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LA CHRONIQUE DES ARTS
Le reste du volume, beaucoup plus considéra-
ble, est rempli par une description d’Aidia, la
ville turque qui a remplacé celle de Tralles, et
par une histoire de Tralles, depuis les premières
origines de la cité jusqu’au temps où sa destinée
se confond, sous l’empire, avec celle de toute une
région de l’Asie. Cette partie se recommande en-
core par la méthode, la clarté et l’agrément de
l’exposition: la netteté en paraît la qualité domi-
nante. Après avoir éclairci l’obscure question re-
lative à la fondation de Thalles par les Thraces,
l’auteur suit en détail l’histoire de la ville à tra-
vers ses vicissitudes, et fait bien comprendre les
causes qui ont assigné à ce centre de population
un rôle secondaire, mais cependant d’une cer-
taine importance : sa situation sur la route d’E-
phèse et de la vallée du Caystre, la force de sa
position qui lui valut plus d’une fois l’honneur de
servir de résidence aux satrapes et aux généraux
qui traversaient la province, enfin, la fertilité de
son territoire, qui la disposait médiocrement à
l’héroïsme et fut pour elle une sorfree de richesse
toutes les fois que la domination étrangère ne la
traita pas avec trop de rigueur. A propos de cette
richesse, que quelques-uns de ses citoyens durent
au commerce, M. Rayet insiste avec raison sur un
des faits les plus curieux qui se rapportent à
l’histoire de Tralles, la fondation d’une dynastie
asiatique dans la famille de Pythodoros, qui
eut l’honneur d’épouser Antonia, la fille du
triumvir.
Dans tout le cours de cette exposition, M. Rayet
s’est heureusement servi des monuments épigra-
phiques, des monnaies et des textes anciens. Je
crois devoir louer en particulier, ajoute M. Gi-
rard, l’étude intelligente qu’il a faite des textes,
dont plusieurs, comme certains passages du Pro
Flcicco, présentent un vif intérêt. Ce début de la
publication permet d’augurer très-favorablement
du reste, où les questions archéologiques pren-
dront nécessairement plus d’importance.
Ferdiinand Delaunay.
[Journal officiel.)
Antiquités arméniennes au British Muséum
M.Layard, ambassadeur d’Angleterre à Constan-
tinople, a recueilli dans l’Arménie une collection
d’antiquités d’un très-grand intérêt au point de
vue de l’art et de la philologie. Cette collection
vient d’arriver au British Muséum. Elle consiste,
dit le Times, en une série d’ornements de bronze
formant une partie de la décoration de quelques-
uns des palais royaux des rois d’Arménie : c’est
tout ce qui reste de l’art de cet ancien royaume.
Le premier et le plus intéressant objet, au point
de A'ue artistique, est un modèle en bronze de
bœuf ailé. La statuette a environ huit pouces de
haut et six de long; elle est en très-beau bronze
qui contient une forte proportion de cuivre, et son
état de conservation est excellent. Toute .la partie
postérieure, les jambes de devant et la poitrine,
reproduisent la forme d’un bœuf, mais la tête est
celle d’un homme; le torse et les bras sont com-
plets. La tète porte les cheveux tressés suivant le
style de convention adopté en Assyrie. La figure
manque. Cela paraît étrange au premier abord,
mais un examen plus attentif démontre que la
partie antérieure de la tête, c’est-à-dire la figure,
était celle de l’homme, qu’elle était probablement
en or et attachée au bronze par une couche de
bitume. Cette statue, contrairement à ce qui a lieu
dans la majorité des effigies de bœufs ailés à tête
humaine découverts à Koyunjek et à N toron d, a
les bras croisés sur la poitrine et les mains
jointes.
Toute la statue a été richement ornée d’or, les
plumes des ailes et les cornes ont été incrustées
d’ivoire. Sur la tête, comme une sorte d’adjonc-
tion à la coiffure en forme de cornes dont elle est
ornée, se trouve le piédestal ornemental d’une
petite colonne qui portait quelque léger édifice.
Autour des bras, on voit une paire de bracelets
dont les ornements d’un modèle carré rappellent
le style grec.
Le second objet important delà collection est
aussi une statuette de bronze; elle représente un
lion couché, et, différente de la statuette que
nous venons de décrire, reproduit entièrement un
animal dessiné avec beaucoup de perfection. Elle
a environ 4 pouces de haut et 4 pouces 1/2de long;
la tête porte une seule paire de cornes, et non,
suivant l’usage, la coiffureau triple rang de cornes
et la tête humaine, mais dans cette œuvre la face
manque aussi. Les pieds et les sabots sont mode-
lés avec beaucoup d’exactitude, ainsi que les cor-
nes, et montrent que l’artiste étudiait la nature
avec plus d’attention que cela se pratiquait ordi-
nairement en Assyrie.
Ces deux objets portent des indications
évidentes d’où l’on peut conclure qu’ils ont été
exécutés d’après des dessins assyriens; la cheve-
lure, la coiffure, la tête de bœuf à figure humaine,
dénotent que ce sont des copies de modèles assy-
riens. Le lion couché est cependant une repro-
duction beaucoup plus fidèle de la nature qu’aucune
autre antiquité de Nimroud.
Le troisième objet intéressant dans la collection
est le pied de bronze d’un autel ou d’un siège;
cette œuvre est massive et bien dessinée et
représente Informe conventionnelle d’une patte de
lion. La partie supérieure est décorée d’un pan-
neau, lequel porte un cercle ailé, décoration
commune à l’Assyrie et à l’Égypte. La partie
supérieure du fragment a été richement décorée
d’incrustations d’ivoire et rehaussée en bosse d’or-
nements de bronze. Ce fragment a environ sept
pouces de haut et quatre de largeur ; c’est un
objet de remarquable solidité. Il s’y rattache un
intérêt de curiosité, secondaire il est vrai : il porte
les traces d’une réparation opérée à une époque
antique.
Parmi les autres objets de la collection, on peut
citer un. curieux panneau de bronze qui repré-
sente une maison ou un palais avec des murs cré-
nelés, semblables à ceux qui figurent dans les
bas-reliefs assyriens.
D’autres fragments ont de l’impoxtance au point
de vue de l’architecture ; ce sont des parties d’un
autel de bronze, qui porte aussi l’indication du
style assyrien.
Quand on examine ces objets, la première ques-
tion qui s’élève naturellement est celle de la date
, qui peut leur être assignée; cetle question, nous
I pouvons heureusement la résoudre au moyen de
LA CHRONIQUE DES ARTS
Le reste du volume, beaucoup plus considéra-
ble, est rempli par une description d’Aidia, la
ville turque qui a remplacé celle de Tralles, et
par une histoire de Tralles, depuis les premières
origines de la cité jusqu’au temps où sa destinée
se confond, sous l’empire, avec celle de toute une
région de l’Asie. Cette partie se recommande en-
core par la méthode, la clarté et l’agrément de
l’exposition: la netteté en paraît la qualité domi-
nante. Après avoir éclairci l’obscure question re-
lative à la fondation de Thalles par les Thraces,
l’auteur suit en détail l’histoire de la ville à tra-
vers ses vicissitudes, et fait bien comprendre les
causes qui ont assigné à ce centre de population
un rôle secondaire, mais cependant d’une cer-
taine importance : sa situation sur la route d’E-
phèse et de la vallée du Caystre, la force de sa
position qui lui valut plus d’une fois l’honneur de
servir de résidence aux satrapes et aux généraux
qui traversaient la province, enfin, la fertilité de
son territoire, qui la disposait médiocrement à
l’héroïsme et fut pour elle une sorfree de richesse
toutes les fois que la domination étrangère ne la
traita pas avec trop de rigueur. A propos de cette
richesse, que quelques-uns de ses citoyens durent
au commerce, M. Rayet insiste avec raison sur un
des faits les plus curieux qui se rapportent à
l’histoire de Tralles, la fondation d’une dynastie
asiatique dans la famille de Pythodoros, qui
eut l’honneur d’épouser Antonia, la fille du
triumvir.
Dans tout le cours de cette exposition, M. Rayet
s’est heureusement servi des monuments épigra-
phiques, des monnaies et des textes anciens. Je
crois devoir louer en particulier, ajoute M. Gi-
rard, l’étude intelligente qu’il a faite des textes,
dont plusieurs, comme certains passages du Pro
Flcicco, présentent un vif intérêt. Ce début de la
publication permet d’augurer très-favorablement
du reste, où les questions archéologiques pren-
dront nécessairement plus d’importance.
Ferdiinand Delaunay.
[Journal officiel.)
Antiquités arméniennes au British Muséum
M.Layard, ambassadeur d’Angleterre à Constan-
tinople, a recueilli dans l’Arménie une collection
d’antiquités d’un très-grand intérêt au point de
vue de l’art et de la philologie. Cette collection
vient d’arriver au British Muséum. Elle consiste,
dit le Times, en une série d’ornements de bronze
formant une partie de la décoration de quelques-
uns des palais royaux des rois d’Arménie : c’est
tout ce qui reste de l’art de cet ancien royaume.
Le premier et le plus intéressant objet, au point
de A'ue artistique, est un modèle en bronze de
bœuf ailé. La statuette a environ huit pouces de
haut et six de long; elle est en très-beau bronze
qui contient une forte proportion de cuivre, et son
état de conservation est excellent. Toute .la partie
postérieure, les jambes de devant et la poitrine,
reproduisent la forme d’un bœuf, mais la tête est
celle d’un homme; le torse et les bras sont com-
plets. La tète porte les cheveux tressés suivant le
style de convention adopté en Assyrie. La figure
manque. Cela paraît étrange au premier abord,
mais un examen plus attentif démontre que la
partie antérieure de la tête, c’est-à-dire la figure,
était celle de l’homme, qu’elle était probablement
en or et attachée au bronze par une couche de
bitume. Cette statue, contrairement à ce qui a lieu
dans la majorité des effigies de bœufs ailés à tête
humaine découverts à Koyunjek et à N toron d, a
les bras croisés sur la poitrine et les mains
jointes.
Toute la statue a été richement ornée d’or, les
plumes des ailes et les cornes ont été incrustées
d’ivoire. Sur la tête, comme une sorte d’adjonc-
tion à la coiffure en forme de cornes dont elle est
ornée, se trouve le piédestal ornemental d’une
petite colonne qui portait quelque léger édifice.
Autour des bras, on voit une paire de bracelets
dont les ornements d’un modèle carré rappellent
le style grec.
Le second objet important delà collection est
aussi une statuette de bronze; elle représente un
lion couché, et, différente de la statuette que
nous venons de décrire, reproduit entièrement un
animal dessiné avec beaucoup de perfection. Elle
a environ 4 pouces de haut et 4 pouces 1/2de long;
la tête porte une seule paire de cornes, et non,
suivant l’usage, la coiffureau triple rang de cornes
et la tête humaine, mais dans cette œuvre la face
manque aussi. Les pieds et les sabots sont mode-
lés avec beaucoup d’exactitude, ainsi que les cor-
nes, et montrent que l’artiste étudiait la nature
avec plus d’attention que cela se pratiquait ordi-
nairement en Assyrie.
Ces deux objets portent des indications
évidentes d’où l’on peut conclure qu’ils ont été
exécutés d’après des dessins assyriens; la cheve-
lure, la coiffure, la tête de bœuf à figure humaine,
dénotent que ce sont des copies de modèles assy-
riens. Le lion couché est cependant une repro-
duction beaucoup plus fidèle de la nature qu’aucune
autre antiquité de Nimroud.
Le troisième objet intéressant dans la collection
est le pied de bronze d’un autel ou d’un siège;
cette œuvre est massive et bien dessinée et
représente Informe conventionnelle d’une patte de
lion. La partie supérieure est décorée d’un pan-
neau, lequel porte un cercle ailé, décoration
commune à l’Assyrie et à l’Égypte. La partie
supérieure du fragment a été richement décorée
d’incrustations d’ivoire et rehaussée en bosse d’or-
nements de bronze. Ce fragment a environ sept
pouces de haut et quatre de largeur ; c’est un
objet de remarquable solidité. Il s’y rattache un
intérêt de curiosité, secondaire il est vrai : il porte
les traces d’une réparation opérée à une époque
antique.
Parmi les autres objets de la collection, on peut
citer un. curieux panneau de bronze qui repré-
sente une maison ou un palais avec des murs cré-
nelés, semblables à ceux qui figurent dans les
bas-reliefs assyriens.
D’autres fragments ont de l’impoxtance au point
de vue de l’architecture ; ce sont des parties d’un
autel de bronze, qui porte aussi l’indication du
style assyrien.
Quand on examine ces objets, la première ques-
tion qui s’élève naturellement est celle de la date
, qui peut leur être assignée; cetle question, nous
I pouvons heureusement la résoudre au moyen de