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LA CHRONIQUE DES ARTS
plus intéressante de la célèbre collection
d'objets d’art de M. Ongbena, de Gand.
L’Ecole des beaux-arts vient de faire
acquisition des premiers exemplaires de l’œuvre
de M. Talrich, sa nouvelle méthode simplifiée
pour l’enseignement de l’anatomie (nryologie),
étudiée sur quatre sujets, dont les originaux
sont au palais du Champ-de-Mars, classe VIII,
dans l’exposition même du ministère de l’in-
struction publique.
¥*¥ D’après les journaux allemands, on au-
rait retrouvé dernièrement dans un manuscrit
de la bibliothèque Walraf, à Cologne, un ren-
seignement précieux concernant la mort de
Gutenberg. Le manuscrit dont il s’agit con-
tient des poésies latines d’un certain Jean
Butzbach : or, dans un de ces poèmes, daté de
1514, et composé d’environ 2.000 vers, il est
parlé de l’invention récente grâce à laquelle
on peut mettre au jour rapidement les œuvres
d’anciens écrivains; mais on y ajoute que cette
découverte a été fatale à son inventeur. En
effet, ce dernier aurait été saisi dans sa maison
par une bande de gens malintentionnés, en-
traîné, enlevé dans une voiture, puis égorgé.
L’histoire se termine par cette réflexion qui
arrive assez mal à propos : que l’amour du
gain est bien souvent la cause de notre ruine.
¥*¥ On a découvert récemment à Rome, près
du Ponte-Sisto, l’ancien pont du Janicule, des
fragments en bronze doré ayant appartenu à
une statue d’empereur de 9 pieds de haut. Les
fragments mis au jour sont de la meilleure
période de l’art gréco-romain et fondus dans
le bronze corinthien aux épaisses incrustations
d’or. Il y a un bras, une épaule, des pieds et
des chevilles encore adhérents à la plinthe de
marbre du piédestal, des débris de draperies
et une douzaine de petits fragments.
On continue les fouilles pour retrouver la
tête et le reste du corps. Il est probable que
cette statue est une de celles que le peuple a
jetées dans le Tibre en exécration du person-
nage qu’elle représentait. Sur le bras, on re-
marque des traces de coups d’épée, tandis
que la partie supérieure du poignet a dû être
entamée par un instrument plus lourd, sans
doute une hache. A en juger par le fini du
bronze, de l’incrustation et de la dorure, cette
statue remonterait au Ier siècle et pourrait
bien être celle de Domitien.
Conférence de M. Paul Sédille, au Trocadéro
M. Paul Sédille a fait dernièrement une con-
férence au Trocadéro, sur la polychromie dans
l’architecture.
L’éminent architecte n’a pas eu de peine à
convaincre ses auditeurs, composés d’artistes
pour le plus grand nombre, de la nécessité
où l’on se trouve de revenir aux anciennes
traditions, interrompues chez nous depuis j
Louis XIV, qui réservaient une si grande part
à la coloration, dans les édifices tant privés
que publics. C’est une erreur de croire que la
polychromie ne puisse s’acclimater dans les
pays de l’Occident : l’expérience a été faite
sous toutes les latitudes et avec un succès in-
contesté. Si notre ciel est peu propice aux dé-
corations murales, peintes à fresques, comme
il en a été fait de si pitoyables essais à Munich,
l’Athènes moderne, la décoration parles terres
cuites et les terres émaillées n’a rien à redou-
ter des tristesses du temps. C’est celle-là que
recommandait M. Paul Sédille dans son in-
téressante conférence, aux applaudissements
de tous ses auditeurs.
Mais les choses bonnes à dire sont excel-
lentes à écrire; nous espérons que M. Sédille
voudra, par la publication de sa conférence,
préserver ses paroles du triste sort qui les at-
teindrait : Scripta marient.
A. de L.
--
LE SALON DE BRUXELLES
(deuxième article)
M. Charles Ilermans a imaginé une Scène de
Conscrits. Ils sont là quatre coupant la largeur
de la rue de leur ligne de blouses bleues, bras
dessus bras dessous, la casquette oblique. La
bande bat la rue, déhanchée, stupide. Ce sont
quatre fils d’ouvriers : ils viennenl de tirer au
sort. Leurs numéros cocardent leurs coiffures,
et ils ont la boisson triste des malheureux
pour qui servir à l’armée est le renoncement
à la famille, au travail, à de vieilles habitudes.
C’est un trait de misère dont il faut savoir gré
à l’artiste. Sa toile est mélancolique dans la
mesure des choses vraies. Il ne fait pas un
article sur la conscription ;il peint des conscrits
simplement, tels qu’il les a vus, tels qu’on
peut les voir, aplatis sous leur malechance et
cherchant à étouffer leur rancœur dans les
assommoirs le long du chemin. Les poses ont
le rompu, l’affalé de l’ivresse à son premier
degré, quand la jambe titube, mais obéit en-
core. Je tiens sa silhouette générale pour
expressive ; elle fait pressentir la fermentation
furieuse qui, dans un moment, disjoindra la
bande; elle indique des anatomies peuple,
défigurées par le labeur journalier. Tout serait
bien sans le parti-pris des opposiûons noires.
M. Hermans détache ses personnages à la
façon des ombres chinoises sur un fond gris
clair de rue montante. La lumière passe
par-dessus eux sans les toucher, les laissant
dans la demi-teinte froide des avant-plans et
mêlés à un vague de pénombre Leurs sar-
raux indigo font tache sur l’enfilade des mai-
sons. C’est à peine si les visages s’indiquent
autrement que par des masses rougeâtres cer-
clées de brun. Et ainsi un côté intéressant de
l’œuvre, la physionomie, échappe à l’analyse
pour ne laisser qu’une sensation un peu grosse,
obtenue par un procédé sommaire. L’effort
LA CHRONIQUE DES ARTS
plus intéressante de la célèbre collection
d'objets d’art de M. Ongbena, de Gand.
L’Ecole des beaux-arts vient de faire
acquisition des premiers exemplaires de l’œuvre
de M. Talrich, sa nouvelle méthode simplifiée
pour l’enseignement de l’anatomie (nryologie),
étudiée sur quatre sujets, dont les originaux
sont au palais du Champ-de-Mars, classe VIII,
dans l’exposition même du ministère de l’in-
struction publique.
¥*¥ D’après les journaux allemands, on au-
rait retrouvé dernièrement dans un manuscrit
de la bibliothèque Walraf, à Cologne, un ren-
seignement précieux concernant la mort de
Gutenberg. Le manuscrit dont il s’agit con-
tient des poésies latines d’un certain Jean
Butzbach : or, dans un de ces poèmes, daté de
1514, et composé d’environ 2.000 vers, il est
parlé de l’invention récente grâce à laquelle
on peut mettre au jour rapidement les œuvres
d’anciens écrivains; mais on y ajoute que cette
découverte a été fatale à son inventeur. En
effet, ce dernier aurait été saisi dans sa maison
par une bande de gens malintentionnés, en-
traîné, enlevé dans une voiture, puis égorgé.
L’histoire se termine par cette réflexion qui
arrive assez mal à propos : que l’amour du
gain est bien souvent la cause de notre ruine.
¥*¥ On a découvert récemment à Rome, près
du Ponte-Sisto, l’ancien pont du Janicule, des
fragments en bronze doré ayant appartenu à
une statue d’empereur de 9 pieds de haut. Les
fragments mis au jour sont de la meilleure
période de l’art gréco-romain et fondus dans
le bronze corinthien aux épaisses incrustations
d’or. Il y a un bras, une épaule, des pieds et
des chevilles encore adhérents à la plinthe de
marbre du piédestal, des débris de draperies
et une douzaine de petits fragments.
On continue les fouilles pour retrouver la
tête et le reste du corps. Il est probable que
cette statue est une de celles que le peuple a
jetées dans le Tibre en exécration du person-
nage qu’elle représentait. Sur le bras, on re-
marque des traces de coups d’épée, tandis
que la partie supérieure du poignet a dû être
entamée par un instrument plus lourd, sans
doute une hache. A en juger par le fini du
bronze, de l’incrustation et de la dorure, cette
statue remonterait au Ier siècle et pourrait
bien être celle de Domitien.
Conférence de M. Paul Sédille, au Trocadéro
M. Paul Sédille a fait dernièrement une con-
férence au Trocadéro, sur la polychromie dans
l’architecture.
L’éminent architecte n’a pas eu de peine à
convaincre ses auditeurs, composés d’artistes
pour le plus grand nombre, de la nécessité
où l’on se trouve de revenir aux anciennes
traditions, interrompues chez nous depuis j
Louis XIV, qui réservaient une si grande part
à la coloration, dans les édifices tant privés
que publics. C’est une erreur de croire que la
polychromie ne puisse s’acclimater dans les
pays de l’Occident : l’expérience a été faite
sous toutes les latitudes et avec un succès in-
contesté. Si notre ciel est peu propice aux dé-
corations murales, peintes à fresques, comme
il en a été fait de si pitoyables essais à Munich,
l’Athènes moderne, la décoration parles terres
cuites et les terres émaillées n’a rien à redou-
ter des tristesses du temps. C’est celle-là que
recommandait M. Paul Sédille dans son in-
téressante conférence, aux applaudissements
de tous ses auditeurs.
Mais les choses bonnes à dire sont excel-
lentes à écrire; nous espérons que M. Sédille
voudra, par la publication de sa conférence,
préserver ses paroles du triste sort qui les at-
teindrait : Scripta marient.
A. de L.
--
LE SALON DE BRUXELLES
(deuxième article)
M. Charles Ilermans a imaginé une Scène de
Conscrits. Ils sont là quatre coupant la largeur
de la rue de leur ligne de blouses bleues, bras
dessus bras dessous, la casquette oblique. La
bande bat la rue, déhanchée, stupide. Ce sont
quatre fils d’ouvriers : ils viennenl de tirer au
sort. Leurs numéros cocardent leurs coiffures,
et ils ont la boisson triste des malheureux
pour qui servir à l’armée est le renoncement
à la famille, au travail, à de vieilles habitudes.
C’est un trait de misère dont il faut savoir gré
à l’artiste. Sa toile est mélancolique dans la
mesure des choses vraies. Il ne fait pas un
article sur la conscription ;il peint des conscrits
simplement, tels qu’il les a vus, tels qu’on
peut les voir, aplatis sous leur malechance et
cherchant à étouffer leur rancœur dans les
assommoirs le long du chemin. Les poses ont
le rompu, l’affalé de l’ivresse à son premier
degré, quand la jambe titube, mais obéit en-
core. Je tiens sa silhouette générale pour
expressive ; elle fait pressentir la fermentation
furieuse qui, dans un moment, disjoindra la
bande; elle indique des anatomies peuple,
défigurées par le labeur journalier. Tout serait
bien sans le parti-pris des opposiûons noires.
M. Hermans détache ses personnages à la
façon des ombres chinoises sur un fond gris
clair de rue montante. La lumière passe
par-dessus eux sans les toucher, les laissant
dans la demi-teinte froide des avant-plans et
mêlés à un vague de pénombre Leurs sar-
raux indigo font tache sur l’enfilade des mai-
sons. C’est à peine si les visages s’indiquent
autrement que par des masses rougeâtres cer-
clées de brun. Et ainsi un côté intéressant de
l’œuvre, la physionomie, échappe à l’analyse
pour ne laisser qu’une sensation un peu grosse,
obtenue par un procédé sommaire. L’effort