
ment quelques-unes de mes connaissances; j'allai recon-
naître, comme à chaque voyage, les places, les édifices, les
monuments auxquels on travaille; je vis entre autres avec le
plus grand intérêt le vaste et magnifique tombeau du Maré-
chal de Saxe, dont il ne reste plus que quelques parties à
finir. Le maréchal descend au tombeau que la Mort lui
montre, avec un air ferme, sans morgue, grand, sans fierté; la
France, accablée de crainte et de douleur, veut le retenir d'une
main et repousse la Mort de l'autre; à droite sont le lion, le
léopard et l'aigle renversés sur des armes brisées ou fuyant à
travers; à gauche sont les drapeaux de la France, du côté des-
quels est tourné le Génie de la Guerre en pleurs; à l'autre bout
du tombeau, vis-à-vis la Mort, est Hercule, symbole de la
force, triste, pensif et semblant abandonner et renoncer à
toute entreprise qui en demande. La composition est noble et
fort ingénieuse et les détails traités avec beaucoup d'art; l'en-
semble est admirable.
Je vis dans le même atelier de M. Pigalle un groupe de sa
façon, de 4 pieds à 4 pieds et 1/2 de haut, représentant l'amour
et l'amitié, d'un travail fini et très délicat, et une statue de
même hauteur de M"" de Pompadour, également bien faite.
Tout ce qui est figures ou tombeau est en marbre blanc, l'ar-
chitecture seule est en marbre noir. J'y vis aussi d'excellents
antiques, mais entre autres un grand morceau en marbre
blanc qui m'a paru de la plus rare beauté; c'est un Persée
venant de couper la tête de Méduse, sanglante près de lui, qui,
d'un air tranquille et assuré, est assis la jambe croisée sur
une cuisse et tenant encore en main son épée dégouttante;
brisée par parties, elles ont été rejointes au mieux.
Je fus de là chez M. Coustou, où se commence le tombeau
du dauphin et de la dauphine. L'autre est pour être plaqué :
on doit faire le tour de celui-ci. C'est un tombeau très élevé2
1. 14° année, n° 5i, janvier-mars igi3, p. 43.
2. Le tombeau, à Sens, n'est pas « très élevé »; il est même
1913 11
artistique des années 1748-1749, à Berlin. A trente ans de
distance, Pigalle est recommencé par son ami Coustou.
Extrait du Bulletin de la Société des sciences et arts
du Beaujolais'1.
Nous arrivâmes donc à Paris le 18 [décembre] sur les neuf
heures du matin, et il en était dix avant que d'être gîté. Je
n'avais pas beaucoup d'affaires à Paris..., j'y vis précipitam-
ment quelques-unes de mes connaissances; j'allai recon-
naître, comme à chaque voyage, les places, les édifices, les
monuments auxquels on travaille; je vis entre autres avec le
plus grand intérêt le vaste et magnifique tombeau du Maré-
chal de Saxe, dont il ne reste plus que quelques parties à
finir. Le maréchal descend au tombeau que la Mort lui
montre, avec un air ferme, sans morgue, grand, sans fierté; la
France, accablée de crainte et de douleur, veut le retenir d'une
main et repousse la Mort de l'autre; à droite sont le lion, le
léopard et l'aigle renversés sur des armes brisées ou fuyant à
travers; à gauche sont les drapeaux de la France, du côté des-
quels est tourné le Génie de la Guerre en pleurs; à l'autre bout
du tombeau, vis-à-vis la Mort, est Hercule, symbole de la
force, triste, pensif et semblant abandonner et renoncer à
toute entreprise qui en demande. La composition est noble et
fort ingénieuse et les détails traités avec beaucoup d'art; l'en-
semble est admirable.
Je vis dans le même atelier de M. Pigalle un groupe de sa
façon, de 4 pieds à 4 pieds et 1/2 de haut, représentant l'amour
et l'amitié, d'un travail fini et très délicat, et une statue de
même hauteur de M"" de Pompadour, également bien faite.
Tout ce qui est figures ou tombeau est en marbre blanc, l'ar-
chitecture seule est en marbre noir. J'y vis aussi d'excellents
antiques, mais entre autres un grand morceau en marbre
blanc qui m'a paru de la plus rare beauté; c'est un Persée
venant de couper la tête de Méduse, sanglante près de lui, qui,
d'un air tranquille et assuré, est assis la jambe croisée sur
une cuisse et tenant encore en main son épée dégouttante;
brisée par parties, elles ont été rejointes au mieux.
Je fus de là chez M. Coustou, où se commence le tombeau
du dauphin et de la dauphine. L'autre est pour être plaqué :
on doit faire le tour de celui-ci. C'est un tombeau très élevé2
1. 14° année, n° 5i, janvier-mars igi3, p. 43.
2. Le tombeau, à Sens, n'est pas « très élevé »; il est même
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