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La chronique des arts et de la curiosité — 1878

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Nr. 32 (19 octobre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26617#0262
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254

LA CHRONIQUE DES ARTS

plus appropriée et lapins élevée de la musique
est la musique instrumentale, et celle-ci ne suit
jamais mieux son génie que quand, au lieu d’ac-
compagner un texte écrit ou chanté, elle a ,
comme dans la symphonie, la pleine liberté de
la fantaisie.

« On ajoute, et ici j’en appelle à l’expérience
de tous les amateurs, que le vrai moyen de jouir
d’un concerto ou d’une symphonie n’est pas de
chercher à traduire au fur el à mesure les pen-
sées du compositeur, de chercher dans ses effets
des idées précises, mais plutôt de livrer, pour
ainsi parler, son organisme à la puissance du son,
de rester passif sous l’émotion, de laisser le sens
de la composition, si tant est qu’on arrive à le
déterminer, sc dégager tout seul des sensations
obscures, et de ne pas en vouloir à cette obscu-
rité, à ce vague, à l'incertitude des intentions, à
la multiplicité des interprétations possibles, con-
sidérant que le privilège de la musique est préci-
sément de dire les choses qu’aucun autre langage
ue peut exprimer.

« Et de même pour la peinture. Elle aussi,bien
que dans un moindre degré, a son langage pro-
pre ; elle aussi ne parle à l’esprit que par la sen-
sation ; d’elle aussi on ne saurait jouir, si l’on ne
commence par comprendre et goûter ses moyens
d expression pour eux-mêmes ; ajoutons enfin
que, dans 1 un et dans l’autre des deux arts, telle
est la valeur de la matière dont ils se servent
qu elle suffit à elle seule à la délectation des con-
naisseurs.

_K Ainsi, à la différence de ce qui a lieu en lit- 1
térature, il faut reconnaître, dans la peinture et
dans la musique, un côté technique ou de métier,
ici la mélodie et l’harmonie, là le dessin et le co-
loris, un élément qui peut se séparer de l’idée à
exprimer, qui a son prix par lui-même, qui suffit
à constituer une œuvre d’art et auquel, par consé- I
quent, le sens littéraire de l’œuvre doit se subor- !
donner, tandis qu’il ne saurait, lui, se subordon- j
ner à rien.

« Il faut avant tout, en effet, que la musique
soit de la musique et que la peinture soit de la
peinture. Osons aller plus loin et admettre qu’un
tableau peut être une œuvre d’art considérable,
sans qu’aucune idée y préside, témoin les AToces
de Cerna de Paul Véronèse, tandis que la préoccu-
pation littéraire a été souvent fatale à la peinture,
témoin, par exemple, de nos jours, presque toute
l’œuvre de Paul Delaroche et d’Ary Scheffer. Je ne
suis pas certain que la réflexion, même appliquée
aux parties essentielles du métier, ne nuise pas à
la peinture, par cela seul qu’elle en exclut la
naïveté, qu’elle porte atteinte à l’intuition pitto-
resque proprement dite.

« Ce qui est sûr du moins, c’est qu’il faut un
fort tempérament plastique pour tenir cette ré-
flexion en équilibre. Qui n’a éprouvé quelque
chose de ce que je veux dire en présence des
ouvrages de ce Poussin dont Delacroix a si bien
dit qu’il « crève de science du côté de la composi-
tion » ? Et Raphaël lui-même, dans ses Stances et
ses cartons de Kensington, dans Y Ecole d'Athènes
et la Dispute du Samt-Sacrement, ces chefs-
d’œuvre de la peinture de style, ne nous donne-
t-il pas l’impression qu’en marquant l’apogée
d’une conception de l’art , il en a en même
temps marqué les défauts et préparé le déclin ?
N’y a-t-il pas là le germe, je dis le germe, de la

décadence postérieure ? La peinture, arrivée à cet
excès de pensée, ne devait-elle pas revenir à
l’impression immédiate sous peine de périr ?

« En résumé, et pour établir nettement un
grand principe, nous dirons : la forme dans l’art
d’écrire doit être assujettie au fond, et la tenta-
tive de donner au style une valeur indépendante
trahit les littératures de décadence ; dans la mu-
sique, au contraire, et dans les arts plastiques, le
fond est assujetti à la forme, et c’est lorsque le
fond ou la pensée tend à prédominer que l’art
commence à dégénérer. »

«---

BIBLIOGRAPHIE

Les arts a la cour des papes pendant le xv° et le
xvie siècle, recueil de documents inédits tirés
des archives et des bibliothèques romaines, par
M. Eugène Muntz, bibliothécaire de l’Ecole na-
tionale des Beaux-Arts. Paris, Thorin, 1 vol. in-
8° de 364 pages.

Première partie: Martin Y-Pie II (1417-1464).

Nous sommes heureux de signaler à nos lec-
teurs la mise au jour de la première partie du
grand travail de M. Eugène Müntz sur la Renais-
sance à la cour des Papes, d’abord, parce que
toutes les patientes recherches que poursuit dans
le domaiue de l’érudition artistique notre excel-
lent collaborateur, naguère membre de l’école
française de Rome, aujourd’hui bibliothécaire de
l’Ecole des Beaux-Arts, méritent pleinement de
fixer l’attention, ensuite parce que le sujet em-
brassé est des plus vastes et des plus intéressants
dans l’histoire de l’art. La Gazette, en outre, a
récemment publié en substance et comme en rac-
courci quelques-uns des chapitres les plus cu-
rieux de cette publication. Nos lecteurs peu-
vent juger de l’importance et de la solidité du
travail définitif par ces fragments. Nous n’avons
pas besoin de faire remarquer qn’une grande par-
tie des matériaux mis en œuvre sont inédits.
M. Müntz a employé son séjour à Rome à dé-
pouiller le plus qu’il a pu des archives romaines,
du moins celles qui étaient à sa portée ; car on
sait que les archives vaticanes sont à peu près
inaccessibles. Ce qui lui a manqué dans les docu-
ments manuscrits, souvent dispersés et fort peu
nombreux, il l’a complété par une compilation
très-sagace des auteurs contemporains et de tous
les ouvrages modernes contenant des documents
; publiés ; il s’est aidé notamment des grands tra-
vaux de l’illustre érudit italien, M. Milanesi.

Ce premier volume contient les papes Martin V,
Eugène IY, Nicolas Y, Calixte III et Pie II, avec
des notices spéciales, en dehors des documents
eux-mêmes, sur tous les grands travaux d archi-
! teeture, de peinture, de sculpture, d’orfèvrerie,
de tapisserie, etc., exécutés par eux, soit à Rome
ou dans les environs, soit à Florence, soit à
Sienne. r

Les Vieux Arts du Feu, par Claudius Popelin.
Paris, Alph. Lemerre, 1878.

M. Claudius Popelin, l’habile émailleur, le pein-
tre épris de l’art des Limosin, des Courtoy et des
 
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