Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
BULLETIN DE L'ART POUR TOUS

N° 84

Les verres ornés de graffiti, de compositions
au Irait, sont d'une industrie assez commune, et
qui dura longtemps; les images très variées qui
les décorent appartiennent à l'art païen clas-
sique, à la vie romaine, au christianisme. Les
images chrétiennes, traitées d'une main libre et
rapide, sont parfois accompagnées de légendes;
un exemple des plus curieux en est donné par
la célèbre coupe découverte en 1873 à Podgo-

Fig. 241. — Coupe de Podgoritza.
(Musée de l'Ermitage.)

ritza d'Albanie (fig. 241). Elle renferme tout
l'essentiel du cycle biblique des catacombes : un
médaillon central, le Sacrifice d'Abraham, et
tout autour, Jonas, Adam et Eve, Lazare ressus-
cité, Moïse frappant le rocher, Daniel entre les
lions, les troisjeunes Hébreux, Suzanne délivrée.
Quelle barbarie enfantine de dessin! Et dans
quel latin sont écrites ces légendes ! Lisons-les
cependant; nous y trouverons une justification
bien précieuse du sens que nous avons attribué
aux principales peintures des catacombes :
« Jonas est délivré des entrailles du monslre —
Suzanne de la calomnie — Daniel de l'antre des
lions — les trois enfants de la fournaise. » Ce
sont les termes mômes des plus anciennes
liturgies funéraires. Les autres sujets, Adam et
Eve, Lazare ressuscité, ont une explication aussi
simple; le dernier enfin, Moïse frappant le
rocher, nous confirme par sa légende un sym-
bole cher à l'art chrétien : « Pierre frappe le
rocher : les eaux commencent à courir. » \

III. Verres dorés. — C'est aux catacombes
que l'on a trouvé la plupart de ces précieux
verres ornés de figures et de lettres en or, une
des richesses les plus singulières de l'art chré-
tien. Ils enferment entre deux minces lamelles
une feuille d'or où des figures, des inscriptions
sont dessinées à la pointe, parfois modelées
d'ombres légères ou rehaussées de couleurs. De
ces verres à fond d'or nous n'avons guère que
des fragments, surtout des fonds de coupe, que

Fig. 2'i2. — Verre doré, détail.
(Collection Recupcro, à Catane.)

l'on trouve fixés au ciment des tombes. On n'a
point rencontré de ces frêles objets dans les
tombes construites à la surface du sol ; ils y
étaient trop exposés au pillage, et nous savons
que la rapacité des anciens marchands juifs,
pour saisir quelques parcelles d'or, en a détruit
ou mutilé un grand nombre. L'industrie des
verres à fond d'or doit s'être formée vers le
milieu du m0 siècle et n'a guère duré au delà
du ive; elle était localisée à Rome, semble-l-il.
Elle eut des ateliers païens, peut-être un atelier
juif, avant d'appartenir au christianisme. On
rencontre en effet, parmi les images des verres
dorés, de nombreux emprunts à la mythologie,

figuresde dieux et dedéesses, travaux d'Hercule,
rapt de Proserpine, Amour et Psyché, Achille et
Dcidamia, des allégories, des chasses, des
scènes de métier, de théâtre, de la vie du cirque,

Fig. 243. — Verre doré.
(Musé3 chrétien du Vatican.)

de la vie intime, un mariage, des portraits de
famille, enfin des symboles juifs, le chandelier à
sept branches, l'arche d'alliance.

Les sujets chrétiens, fort nombreux, ne sont
pas moins variés. Ils procèdent de l'art des cala-
combes et de l'art nouveau. Plusieurs ont cette
disposition que nous avons souvent remarquée
aux plafonds des cryptes : autour d'un médaillon
central rayonnent des compartiments ornés de

Fig. 244. — Verre doré.
(Bianohini, Ad Anastas., Il, 2V7.)

sujets bibliques (fig. 242). J'ai cité les plus fré-
quents de ces sujets en décrivant la coupe de
Podgoritza, qui reproduit au ve siècle le type
classique des verres dorés. Deux fonds de
coupe présentent Moïse frappant le rocher, avec
l'inscription : PETRVS. Une admirable patène
du British Muséum, ornée des images tradition-
nelles de la Résurrection, diffère par la technique
des ouvrages précédents : l'or n'y est point
protégé par une seconde feuille de verre, mais
bien seulement par de nombreux rehauts de
peinture, qui donnent à la décoration une grande
vivacité.

Parmi les sujets habituels empruntés au Nou-
veau Testament, nous rencontrons sur les
verres dorés le Bon Pasteur, la Multiplication

Fig. 245. — Verre doré.
(Collection Hccupero, à Catane.)

des pains, la Ouérison du paralytique, la Résur-
rection de Lazare. Mais ce qui doit le plus nous
intéresser, ce sont les nombreux verres qui
présentent des images de saints; Jésus paraît
souvent entre saint Pierre et saint Paul; voici
môme, sur un fond de coupe de la Bibliothèque
Vaticane, la composition achevée des mosaïques
absidales, si complète que l'on peut hésiter à la
croire du ive siècle (fig. 243). Souvent c'est la
Vierge qui est figurée orante, entre des arbres
et des colombes, entre saint Pierre et saint Paul
(fig, 244). Puis ce sont des réunions de saints
auxquelles préside le Christ (fig. 245) ; ce sont de

petits portraits en buste dans le cercle d'un mé-
daillon ; celui de saint Calliste est d'une vie,
d'une finesse, d'un esprit parfaits. Un joli fond
de coupe réunit autour du médaillon de deux
jeunes époux que bénit Jésus, les saints les
plus vénérés, Pierre, Paul, Laurent, Xyste,
Cyprien, Hippolyte ; ils n'ont, il est vrai, ni
caractère propre ni attributs, non plus que les
douze apôtres qui entourent, sur une autre petite

Fig. 24G. — Verre doré.
(Musée de Parme.)

coupe, un charmant buste du Christ (fig. 246).
Parmi les saintes, la gracieuse figure d'Agnès
obtient des honneurs tout particuliers (fig. 247).

Fig. 247. — Verre doré.
(Musée chrétien du Vatican.)

Il ne faut pas oublier enfin que plusieurs des
verres dorés publiés par le P. Garrucci sont de
très petite dimension. Ces médaillons minus-
cules, contenant tout ou partie d'un sujet
biblique, élaient insérés, souciés les uns près
des autres dans de larges coupes de verre
(fig. 248) ; détachés de ces coupes et entourés
d'un petit cercle de métal muni d'un anneau, on
les portait au cou, c'étaient des médailles de
dévotion.

On a vu que les verres chrétiens contiennent
toute une liturgie, et résument vraiment l'art
primitif. Mais quel fut l'emploi de ces verres à
fond d'or? Païens, ils durent servir aux usages
domestiques, aux festins, aux fêtes de famille ;
chrétiens, on a pu y voir les patènes qui con-
tenaient les hosties pendant le saint sacrifice, ou
encore les calices destinés au vin consacré; et
il est vrai que Tertullien cite, avec blâme, des
calices de verre où est peinte l'image du Bon
Pasteur {De pudicitia, 7, 10). Mais la forme de
presque tous ces vases ne semble point convenir
à cette destination ; ce sont des coupes, non des
calices ; beaucoup ont fait tout simplement
partie du mobilier chrétien ; et il ne faut pas
oublier que les inscriptions qu'ils portent sou-
vent nous parlent d'un cadeau amical, d'une
réjouissance : Cher ami, bois et vis heureux avec
les tiens. — Prenez une couronne et buve\. — Vis
joyeux avec tous les tiens ; vis toujours heureuse-
ment dans la paix de Dieu. — Si l'on songe aux
agapes chrétiennes, aux festins funèbres, et
surtout aux festins d'anniversaire où l'on célé-
brait la mémoire des saints, on comprendra
l'usage de ces précieuses coupes, et l'à-propos
des figures qui les ornent. Quatre-vingts coupes,
sur les trois cent quarante que publie le P. Gar-
rucci, portent les images de saint Pierre et de
| saint Paul, et n'était-ce pas déjà l'usage à Rome
de célébrer par des réjouissances publiques la
fête des deux grands apôtres?

André Pératté.

Fig 248. — Fragment do coupe.
(Collection Disch, a Cologne )
 
Annotationen