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BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
Il est absent de tous les musées d’Europe, à
l’exception de celui de Vienne où M. von Engerth
a fourni sur lui, en 1884, quelques renseigne-
ments extraits des anciens inventaires (1).
Le style, le coloris, la facture et l’ordonnance
de ses guirlandes et de ses bouquets de fleurs font
supposer qu’il fut élève du père Daniel Seghers
(i5go-i66i) ; sa collaboration possible avec Cor-
neille Schut (1097-7i655) donne à penser, en
outre, que le tableau de la collection Barbier,
daté de 1641, fut peint à Anvers, dont, consé-
quemment, l’auteur pourrait bien être originaire.
Cependant, les Liggeren de la gilde de Saint
Luc ne contiennent pas son nom; toutefois, en
1610, ils enregistrent celui de « Jean Yander Ba-
ren, marchand de drap » qui pourrait être son
père. L’ancien catalogue du musée d’Anvers, si
précieux au point de vue des généalogies et
des rapports de maîtres à élèves, ne le cite pas
davantage.
Quoi qu'il en soit, 0:1 sait que Yander Baren
résida à Bruxelles, sous le gouvernement de
l’archiduc Léopold-Guillaume (i6q6-i656), grand
amateur d’art et possesseur d'une célèbre galerie
de tableaux dont David Teniers fut le conserva-
teur. Il devint le chapelain du gouverneur-général.
Lorsqu’on i656 , Léopold - Guillaume quitta
Bruxelles, emportant avec lui le musée qu’il y
avait formé, Yander Baren suivit l’archiduc et
devint, à Vienne, l’inspecteur de ses collections
d’art. Un inventaire daté de i65g et auquel il
collabora, lui donne les titres de « chanoine et
chapelain de la Maison de S. A. l’Archiduc ».
On le retrouve avec cette qualité dans le testa-
ment daté du g octobre 1661, dans lequel
l'archiduc lui lègue 4,000 florins. Son nom se ren-
contre pour la dernière fois dans les documents
viennois, sous la date de janvier i663 (2). A ces
détails sommaires, l’inscription du tableau de la
collection Barbier apporte un renseignement nou-
veau, celui de la date du décès de notre auteur :
3i décembre 1686.
Sa qualité de peintre serait sans doute demeu-
rée ignorée, n'était la mention de treize tableaux
de sa main relevée dans l’inventaire du 14 juil-
let i65g et l’existence de l’un d’eux, signé
Vander Baren F., au musée impérial de Vienne,
sous le n° 1196, accompagné de son pendant, le
n° 1109. Il montre des fleurs entourant une niche
en pierre renfermant une statue en bronze de la
(1) Kunsthistorische Sammlnngen des allerhôchsten
Kaiserhauses. Gemâlde. T. II, p. i5.
(2) Voir le Catalogue de von Engerth, t. I. p. XLVII.
Vierge avec l’Enfant ; le pendant qui a les
mêmes dimensions (i.56Xi.o6) mais qui 11’est
pas signé, montre également des fleurs autour
d’une niche dans laquelle est placée la statue du
Christ (1). L’inventaire à la rédaction duquel
Vander Baren travailla (2), ne fait aucune men-
tion d’une collaboration quelconque, ni pour
l’architecture, ni pour le petit tableau central.
Il se pourrait donc que Yander Baren fut non
seulement le peintre des fleurs ornementales,
mais de la composition tout entière, aussi bien
pour les deux tableaux de Vienne que pour celui
de la collection Barbier.
Le catalogue du musée viennois lui attribue
encore deux autres tableaux, les nos iog5 et 1096,
qui représentent des fleurs et des fruits entourant
des bustes de femme, en pierre (o.58 X 0.42).
Lors d’une do nos visites au musée impérial, nous
avons comparé les deux attributions avec les deux
peintures authentiques. Nous n'y avons pas
reconnu la même main. Par contre, l’important
spécimen mis l’autre jour aux enchères à la salle
Fievez et portant en toutes lettres le nom de
l’artiste, achève de nous fixer sur un petit maître
auquel sera probablement restitué un jour un
certain nombre de peintures non signées et attri-
buées à Daniel Seghers, avec les productions
duquel on les confond jusqu’ici.
*
* *
On permettra sans doute à un historien de la
peinture flamande, en même temps qu’il apporte
ces quelques détails sur un peintre oublié de
l’école nationale du xvne siècle, d’exprimer le
regret qu’un document artistique et historique
aussi intéressant ne soit pas demeuré dans le pays,
soit au musée communal d’Anvers, soit au musée
de l’Etat, à Bruxelles. Ne conviendrait-il pas,
chaque fois que l'occasion s'en présente, qu’on
reconstituât dans nos collections, à l’aide de
quelque spécimen de choix, la chaîne, aussi com-
plète que possible, de ceux qui, chez nous, ont
pratiqué l’art avec distinction.
Malheureusement, le tableau du chanoine Van-
der Baren n’a fait que traverser son pays d’ori-
gine. Revenu de la Lorraine, il est reparti pour
la Westphalie, adjugé pour la somme de 3,800 fr.,
à un collectionneur allemand aussi éclairé que
bien avisé, M. le conseiller Cremer, brasseur, à
Dortmund. A.-J. Wauters.
(1) Pour les descriptions détaillées, voir ce catalogue,
t. II, nos 673 et 674.
(2) Idem, t. I, p. XLV, note.
BULLETIN DES MUSEES ROYAUX
Il est absent de tous les musées d’Europe, à
l’exception de celui de Vienne où M. von Engerth
a fourni sur lui, en 1884, quelques renseigne-
ments extraits des anciens inventaires (1).
Le style, le coloris, la facture et l’ordonnance
de ses guirlandes et de ses bouquets de fleurs font
supposer qu’il fut élève du père Daniel Seghers
(i5go-i66i) ; sa collaboration possible avec Cor-
neille Schut (1097-7i655) donne à penser, en
outre, que le tableau de la collection Barbier,
daté de 1641, fut peint à Anvers, dont, consé-
quemment, l’auteur pourrait bien être originaire.
Cependant, les Liggeren de la gilde de Saint
Luc ne contiennent pas son nom; toutefois, en
1610, ils enregistrent celui de « Jean Yander Ba-
ren, marchand de drap » qui pourrait être son
père. L’ancien catalogue du musée d’Anvers, si
précieux au point de vue des généalogies et
des rapports de maîtres à élèves, ne le cite pas
davantage.
Quoi qu'il en soit, 0:1 sait que Yander Baren
résida à Bruxelles, sous le gouvernement de
l’archiduc Léopold-Guillaume (i6q6-i656), grand
amateur d’art et possesseur d'une célèbre galerie
de tableaux dont David Teniers fut le conserva-
teur. Il devint le chapelain du gouverneur-général.
Lorsqu’on i656 , Léopold - Guillaume quitta
Bruxelles, emportant avec lui le musée qu’il y
avait formé, Yander Baren suivit l’archiduc et
devint, à Vienne, l’inspecteur de ses collections
d’art. Un inventaire daté de i65g et auquel il
collabora, lui donne les titres de « chanoine et
chapelain de la Maison de S. A. l’Archiduc ».
On le retrouve avec cette qualité dans le testa-
ment daté du g octobre 1661, dans lequel
l'archiduc lui lègue 4,000 florins. Son nom se ren-
contre pour la dernière fois dans les documents
viennois, sous la date de janvier i663 (2). A ces
détails sommaires, l’inscription du tableau de la
collection Barbier apporte un renseignement nou-
veau, celui de la date du décès de notre auteur :
3i décembre 1686.
Sa qualité de peintre serait sans doute demeu-
rée ignorée, n'était la mention de treize tableaux
de sa main relevée dans l’inventaire du 14 juil-
let i65g et l’existence de l’un d’eux, signé
Vander Baren F., au musée impérial de Vienne,
sous le n° 1196, accompagné de son pendant, le
n° 1109. Il montre des fleurs entourant une niche
en pierre renfermant une statue en bronze de la
(1) Kunsthistorische Sammlnngen des allerhôchsten
Kaiserhauses. Gemâlde. T. II, p. i5.
(2) Voir le Catalogue de von Engerth, t. I. p. XLVII.
Vierge avec l’Enfant ; le pendant qui a les
mêmes dimensions (i.56Xi.o6) mais qui 11’est
pas signé, montre également des fleurs autour
d’une niche dans laquelle est placée la statue du
Christ (1). L’inventaire à la rédaction duquel
Vander Baren travailla (2), ne fait aucune men-
tion d’une collaboration quelconque, ni pour
l’architecture, ni pour le petit tableau central.
Il se pourrait donc que Yander Baren fut non
seulement le peintre des fleurs ornementales,
mais de la composition tout entière, aussi bien
pour les deux tableaux de Vienne que pour celui
de la collection Barbier.
Le catalogue du musée viennois lui attribue
encore deux autres tableaux, les nos iog5 et 1096,
qui représentent des fleurs et des fruits entourant
des bustes de femme, en pierre (o.58 X 0.42).
Lors d’une do nos visites au musée impérial, nous
avons comparé les deux attributions avec les deux
peintures authentiques. Nous n'y avons pas
reconnu la même main. Par contre, l’important
spécimen mis l’autre jour aux enchères à la salle
Fievez et portant en toutes lettres le nom de
l’artiste, achève de nous fixer sur un petit maître
auquel sera probablement restitué un jour un
certain nombre de peintures non signées et attri-
buées à Daniel Seghers, avec les productions
duquel on les confond jusqu’ici.
*
* *
On permettra sans doute à un historien de la
peinture flamande, en même temps qu’il apporte
ces quelques détails sur un peintre oublié de
l’école nationale du xvne siècle, d’exprimer le
regret qu’un document artistique et historique
aussi intéressant ne soit pas demeuré dans le pays,
soit au musée communal d’Anvers, soit au musée
de l’Etat, à Bruxelles. Ne conviendrait-il pas,
chaque fois que l'occasion s'en présente, qu’on
reconstituât dans nos collections, à l’aide de
quelque spécimen de choix, la chaîne, aussi com-
plète que possible, de ceux qui, chez nous, ont
pratiqué l’art avec distinction.
Malheureusement, le tableau du chanoine Van-
der Baren n’a fait que traverser son pays d’ori-
gine. Revenu de la Lorraine, il est reparti pour
la Westphalie, adjugé pour la somme de 3,800 fr.,
à un collectionneur allemand aussi éclairé que
bien avisé, M. le conseiller Cremer, brasseur, à
Dortmund. A.-J. Wauters.
(1) Pour les descriptions détaillées, voir ce catalogue,
t. II, nos 673 et 674.
(2) Idem, t. I, p. XLV, note.