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LA CHRONIQUE DES ARTS
dans une série d’eaux-fortes un bon tiers de la
collection. Sir Henry Thompson manie le burin
avec beaucoup d’habileté, et ses dessins sont
pleins d’une réalité frappante, qui est d’une haute
valeur pour l’amateur de porcelaines ; mais M.
Whistler a su jeter dans ses esquisses une ten-
dresse presque féerique, qui donne un nouveau
charme aux objets qu’il reproduit. Ce catalogue
est en lui-même un objet d’art d’intérêt égal pour
les amateurs de la porcelaine japonaise et des
eaux-fortes modernes.
Il n’a été tiré qu’à deux cents et viDgt exem-
plaires, dont un nombre limité est réservé au
public. Les éditeurs en sont MM. Ellis et White,
29, New Bond street, Londres.
D'esprit de self-government déjà assez fort chez
nous dans tout ce qui touche à la politique, à
l’instruction et à la religion, s’étend peu à peu
aussi vers les beaux-arts. Je vous ai parlé dans le
temps des tentatives faites par les autorités muni-
cipales de certaines villes de province pour ob-
tenir, soit en permanence soit pour un temps
déterminé, une partie des trésors amassés au
British Muséum, à la National Gallery, et au South
Kensington. Comme on devait s’y attendre, leurs
démarches ont été sans résultat. Mais au lieu de
se décourager, les municipalités se sont vaillam-
ment mises à l’œuvre pour accomplir les vœux
de leurs concitoyens. Déjà à Glasgow, Manchester,
Liverpool, Nottingham et ailleurs, des musées de
beaux-arts ont été fondés. Les fonds souscrits
seront d’abord affectés à l’achat de reproductions
d’œuvres anciennes, et ensuite à former des
collections d’objets d’art contemporain.
M. Norman Lockyer, une célébrité du monde
scientifique, et qui est surtout connu par son
application du spectroscope à l’analyse de la
lumière sous toutes ses formes, voudrait que les
artistes peintres apprissent au moins les éléments
de la science de la lumière et des lois qui régis-
sent la science de la couleur. Autrefois les grands
maîtres tels que Léonard et Michel-Ange ne
dédaignaient pas de recourir aux connaissances
scientifiques, telles que la géométrie et l’anato-
mie, et il est certain que les découvertes d’opti-
que faite par Galilée et autres furent suivies des
peintres avec attention. M. Lockyer se plaint
aujourd’hui que, non-seulement les artistes se
contentent des connaissances les plus rudimen-
taires en fait d’anatomie et de géométrie, mais il
soutient que pas un sur cent des artistes qui ont
obtenu la réputation, ne sait les éléments de la
physique. La plupart s’imaginent que, tandis que
le bras d’un homme ou la cuisse d’un cheval sont
construits d’après une loi fixe, la suite des cou-
leurs, par exemple de l’arc-en-ciel, est le résultat
d’un hasard aveugle. Partant de cette thèse, M.
Lockyer passe en revue les principaux tableaux
exposés à la Royal Academy ; et démontre
comment, au point de vue scientifique, les artistes
ont violé les lois de la nature et de la vérité.
L’idée est ingénieuse et en même temps originale,
mais il faudrait voir si, à ce même point de vue
scientifique, comme aussi au point de vue de l’art,
la théorie de M. Lockyer est invulnérable ;
quoi qu’il en soit, il importe aux corps enseignants
de faire entrer dans les classes de la peinture un
professeur d’optique.
La maison Cassell jouit depuis des années du
privilège incontesté de populariser la littérature,
les sciences et toutes les connaissances utiles. Ces
éditeurs entreprenants viennent aujourd’hui con-
vier le» public à entrer avec eux dans le domaine
des beaux-arts. Dans ce but, ils ont lancé leur
Magazine of Art, qui, à en juger par la première li-
vraison, promet d’être un instrument de vulgari-
sation très-bien fait.
Chaque livraison de ce Magasin de l’Art est en-
richie de plusieurs gravures, tant des œuvres
contemporaines, qui ont attiré l’attention et l’ap-
probation générales, que de reproductions de
chefs-d’œuvre de l’art ancien. Il faut rendre cette
justice aux éditeurs qu’ils n’ont épargné aucune
peine pour maintenir la réputation qu’ont acquise
les graveurs sur bois anglais.
A la dernière séance de la Société des Antiquai-
res, un membre a exposé un émail de Limoges
qui a été reconnu comme datant du xui° siècle. Le
sujet de l’émail est le Christ sur la croix.
Au-dessous est la Vierge. Sur le revers, le Christ
en gloire, avec les symboles des quatre évangélis-
tes aux extrémités de la croix. L’émail était sur-
tout intéressant à cause de l’influence orientale
qu’il indique, à cette époque, parmi les travail-
leurs de Limoges. L’idée de représenter le Christ
couronné, et les deux pieds séparés, n’était pas en-
core acceptée en Occident, comme elle l’a été plus
tard.
A côté des galeries de tableaux ouvertes en ce
moment, il faudrait réserver une place pour dire
un mot sur les esquisses et dessins de l’école
hollandaise, qui se trouvent au Burlington Fine
Arts Club. Nous trouvons ici, réunis dans un petit
cercle intime, quelques rares échantillons de nos
meilleurs amis : Ostade, Dusart, Govaert, Flinch,
et Nicolas Maas, parmi les peintres de genre; Van
Goyen, Sanredam et Cuyp, parmi les paysagistes ;
de Rembrandt, il y en a une vingtaine donnant
une idée de l’universalité de son génie, de l’ha-
bileté de son pinceau et de la pureté de son sen-
timent. Il serait impossible de faire un catalogue
complet du contenu de cette petite salle, mais
après les expositions de l’hiver, il semble étonnant
que les mêmes collectionneurs aient pu trouver
dans leurs portefeuilles tant de chefs-d’œuvres.
Lionel Robinson.
CORRESPONDANCE DE BELGIQUE
( Suite. )
Pour terminer avec les comiques, j’avoue n’être
que très-médiocrement touché des malices de MM.
Meerts, de la Hoese et Herbo, bien qu’il y ait
chez les premiers une espèce de science poncive
et correcte qui n’est pas même chez le troisième.
Je m’aperçois que j’ai omis de parler de la
Convalescence d’Agneesseus. Peinture brune, tona-
lité un peu morte, exécution large, sentiment
juste, voilà ce que disent mes notes. Et j'ajoute
LA CHRONIQUE DES ARTS
dans une série d’eaux-fortes un bon tiers de la
collection. Sir Henry Thompson manie le burin
avec beaucoup d’habileté, et ses dessins sont
pleins d’une réalité frappante, qui est d’une haute
valeur pour l’amateur de porcelaines ; mais M.
Whistler a su jeter dans ses esquisses une ten-
dresse presque féerique, qui donne un nouveau
charme aux objets qu’il reproduit. Ce catalogue
est en lui-même un objet d’art d’intérêt égal pour
les amateurs de la porcelaine japonaise et des
eaux-fortes modernes.
Il n’a été tiré qu’à deux cents et viDgt exem-
plaires, dont un nombre limité est réservé au
public. Les éditeurs en sont MM. Ellis et White,
29, New Bond street, Londres.
D'esprit de self-government déjà assez fort chez
nous dans tout ce qui touche à la politique, à
l’instruction et à la religion, s’étend peu à peu
aussi vers les beaux-arts. Je vous ai parlé dans le
temps des tentatives faites par les autorités muni-
cipales de certaines villes de province pour ob-
tenir, soit en permanence soit pour un temps
déterminé, une partie des trésors amassés au
British Muséum, à la National Gallery, et au South
Kensington. Comme on devait s’y attendre, leurs
démarches ont été sans résultat. Mais au lieu de
se décourager, les municipalités se sont vaillam-
ment mises à l’œuvre pour accomplir les vœux
de leurs concitoyens. Déjà à Glasgow, Manchester,
Liverpool, Nottingham et ailleurs, des musées de
beaux-arts ont été fondés. Les fonds souscrits
seront d’abord affectés à l’achat de reproductions
d’œuvres anciennes, et ensuite à former des
collections d’objets d’art contemporain.
M. Norman Lockyer, une célébrité du monde
scientifique, et qui est surtout connu par son
application du spectroscope à l’analyse de la
lumière sous toutes ses formes, voudrait que les
artistes peintres apprissent au moins les éléments
de la science de la lumière et des lois qui régis-
sent la science de la couleur. Autrefois les grands
maîtres tels que Léonard et Michel-Ange ne
dédaignaient pas de recourir aux connaissances
scientifiques, telles que la géométrie et l’anato-
mie, et il est certain que les découvertes d’opti-
que faite par Galilée et autres furent suivies des
peintres avec attention. M. Lockyer se plaint
aujourd’hui que, non-seulement les artistes se
contentent des connaissances les plus rudimen-
taires en fait d’anatomie et de géométrie, mais il
soutient que pas un sur cent des artistes qui ont
obtenu la réputation, ne sait les éléments de la
physique. La plupart s’imaginent que, tandis que
le bras d’un homme ou la cuisse d’un cheval sont
construits d’après une loi fixe, la suite des cou-
leurs, par exemple de l’arc-en-ciel, est le résultat
d’un hasard aveugle. Partant de cette thèse, M.
Lockyer passe en revue les principaux tableaux
exposés à la Royal Academy ; et démontre
comment, au point de vue scientifique, les artistes
ont violé les lois de la nature et de la vérité.
L’idée est ingénieuse et en même temps originale,
mais il faudrait voir si, à ce même point de vue
scientifique, comme aussi au point de vue de l’art,
la théorie de M. Lockyer est invulnérable ;
quoi qu’il en soit, il importe aux corps enseignants
de faire entrer dans les classes de la peinture un
professeur d’optique.
La maison Cassell jouit depuis des années du
privilège incontesté de populariser la littérature,
les sciences et toutes les connaissances utiles. Ces
éditeurs entreprenants viennent aujourd’hui con-
vier le» public à entrer avec eux dans le domaine
des beaux-arts. Dans ce but, ils ont lancé leur
Magazine of Art, qui, à en juger par la première li-
vraison, promet d’être un instrument de vulgari-
sation très-bien fait.
Chaque livraison de ce Magasin de l’Art est en-
richie de plusieurs gravures, tant des œuvres
contemporaines, qui ont attiré l’attention et l’ap-
probation générales, que de reproductions de
chefs-d’œuvre de l’art ancien. Il faut rendre cette
justice aux éditeurs qu’ils n’ont épargné aucune
peine pour maintenir la réputation qu’ont acquise
les graveurs sur bois anglais.
A la dernière séance de la Société des Antiquai-
res, un membre a exposé un émail de Limoges
qui a été reconnu comme datant du xui° siècle. Le
sujet de l’émail est le Christ sur la croix.
Au-dessous est la Vierge. Sur le revers, le Christ
en gloire, avec les symboles des quatre évangélis-
tes aux extrémités de la croix. L’émail était sur-
tout intéressant à cause de l’influence orientale
qu’il indique, à cette époque, parmi les travail-
leurs de Limoges. L’idée de représenter le Christ
couronné, et les deux pieds séparés, n’était pas en-
core acceptée en Occident, comme elle l’a été plus
tard.
A côté des galeries de tableaux ouvertes en ce
moment, il faudrait réserver une place pour dire
un mot sur les esquisses et dessins de l’école
hollandaise, qui se trouvent au Burlington Fine
Arts Club. Nous trouvons ici, réunis dans un petit
cercle intime, quelques rares échantillons de nos
meilleurs amis : Ostade, Dusart, Govaert, Flinch,
et Nicolas Maas, parmi les peintres de genre; Van
Goyen, Sanredam et Cuyp, parmi les paysagistes ;
de Rembrandt, il y en a une vingtaine donnant
une idée de l’universalité de son génie, de l’ha-
bileté de son pinceau et de la pureté de son sen-
timent. Il serait impossible de faire un catalogue
complet du contenu de cette petite salle, mais
après les expositions de l’hiver, il semble étonnant
que les mêmes collectionneurs aient pu trouver
dans leurs portefeuilles tant de chefs-d’œuvres.
Lionel Robinson.
CORRESPONDANCE DE BELGIQUE
( Suite. )
Pour terminer avec les comiques, j’avoue n’être
que très-médiocrement touché des malices de MM.
Meerts, de la Hoese et Herbo, bien qu’il y ait
chez les premiers une espèce de science poncive
et correcte qui n’est pas même chez le troisième.
Je m’aperçois que j’ai omis de parler de la
Convalescence d’Agneesseus. Peinture brune, tona-
lité un peu morte, exécution large, sentiment
juste, voilà ce que disent mes notes. Et j'ajoute